EXPÉRIENCE CLIENT - RECOUVREMENT

Guerre des talents : comment les fidéliser et les attirer ?

« Emplois vacants », « tension sur le marché du travail », « difficultés de recrutement », « big quit », « pénurie de talents ».

Selon la Dares*, entre fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint en France, un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Un niveau élevé des démissions qui est à relativiser, au vu des tensions actuelles sur le marché du travail, car environ 8 démissionnaires de CDI sur 10 au second semestre 2021 étaient en emploi dans les 6 mois qui suivent.

La pénurie de talents dans certains domaines ou secteurs, ainsi que la demande croissante de compétences spécifiques dans l’économie mondiale obligent les entreprises à être une marque employeur attractive et mener une guerre des talents de diverses manières, telles que l’offre de salaires et d’avantages compétitifs, la mise en place d’un environnement de travail stimulant, ou encore l’investissement dans la formation, le développement des compétences, un plan de carrière…

Et, en plus, il faut leur dire qu’on les aime !

Guerre des talents, comment les recruter et les fidéliser ?

Pour en parler, Aurélien Gadreau, Practice Manager chez Page Personnel, filiale de PageGroup, leader du recrutement et de l’intérim spécialisés.

Alexandre Carré : Pourquoi parle-t-on tant de guerre des talents ?

Aurélien Gadreau : Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une vraie pénurie de talents sur le marché qui a été fortement poussée par la crise du Covid, corrélée à des départs à la retraite croissants jusqu’en 2030, avec les personnes issues du baby-boom.

Nous avons environ moins d’un candidat par offre d’emploi sur le marché.

Alexandre Carré : Est-ce que vous pouvez nous présenter PageGroup qui est une référence du recrutement ?

Aurélien Gadreau : PageGroup est l’un des leaders spécialisés sur le marché du recrutement sur l’intérim et sur les recrutements permanents, avec deux entités principales : Page Personnel qui va accompagner nos clients et nos candidats sur des profils jusqu’à 45000 euros de salaire et Michael Page qui va prendre le relais sur des profils de cadres supérieurs au-delà de 45000 euros.

Alexandre Carré : Avec des spécialités en termes de métiers ?

Aurélien Gadreau : Exactement. Nous avons une vingtaine de spécialisations métiers par marques et j’interviens au sein de la division ADV et relation clients d’où ma présence au sein de votre Agora des Directeurs Expérience Client .

Alexandre Carré :  Quels sont les chiffres de cette pénurie actuelle sur le marché. ? 

Aurélien Gadreau : On a constaté en 2022, une hausse de 72% d’offres disponibles sur les différents jobboards mais une baisse de 50 % de candidatures reçues.

Allié à cela, on parle de phénomènes de “Grande Démission” : plus de 500 000 démissions par trimestre, uniquement en France. C’est énorme.

Alexandre Carré : Que vont faire ces gens ?

Aurélien Gadreau :  Ils vont trouver un autre métier et un autre univers. 50% des démissions sont pour un autre métier ou pour monter en compétences. 

Mais il y a aussi plein de raisons personnelles depuis le Covid. Il y a un vrai changement de mindset et d’envie d’avoir un meilleur équilibre vie perso, vie pro.

Alexandre Carré : Avec le recul, peut-on affirmer que le Covid a bouleversé la donne ?

Aurélien Gadreau : Complètement. L’employeur n’a plus le choix. Il doit séduire et même négocier.

Clairement, le marché est à l’avantage du candidat qui va choisir son employeur. Auparavant, on parlait beaucoup de salaire et maintenant, il y a le salaire émotionnel (l’ensemble des gains non-monétaires qu’une entreprise va offrir à ses salariés). Le candidat aujourd’hui cherche tout ça.

Alexandre Carré : Que doit-on offrir en priorité à ces candidats ? 

Aurélien Gadreau : En priorité, les écouter puisque les candidats depuis le Covid s’expriment énormément.

Avant le Covid, on cherchait un poste et un salaire. Aujourd’hui, il y a tout le reste et surtout tout le reste. Un chèque ne suffit plus.

Un candidat veut pouvoir choisir l’entreprise qui aura le plus d’atouts pour lui, notamment sur l’équilibre vie pro, vie perso, sur un vrai partage de valeurs. L’image de marque et la culture d’entreprise sont énormément scrutées par les candidats sur les différents réseaux. Les candidats posent énormément de questions sur ces thèmes-là en entretien et il faut être très transparent avec eux.

En plus de cela, un candidat veut, dès le premier entretien, une vraie projection de carrière. Il veut savoir comment il va être accompagné pour atteindre d’autres postes dans quelques années.

C’est un vrai changement d’attitude de la part des candidats.

Alexandre Carré : Cela veut-il dire qu’un candidat est prêt à faire des concessions sur le salaire ?

Aurélien Gadreau : Le salaire, bien évidemment, reste un critère très important, notamment en ce moment, où l’on parle beaucoup d’inflation. Mais aujourd’hui, le salaire émotionnel, c’est-à-dire le bien-être, le style managérial, les avantages, les sujets diversités, de mécénat et autres sont tout autant important dans le futur choix du candidat.

Un candidat aujourd’hui a 5 offres donc il va scruter tous ces paramètres avant de faire le bon choix.

Alexandre Carré :  Comment une entreprise doit-elle se démarquer et quelle image de marque doit-elle donner ?

Aurélien Gadreau : On parle beaucoup d’image de marque employeur depuis le Covid . C’est encore plus marqué aujourd’hui.

Les entreprises qui n’ont pas investi sur ce travail d’image de marque ont des difficultés à attirer leur futur talent. Il y a donc un travail conjoint de toutes les directions de l’entreprise en général qui vont recruter au sein de leurs équipes. Il faut pouvoir avoir déjà le même discours.

Cela part de la vitrine qui est l’offre d’emploi : le descriptif de poste mais aussi, de tout l’environnement, de l’image de marque qui est attendue, la réputation de l’entreprise bien évidemment et l’e-réputation est également très regardée.  

Alexandre Carré :  Cela veut-il dire que les futurs candidats étudient les réseaux sociaux des entreprises ?

Aurélien Gadreau :  Complètement. Les notations, les commentaires dans le détail sont regardés. Les candidats ne vont pas hésiter à en parler en entretien. 

Il est important pour une entreprise, de prendre le temps de répondre à ses avis, de remercier déjà d’avoir laissé un avis au même titre que les avis clients. Les avis candidats et aussi collaborateurs comptent énormément aujourd’hui. Ils sont très scrutés.

Alexandre Carré :  Ce qui compte pour les futurs talents, ce sont justement les valeurs que sont la RSE et la QVT ?

Aurélien Gadreau : Oui, la Qualité de Vie au Travail et la RSE sont des questions que l’on ne nous posait jamais en entretien. Aujourd’hui, elles sont systématiquement posées.

Un candidat qui prépare son entretien va aller sur le site de l’entreprise, voir l’environnement de travail, les espaces de pause, qu’est-ce qui est mis en place pour la santé mentale des collaborateurs. C’est un sujet qui a émergé avec le Covid. Beaucoup de personnes ont eu des difficultés financières et d’organisation personnelle et effectivement un candidat va poser ce type de questions à son futur employeur.

Et s’il n’a pas la réponse attendue, le candidat ne viendra pas.

Alexandre Carré : Aujourd’hui, qu’est-ce qui est mis en place par une entreprise pour accompagner le bien-être de ses collaborateurs ?

Aurélien Gadreau : On parle de flexibilité, du télétravail, cela fait partie du bien-être et de ce qui est attendu par un collaborateur. 

On parle beaucoup de symétrie des attentions dans l’expérience client et un collaborateur qui est épanoui, qui aime son job va effectivement bien accompagner ses clients.

Alexandre Carré : Les soft skills tendances en 2023 sont assez variées mais adaptabilité, autonomie et créativité reviennent souvent. Sont-elles recherchées ?

Aurélien Gadreau : Oui, alors chaque soft skills est associé à un poste. Les choses sont très différentes d’un poste à un autre et de ce que l’on attend d’un candidat. Il n’y a donc pas de soft skills qui peuvent être dupliquées sur tous les métiers. 

Alexandre Carré : Il faut savoir simplifier l’expérience candidat. Qu’est-ce qu’une expérience candidat réussie ?

Aurélien Gadreau : C’est avant tout d’aller très vite. Le candidat a énormément d’offres devant lui et il faut aller très vite dans le process 

Bien poser le process, aller très vite et avoir une vraie culture du feedback.  

Il faut savoir dire à un candidat pourquoi il n’est pas retenu. Il en sortira grandi. Cela va l’aider à améliorer ses entretiens futurs et il en gardera un bon souvenir. Il y a 60% des clients aujourd’hui qui n’ont aucun retour suite à un entretien. 

Le REC, le retour d’expérience candidat, est hyper important à toutes les étapes du recrutement. Il faut prendre le temps de demander un feedback. Cela permet aux recruteurs, de savoir s’il est intéressé, de prendre le temps de se dire : “on se rappelle demain si vous avez des questions”. C’est très différenciant puisqu’il n’y a pas beaucoup de sociétés qui l’appliquent et effectivement l’expérience candidat en ressort grandie. 

Alexandre Carré : Quels seront, cette année, les meilleurs outils et canaux à utiliser pour recruter ?

Aurélien Gadreau : Ils sont multiples. Comme il y a une vraie pénurie, il faut tous les utiliser.  

Bien évidemment, les annonces restent l’outil numéro un, même s’il faut arriver à se différencier, à raconter l’histoire sur l’annonce pour que le candidat puisse se projeter.

La cooptation également marche énormément. Les collaborateurs épanouis sont de vrais ambassadeurs. Ils vont faire le job à la place du recruteur. Il y a des primes de cooptation qui sont mises en place dans énormément de sociétés. C’est entre 1000 et 5000 euros selon les entreprises. C’est gratifiant pour un collaborateur d’attirer un nouveau talent et de retrouver quelqu’un avec qui il sera ravi de travailler.

Alexandre Carré : Comment fait-on pour garder ces nouveaux talents ?

Aurélien Gadreau : Il faut déjà leur dire qu’on les aime. Il faut les accompagner avec beaucoup d’émotion, prendre le temps de comprendre leurs attentes. Chaque collaborateur a des attentes différentes et le rôle du management est très important. 

Le manager très rigoriste n’existe plus aujourd’hui et les nouvelles générations n’attendent plus ce style managérial. Et le manager est l’ambassadeur. Il n’y a pas mieux placé qu’un manager pour parler de son entreprise, des valeurs, les inculquer et les diffuser au sein de l’entreprise. 

Le rôle du manager est primordial aujourd’hui pour effectivement retenir un talent. 

Alexandre Carré : Le manager doit-il faire de ses collaborateurs, des ambassadeurs ?

Aurélien Gadreau : Oui, tout à fait. Il participe activement à ce rôle auprès de ses clients, en interne, auprès des futurs talents qui vont le rejoindre. 

Le changement de besoin des candidats a aussi induit un changement de style managérial et les entreprises doivent accompagner les managers. 

Alexandre Carré : Comment les accompagner ? Quelles sont les meilleures solutions ? 

Aurélien Gadreau : Il y a des formations. On a tous eu des formations de suivi d’équipes à distance. On a tous découvert des équipes flexibles et il est rare aujourd’hui d’avoir toutes nos équipes le même jour sur le même site. Il a fallu accompagner les managers dans cette gestion d’équipes à distance. On a travaillé aussi sur la confiance. Quand on est à distance, on s’est tous dit que l’on n’y arriverait pas. Il y a un vrai travail qui a été fait sur les managers pour travailler sur cette confiance. 

Alexandre Carré : Les directions doivent-elles travailler avec leurs managers comme les managers vont travailler avec leur collaborateurs ?

Aurélien Gadreau : Exactement. Le service formation et le N+1 du manager doivent forcément accompagner leur management puisque des candidats ne demandent pas à être accompagnés de la même façon qu’il y a 10-15-20 ans. 

Alexandre Carré : Aujourd’hui, doit-on viser un accompagnement à long terme ?

Aurélien Gadreau :  Oui. Je parlais de plans de carrière donc fidéliser, accompagner, le projeter, l’accompagner à long terme.  

Alexandre Carré : Vous parlez chez Page Personnel de collaborateur boomerang. Qu’est-ce c’est ? 

Aurélien Gadreau :  Un salarié boomerang est un salarié qui sentait le besoin d’acquérir d’autres compétences au sein d’une autre entreprise et qui se rend compte que finalement, l’entreprise qu’il a quitté il y a quelques années lui manque. Cela veut dire qu’il veut et peut revenir et doit être accueilli à bras ouverts s’il est parti en bon terme et qu’il a acquis d’autre compétences qui vont servir son entreprise. 

Alexandre Carré : En conclusion, le candidat est devenu un client.

Aurélien Gadreau :  Exactement et il faut lui dire qu’on l’aime ;)))

Interview réalisé par Alexandre Carré, Directeur de la rédaction Agora News Expérience Client

*Dares : La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques est une direction de l’administration publique centrale française, qui dépend du ministère du Travail. 

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