Comment l’innovation transforme l’expérience client !
Le Syndicat Professionnel des Centres de Contacts (SP2C) et le cabinet EY ont dévoilé en septembre dernier, l’édition 2023 du Baromètre* des impacts économiques, sociaux et territoriaux des centres de contacts externalisés en France.
Décryptage de ce Baromètre par Caroline ADAM, Déléguée générale de SP2C, avec un focus sur les innovations caractérisées par l’IA, l’automatisation, l’analyse de la donnée, l’omnicanalité mais également, par l’apparition de nouveaux canaux de communication tels que ChatGPT, la réalité virtuelle ou encore le métavers.
Alexandre Carré : Avant d’aborder votre Baromêtre 2023, permettez-moi de vous féliciter puisque je souligne que vous êtes le Prix Coup de cœur de notre Gala 2023 des Directeurs de l’expérience client. Est-ce important pour vous, ce genre de récompense ?
Caroline Adam : J’ai été extrêmement flattée. Oui c’est important parce que c’est un travail de l’ombre d’être syndicaliste, surtout pour les outsourceurs. Je représente les prestataires de services, en général des grandes marques, et ce Prix représente plutôt le coup de cœur des marques. Donc je l’ai pris vraiment très personnellement, avec beaucoup d’émotion.
A.C. Alors Caroline, quelle la raison d’être du SP2C, le Syndicat professionnel des centres de contacts ?
Caroline Adam : Nous avons trois missions principales. La première, c’est de négocier avec les partenaires sociaux la convention collective dont on dépend et également des centres internes de marque. Donc cela occupe un tiers de mon temps, avec beaucoup de réunions, de tables rondes avec les partenaires sociaux, de négociation autour des minima de branche. Avec l’inflation, c’est un sujet très important. Le but étant de trouver un compromis avec l’ensemble des partenaires sociaux.
La seconde mission du SP2C, ce sont les actions d’influence et de défense des intérêts de la profession et de la filière. A titre d’exemple, pendant la crise sanitaire, le gouvernement voulait fermer les centres de contact alors que l’on considérait que nous faisions partie de la première ligne.
Parce qu’à partir du moment où il n’y avait plus de contact physique, il fallait bien prendre le relais entre les marques et les consommateurs, mais aussi entre les pouvoirs publics et les usagers. C’est ainsi que les adhérents du SP2C ont assuré la ligne téléphonique Covid-19.
Donc ça a été beaucoup de négociation, d’actions d’influence, de défense de la profession et des grands projets comme celle de la filière de la relation client qui pèse autant que l’aéronautique en France, en termes d’emplois.
Si vous regroupez les marques, nos services clients, nos outsourceurs et fournisseurs de solutions, on pèse autant que la filière aéronautique en France. Et pourtant, cette filière n’est pas constituée : c’est d’ailleurs un des gros projets de la syndicaliste d’organisation patronale que je suis.
Et troisième mission, c’est essayer de valoriser nos métiers, nos compétences. Récemment, on a lancé une campagne digitale pour valoriser la diversité de nos métiers, de nos canaux, et qui a même été repris par Le Parisien. Donc on en est ravi.
A.C : Quand vous cherchez à promouvoir et valoriser votre profession, c’est aussi d’aiguiller les jeunes qui se dirigent vers les études supérieures ?
Caroline Adam : Alors, les jeunes et les moins jeunes : 17 % de nos recrutements se destinent aux seniors. Contrairement aux idées reçues, on a aussi bien des jeunes, des moins jeunes que des un peu plus âgés, de tout horizon, de tout diplôme. On est vraiment une filière inclusive en terme de recrutement, donc on s’adresse en fait à tout le monde.
A.C : Combien de membres sont adhérents du SP2C ?
Caroline Adam : Nous avons neuf grandes marques qui pèsent 75 % du marché de la relation client externalisée et qui pèse 100 000 emplois pour le marché français en général et 55 000 emplois sur l’ensemble du territoire français.
A.C : Concernant votre Baromètre intitulé « Comment l’innovation transforme l’expérience client », est-ce que l’on peut parler déjà des tendances business avant de parler de celles RH ?
Caroline Adam : En termes de business, on constate que la croissance est toujours au rendez-vous. On a une croissance moyenne depuis cinq ou six ans de 6 % par an. Nous avons eu une forte croissance pendant la crise sanitaire, en relais des points de contacts physiques.
On a aujourd’hui une croissance un peu moindre avec un rythme plus régulier de 3 %.
A.C : Et les perspectives sur les années à venir ?
Caroline Adam : Plus il y a de canaux, plus il y a d’interactions, plus on fait appel à nous. Je pense que la relation client à distance est devenue incontournable. Nous sommes complémentaire de la relation client de proximité et l’on suit les tendances du marché.
Je m’explique. Pendant la crise sanitaire, c’est le secteur public, la santé, qui a beaucoup fait appel à nous.
Aujourd’hui, on voit aussi une reprise du Travel & Hospitality (+36%). Donc on accompagne cette croissance. Plus il y a de voyages, plus les hôtels et les compagnies aériennes ont besoin de nous pour les accompagner dans leur service clients. On les accompagne au même rythme.
Et le Retail & E-commerce continuent à accélérer l’expérience client vis-à-vis de leurs usagers.
A.C : Est-ce que des événements à résonance mondiale comme la Coupe du monde de rugby et bientôt les Jeux olympiques impulsent ?
Caroline Adam : Alors, pour la relation client à distance, oui ! Ça reste minime par rapport à la relation client à proximité. Mes membres ont de plus en plus d’appels de consommateurs qui souhaitent venir en France. Donc ça, c’est plutôt une bonne nouvelle pour le marché en général.
A.C : En termes RH, qu’est-ce que l’on peut dire ?
Caroline Adam : Je dirais qu’il y a deux tendances principales. La première, c’est l’investissement dans la formation professionnelle de nos conseillers clients, qui connaît une accélération énorme. Aujourd’hui, par an, c’est 98 heures de formation par conseiller client en moyenne. Donc ça reste énorme. Pourquoi ? Parce qu’effectivement, il faut les former sur les produits des marques et sur la technique.
Ce n’est pas la même chose de négocier un consommateur sur Twitter, sur un chat, par mail ou par téléphone. Donc plus il y a de canaux, plus il y a d’interactions. Donc, il faut les former sur l’intelligence artificielle générative, sur le métavers, la réalité virtuelle, etc. Il faut former nos conseillers à ces nouvelles technologies et il y donc une forte accélération de la formation professionnelle.
La deuxième tendance, c’est un rythme de croisière pour le télétravail.
On est passé de zéro à quasiment 100 % en très peu de temps lors de la crise Covid. Et en sortie de crise, on était à une moyenne de 45-47% de télétravail en moyenne, soit trois à quatre jours par semaine. Et aujourd’hui, on se stabilise plutôt autour des 30-35 %, donc deux ou trois jours par semaine.
Comme quoi la communauté a quand même besoin de se retrouver à un moment donné pour échanger sur les parcours clients, sur les difficultés rencontrées.
Ça, c’est la force de l’humain. On a besoin de se retrouver et donc, ça se stabilise.
A.C : Est-ce que c’est une tendance qui va perdurer alors qu’aux Etats-Unis, les grands patrons demandent à leur salariés de revenir au bureau ?
Caroline Adam : En France, ça se stabilise. On est sur une moyenne classique. En fait, ça nous aide beaucoup pour toucher des bassins de recrutement que l’on ne touchait pas avant. C’est plus facile pour quelqu’un de prendre sa voiture que deux fois par semaine pour venir sur son lieu de travail et continuer à maintenir le lien social.
Et c’est une facilité très claire dans l’équilibre vie privée-vie professionnelle de pouvoir travailler trois jours à la maison. Je pense que cet équilibre vie privée-vie professionnelle est très français et que l’on retrouve peut-être moins à l’étranger.
J’imagine que les nouvelles technologies comme IA bousculent l’univers de la formation, en termes de demande des conseillers que d’investissement des entreprises.
Caroline Adam : Les entreprises investissent toutes et c’est la force des outsourceurs. Comme ils « prestent » pour différents secteurs d’activité, ils peuvent proposer des solutions matures d’un secteur à un autre. Donc ça, c’est une premières force. La seconde force, c’est que l’on est en capacité d’utiliser ces nouvelles technologies non seulement pour le consommateur, mais aussi pour former nos conseillers.
Par exemple, on participe au Campus des métiers et des qualifications de la relation client 3.0 qui a été lancé à Lille avec des fonds européens pour développer cette formation immersive avec de la réalité virtuelle pour nos conseillers.
Autre exemple, Foundever investit beaucoup pour former ses conseillers clients avec un Chatbot. Donc effectivement, pour la formation, c’est aussi une révolution.
A.C. Est-ce que l’on peut développer quelques cas concrets d’utilisation de cette nouvelle relation client 3.0 ?
Caroline Adam : Par exemple chez Armatis, on avait l’habitude d’automatiser un maximum de choses – et c’est toujours le cas – mais c’était l’œil humain qui allait derrière le conseiller pour voir pendant une demi-journée ce qu’il fallait développer pour automatiser ce qui lui prenait du temps et qui n’était pas pertinent.
Aujourd’hui, on a une intelligence artificielle chez Armatis, « Process Mining », qui, elle, analyse l’ensemble des interactions sur plusieurs temps, avec un nombre de données bien plus importantes qu’un humain peut traiter en une demi-journée. Et qui va dire : c’est là qu’il faut tout miser.
Et le business analyst, finalement, ne vient qu’en second temps, pour vérifier si c’est faisable, si le développement n’est pas trop coûteux, si c’est pertinent. Donc voilà une inversion.
Autres exemple : Bluelink, qui travaille pour des grandes maisons de luxe, et dans la cosmétique, qui avait des difficultés pour recruter des conseillers qui répondent à l’Europe du Nord avec des langues plutôt rares – je pense aux Finlandais, aux Norvégiens, aux Danois.
Du coup, ils ont créé une intelligence artificielle qui permet à ses conseillers de traduire les mails reçus, soit en anglais ou en français et de répondre en anglais ou en français. Et l’IA va traduire dans la bonne langue. Cela permet pour un même conseiller de traiter plusieurs secteurs géographiques et d’apporter la même qualité en termes d’ambassadeur de marque.
A.C. On n’en est pas encore sur la traduction de conversation en direct ?
Caroline Adam : Ça arrive. Par exemple, les conseillers clients en formation chez Foundever peuvent poser une question par écrit ou avec la voix. Et donc la machine leur répond soit par écrit, soit par la voix. Donc on y arrive.
A.C. Est-ce que l’on peut parler de la réalité virtuelle ?
Caroline Adam : Un de nos membres travaille avec Alpine et la réalité virtuelle permet de faire vivre au conseiller client, l’expérience que l’on a dans une Alpine et ainsi lui permettre de transmettre au client l’émotion que l’on peut avoir d’être embarqué dans une Alpine
Ou encore, je pense à Foundever en Espagne, qui travaille avec une marque américaine d’électroménager très design, qui n’est pas très connue en France et qui va accompagner son consommateur avec des lunettes de réalité virtuelle pour lui dire comment, par exemple, passer des degrés Fahrenheit à Celsius.
A.C. Et sur le métavers ?
Caroline Adam : Un exemple chez Webhelp, qui travaillent avec The Sandbox Game, avec une communauté de gamers qui ne passe pas par mail ni par tchat mais qui organise des réunions de consommateurs du monde entier dans le métavers pour demander en direct les améliorations souhaitées.
A.C. Est-ce que ces nouvelles nouvelles technologies vont également apporter un temps de réponse plus rapide aux clients ? Ça m’arrive encore aujourd’hui de passer 25 minutes à attendre au téléphone !
Caroline Adam : Oui. Alors l’exemple type, c’est la crise Covid. Dès que vous aviez une allocution présidentielle ou ministérielle, vous imaginez le pic d’appels des Français sur la ligne Covid. Impossible de répondre en temps réel. Et donc là, vous avez effectivement des voicebot qui ont pris le relais, qui ont été pertinents puisque, s’ils détectaient une inquiétude, une émotion dans la voix, une urgence, ils passaient directement la communication à un conseiller client. Donc là, on a un vrai complément homme-machine.
L’exemple que j’aime donner aussi, c’est aux États-Unis, dans l’assurance. Vous avez par exemple un accident de voiture et vous voulez déclarer votre sinistre. Vous appelez votre assureur et Teams fait en Speech Analytics, la synthèse des informations clés et vous propose également de répondre à des questions que vous n’avez pas posées. Y avait-il des témoins par exemple ? Et en parallèle, il prend d’ores et déjà rendez-vous avec un expert pour venir voir la voiture dans le bon garage.
Donc oui, je pense que ça sera plus rapide et plus pertinent.
A.C. Ces nouvelles technologies, qui aident le conseiller et la majorité des clients, ne vont-elles pas exclure une partie des clients du troisième âge, qui vont peut être se sentir dépassés ?
Caroline Adam : Alors, on s’est posé la question l’année dernière et on a lancé un mécénat de compétences avec l’association Benenova et Emmaüs Connect. Et chacun de mes adhérents a dédié des conseillers clients qui ont l’habitude d’être en contact avec de la clientèle sur différents sujets.
Et ils les ont accompagnés pour utiliser leur smartphone, pour déclarer leurs impôts, leur CAF sur leur site internet, etc.
L’illectronisme est un sujet dans nos métiers et c’est pour cela que l’humain doit rester, notamment au téléphone pour répondre. C’est quand même plus simple qu’avec une machine.
Retrouvez l’intégralité de l’étude sur : Etude-Relation-Client-externalisée-SP2C-x-EY-Edition-2023.pdf
Interview d’Alexandre Carré, Directeur de la Rédaction d’ANews Expérience Client.