La Relation client génératrice de valeurs : Le taux de réachat
Le taux de réachat, levier stratégique pour fidéliser et satisfaire les clients
Comment transformer la relation client en moteur de croissance ? Lors de de rendez-vous de l’Agora des Directeurs Expérience Client, David Marino, directeur de l’expérience client d’Oscaro.com, a partagé les résultats d’une étude menée, non pas chez Oscaro, mais chez IDKIDS et l’une de ses marques phares, Okaïdi, société dans laquelle il a exercé comme directeur de la relation client.
Focus sur le taux de réachat, un indicateur clé pour mesurer la fidélité et la satisfaction des clients, et sur les stratégies qui en découlent. Avec lui, nous découvrirons la méthodologie employée, les résultats obtenus, et comment ces enseignements peuvent inspirer une nouvelle stratégie interne pour piloter différemment la relation client.
Alexandre Carré : David, pourquoi avoir choisi IDKIDS et l’une de ses marques, Okaïdi, pour cette étude ?
David Marino : Pour rappel, j’ai passé près de quatre ans chez Okaïdi, où j’ai mis en place une stratégie sur trois ans visant à démontrer qu’en améliorant la satisfaction client et en traitant la demande client de manière rapide, efficace et personnalisée, les clients qui contactent le service client consomment davantage que ceux qui ne l’ont pas contacté.
Quand je suis arrivé en milieu d’année chez Okaïdi, il fallait déjà travailler sur le budget de l’année suivante. Et comme souvent, plusieurs points revenaient systématiquement lors de ces discussions budgétaires :
- La relation client est perçue comme un centre de coûts.
La question était donc de savoir comment dépasser cette vision pour en faire un levier de valeur. - La difficulté de démontrer un ROI précis pour la satisfaction client.
Même si nous savons intuitivement que la satisfaction client est bénéfique, il est essentiel de quantifier cet impact pour convaincre la direction financière. Au-delà d’en avoir la conviction, il faut le démontrer, le chiffrer. - Les restructurations qui affectent les directions de la relation client.
Et quand on n’a pas tous ces éléments et que ça ne suffit pas pour convaincre, on change les organisations dans les entreprises. Et parfois, on supprime des directions de relation client.
Pour répondre à ces défis, il était donc primordial de fixer des objectifs clairs autour de la satisfaction client. Et par exemple, en 2023, nous avons constaté des résultats significatifs :
- Une augmentation de 36 points du NPS après avoir piloté par la satisfaction client plutôt que par la durée moyenne de traitement.
- Une hausse de 16 points de la CSAT.
Nous avons également travaillé sur plusieurs axes notamment sur le relationnel des conseillers
- Formation et accompagnement des conseillers : améliorer leur autonomie, leur capacité à apporter des solutions et leur responsabilisation.
- Optimisation des processus : revoir les organisations internes pour mieux répondre aux attentes des clients.
Ces efforts ont permis une progression notable de la perception client :
- +8 points sur la qualité relationnelle.
- +11 points sur la pertinence des solutions apportées.
Les résultats sont donc très clairs : une meilleure satisfaction client génère un impact direct sur le chiffre d’affaires.
On voit en effet des chiffres impactants !
David Marino : Oui, des chiffres très impactants avec des équipes très engagées qui d’ailleurs, sont des équipes externalisées. Chez Okaïdi, il n’y a pas d’équipe interne, sauf les équipes qui pilotent l’accompagnement. D’où l’importance de ce partenariat aussi avec nos partenaires.
Vous mentionnez également l’importance de la joignabilité et de la rapidité. Pouvez-vous développer ?
David Marino : Absolument. Un client ne veut plus attendre. Que ce soit par téléphone ou via le chat, il s’attend à une réponse immédiate. Par ailleurs, les canaux dits « froids », comme les emails, obtiennent généralement les moins bons scores de satisfaction.
En augmentant la qualité de service, nous avons non seulement amélioré la satisfaction client, mais aussi réduit les coûts opérationnels grâce à des indicateurs clés comme le First Contact Resolution.
Enfin, quand vos équipes sont bien formées, ont de l’autonomie et de la responsabilité pour pouvoir apporter des réponses et prendre des engagements vis-à-vis du client, on voit qu’Okaïdi qui a traité beaucoup plus rapidement les contacts qu’IDKIDS, a généré un chiffre d’affaires moyen plus important.
Vous savez, on dit qu’il ne faut pas dépasser 90 % de qualité de service et que si on met du 98 %, ça va coûter extrêmement cher. Oui, c’est vrai. Mais il y a beaucoup d’autres actions que l’on fait à côté qui vont générer du chiffre d’affaires.
Quelle a été la méthodologie utilisée dans votre étude sur ce réachat ?
David Marino : Ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce projet, c’est la possibilité d’exploiter les données de manière approfondie. J’ai eu la chance de collaborer avec un directeur de la data très orienté sur le « customer centric », une approche qui lui tenait particulièrement à cœur.
C’est important parce que quand le patron de data et celui de la relation client sont ensemble devant le comité de direction, ils présentent un projet factuel basé sur des données concrètes et réelles.
Donc on est parti sur un panel de près de 10 000 clients qui ont à peu près les mêmes profils qui n’ont jamais contacté le service client et on a regardé leur comportement d’achat. Et on a fait la même chose avec 10 000 clients qui ont contacté le service client.
Nous avons mené une étude sur une période d’un an, avec des analyses segmentées sur des durées d’un mois, trois mois, six mois et douze mois.
Et la data s’est vraiment assurée que nous étions sur les mêmes profils de clients. C’est très important en termes de profil client : VIP (qui peut acheter jusqu’à 11 fois par an), nouveaux clients et client classique qui va consommer de 3 à 5 fois.
Et on se rend compte que ce sont principalement des clients VIP qui nous ont contactés.
Ensuite, on a principalement des clients classiques et enfin les nouveaux clients. Ce qui est plutôt positif aussi, c’est que se dire que les nouveaux clients n’ont pas besoin de nous contacter rapidement parce que, à la fin, il faut quand même qu’on les fidélise.
A suivre en vidéo, slide à l’appui, les résultats détaillés de l’étude de 08 mn 30 à 15 mn 50.
Alors quel a été le coût de votre stratégie relation client ?
David Marino : J’ai fait un petit exercice qui est très simple, mais que mes collègues pairs connaissent très bien, c’est de calculer le coût de la relation client donc le coût avec nos prestataires, le coût avec les outils, toutes les études, le coût global de la relation client et ça nous permet d’avoir notre coût à l’acte que représente vraiment le traitement d’un client. Pour vous donner un exemple qui est très concret, un client chez Okaïdi est traité pour un coût de 2,47 € en moyenne avec la durée moyenne de traitement.
Donc quand je fais l’exercice sur les 11 000 clients qui ont été analysés, le fait de les traiter, si j’intègre les outils et tout ce qui gravite autour du coût de la relation client, ça a coûté 26 000 €. Sur ces 11 000 clients traités, c’est 26 000-27 000 € de coûts.
Comme on l’a vu tout à l’heure, le cumul de l’ensemble des valeurs ajoutées grâce au taux de réachat en fréquence d’achat, le fait d’avoir une customer live value plus importante, d’avoir plus d’articles dans le panier, a généré pour ses clients près de 192 000 € de chiffre d’affaires supplémentaires par rapport à des clients qui n’auraient pas contacté potentiellement le service client.
Ce qui veut dire que d’un côté, on a un coût de 26 000 €. De l’autre côté, on ramène 192 000 € de chiffre d’affaires. Et les puristes pourraient dire que attention, c’est du chiffre d’affaires. Donc si on prend même 25 % de marge, on est à 40 000 €.
Donc on est gagnant. L’intérêt, c’est de dire : j’ai une conviction, je me donne les moyens de les mesurer avec les indicateurs qui suivent et je démontre par les actions qui ont été travaillées que l’on ramène de l’argent à l’entreprise.
Avec un client qui coûte 2,47 € et qui génère 17,63 € de plus de chiffre d’affaires, on est mieux écouté ensuite et beaucoup de projets sont passés très vite après.
Et concernant le customer live value, je me suis dit aussi qu’il fallait aller plus loin avec des outils de pilotage comme Looker studio et les équipes ont travaillé des suivis : le nombre de contacts, le taux de rétention, la valorisation, ce que ça a amené comme chiffre d’affaires. Et cet outil permet aussi de calculer le taux de réachat par motif de contact, sous motif de contacts, par canaux de communication, par segmentation client, par pays et par marque. Donc on a un bel outil. Je vous montre quelques exemples (slide).
Quand vous présentez votre budget, les équipes de relation client savent très bien où ça pèche : on a des motifs de contacts, on peut parler de la navigation sur site, des problématiques de produits, des problématiques de données personnelles et d’abonnements. Ce qui fait que quand vous avez un budget aussi limité, vous pouvez tout à fait vous dire : je vais investir cette année sur la navigation site parce que la navigation site, si je la traite bien et je vais avoir un taux de réachat qui va être plus important.
Vous pouvez donc cibler votre projet d’amélioration continue, là où ça va vous apporter le plus de richesse et en fonction de vos budgets.
Je suis toujours parti de l’idée du budget.
Et en ce qui concerne les canaux de communication ?
David Marino : Sur les canaux de communication, on a regardé l’ensemble du périmètre. Et d’ailleurs, c’était assez cohérent puisqu’on va retrouver dans ces canaux de communication la note de satisfaction client et on sait que le téléphone est très vecteur de satisfaction client, ce qui est moins le cas de l’écrit et surtout sur la partie mail. Et là, on va retrouver exactement le même comportement.
Donc on voit bien qu’au plus vous augmentez votre satisfaction client sur un canal de communication, au plus, vous augmentez votre taux de réachat.
Et parce que l’on peut calculer aussi la fréquence d’achat, le panier moyen, la valeur d’achat par canaux de communication, j’ai un projet de déployer l’IA dans peu de temps chez Oscaro pour aider les collaborateurs à avoir plus de pertinence dans la réponse, plus de qualité dans la façon de rédiger l’information dans le mail pour passer d’un canal froid à un canal plus chaud.
C’est le pari de l’IA qui va me permettre d’augmenter ma satisfaction client, quel que soit les canaux de communication et en même temps, de générer plus de chiffre d’affaires.
Pour terminer David, vous proposez également une nouvelle stratégie interne pour piloter différemment la relation client.
David Marino : Cela fait des années que je suis dans la relation client et à chaque fois que l’on fait des appels d’offres, on va toujours regarder le coût. Donc on négocie à quelques centimes. Et j’ai envie de voir un peu le mindset différemment, d’être un peu plus disrupteur et de se dire, puisque nous savons calculer le taux de réachat, puisque nos conseillers, comme nos partenaires font gagner de l’argent à l’entreprise, alors je pense que ça peut être challengeant aussi de redistribuer une part du travail qui a été effectué par rapport au chiffre d’affaires.
Donc, ne parlons pas que de coûts à l’acte. Parlons de taux de réachat valorisé afin de permettre d’avoir une animation commerciale, une animation financière pour l’entreprise et pour les collaborateurs de notre partenaire. Ça, c’est le premier axe.
Le deuxième : je m’étais dit aussi que c’était l’occasion de travailler les segmentations clients. On avait vu les VIP qui sont super bien traités, les nouveaux clients, c’est super et il y avait ce ventre mou, les clients classiques. Donc cela doit amener l’entreprise à être de plus en plus dans le suivi de la segmentation et d’adapter les processus, les organisations autour du traitement aussi de ses clients, qui restent des clients fidèles et qu’il faut aussi accompagner un peu différemment.
Le point important, c’est l’amélioration continue. Réduire le taux de contact, mais en faire une force en optimisant les budgets pour aller jusqu’au bout de l’amélioration de la navigation de site. C’est un exemple.
Et enfin, on y est tous. L’IA est parmi nous. Donc maintenant, comment on utilise intelligemment l’IA ? On va utiliser l’IA pour qu’elle soit aussi génératrice de valeur et de taux de réachat grâce à la formation qu’elle pourra amener auprès des collaborateurs. Parce qu’en définitive, c’est toujours l’humain qui apporte la dernière solution. L’outil au service de l’humain.
Pour terminer, on va découvrir avec vous les chiffres concernant la relation client en trois ans, c’est assez stupéfiant.
David Marino : Oui, c’est un travail d’équipe extraordinaire avec notre partenaire Konecta, qui nous a accompagné pour réussir ce projet que l’on a écrit ensemble, avec la confiance de la direction aussi et avec votre DG au comité de direction, qui vous accompagne dans le projet.
On vous donne les clés. C’est plus 36 points de net promoter score, plus 18 points de qualité de service, plus 16 points de satisfaction, moins 13 points de contact. Ça, c’est important aussi parce que ça veut dire que les clients sont de plus en plus autonomes. On fait du first contact résolution et ils ont moins besoin de nouveautés.
On va générer 10 % de chiffre d’affaires et je pense qu’on a encore de la marge. Plus 24 % de fréquence d’achat, plus 12 % de taux de rétention. Et enfin mes amis financiers vont être super contents parce qu’en plus, on a coûté 30 % de moins. Donc j’ai rempli mes obligations de départ.
Propos recueillis par Alexandre Carré, directeur le rédaction d’ANews Expérience Client