N°9 au rugby vs Directeur de l’Expérience Client : même responsabilité ?
Dans le cadre des Rendez-vous de l’Agora Expérience Client, Dimitri Yachvili, l’emblématique demi de mêlée du XV de France, vice-champion du monde et quadruple vainqueur du Tournoi des Six Nations, partage une vision inspirante pour les directeurs de la relation client.
Entre coordination, réactivité, communication et gestion des équipes, le parallèle entre son rôle de numéro 9 sur le terrain et celui d’un leader de l’expérience client en entreprise s’impose avec évidence. Dimitri Yachvili nous rappelle que la clé du succès d’une équipe repose sur la cohésion, l’adaptabilité et la confiance mutuelle et que le sport peut être une source d’inspiration pour l’entreprise.
Le demi de mêlée : un leader au carrefour de l’équipe
« Le demi de mêlée est l’élément charnière d’une équipe, un médiateur entre les avants et les trois-quarts, mais aussi le leader de l’état d’esprit sur le terrain mais aussi en dehors », explique Dimitri Yachvili. « Pour préserver la cohésion d’équipe, nous misons sur une préparation mentale avant chaque match et sur des leviers psychologiques qui nous aident à rebondir après une défaite. Cela a notamment été le cas en 2005 : après avoir été éliminés par le Stade Français en demi-finale de la Coupe d’Europe, nous avons su, une semaine plus tard, nous ressaisir pour remporter contre eux, la finale du Championnat de France. »
Médiation et réactivité dans le money time
« Les avants, la tête baissée dans la mêlée, ne voient pas toujours le ballon sortir. Le demi de mêlée doit donc être leur guide, leur porte-parole », précise Yachvili. « Et parce que chaque joueur a aussi sa particularité, un caractère différent, on ne peut pas parler à tous les joueurs de la même manière et de la même façon. Parfois, un seul mot, un regard ou une décision rapide peut faire la différence, surtout dans le money time, ces instants de forte pression en fin de partie où tout se joue.
C’est dans ces moments-là que le numéro 9 se doit de garder un maximum de sang froid. Lorsque le cœur bat à 180, les décisions sont plus difficiles à prendre. Il doit donc aussi jauger son état physique pour pouvoir garder de la lucidité ».
Gérer la pression et transformer les crises en opportunités
Interrogé sur la Coupe du Monde 2011, marquée par une qualification douloureuse en phase de poule, Yachvili explique : « Nous nous sommes appuyés sur les fondamentaux : la conquête, la défense, le jeu au pied, mais aussi le “french flair”, cette capacité à jouer de manière intuitive. En entreprise comme au rugby, il est essentiel de transformer les blocages en énergie positive pour atteindre son plein potentiel. »
La transparence et la remise en question sont, selon lui, les piliers de la gestion des crises : « Une eau stagnante ne sent pas bon. Il faut analyser ses performances, échanger, et se dire les choses avec franchise pour avancer collectivement. »
Gérer les tensions dans l’équipe
« Lors de cette Coupe du monde, j’étais en concurrence avec Morgan Parra, qui était demi de mêlée comme moi. Même si on fait partie du même groupe France, on a une place à jouer. Donc quand on est concurrents, naturellement, on ne va pas trop se parler et à l’entraînement, ça bataille féroce. Et en milieu de compétition, le sélectionneur Marc Lièvremont a décidé de nous associer ensemble, moi en numéro 9 et Morgan Parra, en 10.
À partir de ce moment-là, on a pris l’initiative de discuter et de se dire que, comme nous étions les leaders, on devait communiquer encore plus, parler du système de jeu, des hommes forts de cette équipe, du potentiel de chacun et de la stratégie à mettre en place pour bonifier tout le monde. Et on a perdu d’un petit point pour le titre suprême, mais la fin de compétition était plutôt intéressante pour nous.»
Intégrer les nouveaux et gérer les individualités
« Un demi de mêlée doit connaître chaque joueur, ses forces, ses caractères, pour s’adapter à chacun. On ne parle pas aux avants comme aux trois-quarts. C’est un travail de psychologie individuelle et collective », déclare Yachvili.
En entreprise, l’intégration des nouveaux collaborateurs suit la même logique : « Il faut les mettre en confiance, car même cinq minutes sur le terrain peuvent changer l’issue d’un match. Le staff comme les anciens, par leur expérience, jouent un rôle clé pour favoriser cette intégration.»
Adhérer à la stratégie collective
Et si l’on n’est pas d’accord avec la stratégie définie par le sélectioneur ? « Cela peut arriver, mais l’entraîneur a toujours le dernier mot. Le respect de la hiérarchie est fondamental », affirme Yachvili. Toutefois, il souligne l’importance de la participation active à l’élaboration des systèmes de jeu : « En étant acteur, on réfléchit collectivement pour mettre en place les meilleures stratégies. »
Le sport comme source d’inspiration pour l’entreprise
Aujourd’hui, Dimitri Yachvili intervient auprès d’entreprises pour partager son expérience. « Le rugby offre de nombreux enseignements pour les entreprises. D’abord, le rugby n’est pas qu’un sport de défi physique. Ce n’est pas le pack le plus lourd qui domine, mais celui qui est le plus solidaire, le plus lié. Et dans l’équipe, il y a aussi des joueurs qui doivent réfléchir à la stratégie et la gérer. Donc, on navigue entre la puissance, la subtilité, la technique, la psychologie. C’est un peu le rôle d’un demi de mêlée et c’est ce qui me plaît. »
Propos recueillis par Jérôme Papin, journaliste à Agora Managers Groupe et Alexandre Carré, directeur le rédaction d’ANews Expérience Client