Décryptage de l’IA Générative
En juillet dernier, un PDG Indien indiquait sur X avoir remplacé 90% des employés de son service client par un chatbot géré par l’IA et ainsi, avoir réduit les coûts de ce service d’environ 85%.
Dans le même temps, une nouvelle étude de l’Organisation internationale du Travail (OIT) révèle que l’intelligence artificielle générative (IA) ne sera probablement pas la destruction d’emplois, mais plutôt les changements potentiels de la qualité des emplois, notamment l’intensité du travail et l’autonomie.
Mais l’étude révèle également que les effets potentiels de l’IA générative (capable de générer du texte, des images ou d’autres médias) sont susceptibles de différer sensiblement pour les hommes et les femmes, la part de l’emploi féminin pouvant être affectée par l’automatisation étant plus de deux fois supérieure. Cela s’expliquant par la surreprésentation des femmes dans les emplois de bureau.
Alors quels sont ses avantages, ses inconvénients et ses limites ? Et comment embarque-t-on ses équipes dans cette révolution ?
Retex de Jérémy GALLEMARD, CEO de SMART TRIBUNE, un éditeur de solutions qui automatise l’expérience client / collaborateur grâce à des chatbots et bases de connaissances.
Alexandre Carré : Tout d’abord, qu’apporte l’IA à l’expérience client ?
Jérémy Gallemard : On pense notamment à l’entraînement des conseillers pour identifier leurs conversations téléphoniques. On peut déjà résumer ce qu’ils disent. On peut aussi analyser la manière dont ils le disent et on va pouvoir les aider à encore faire mieux leur métier.
AC : Est-ce que vous pouvez nous donner des cas concrets ?
Jérémy Gallemard : Imaginez que vous avez besoin d’accessoires pour aller faire du camping. Dans le magasin, à la place de dire, je veux tel ou tel produit, vous allez simplement dire : je veux faire du camping, c’est la première fois que j’en fais. De quoi j’ai besoin ? Et l’IA sera capable de vous proposer les produits adaptés à votre usage, à votre besoin.
Mais ça va être aussi adapté à votre expertise. Par exemple, si vous allez faire du ski, l’I.A sera capable de vous demander quel est votre niveau de ski, combien de temps vous pensez les utiliser et vous proposer les produits adaptés.
Ça, ce sont des usages qui arrivent très très vite. Carrefour vous propose cet usage notamment si vous avez en tête de faire un plat ; l’IA sélectionne tous les produits pour le réaliser et vous donne les différentes étapes pour faire la recette.
AC : Alors que devient le rôle du vendeur ? Il disparaît ?
Jérémy Gallemard : Non, il est toujours là. C’est lui qui va devoir accompagner l’IA, la vérifier. On n’enlèvera jamais la chaleur humaine ou l’empathie, même si on arrive petit à petit à faire des simulations d’empathie. Mais on n’est pas prêt d’avoir cette partie-là.
AC : Et au téléphone, sur les centres de contact par exemple ?
Jérémy Gallemard : Vous avez des robots qui vont pouvoir prendre la voix d’une personne humaine. Vous allez pouvoir lui poser vos questions et elle vous répondra. Si par exemple, vous n’avez pas eu la réponse, on va pouvoir vous mettre en direct avec un conseiller. Mais le conseiller aura eu entre temps un résumé de toute la conversation téléphonique.
La durée moyenne de traitement va être accélérée et on ne fait pas répéter le client, car c’est une chose qui est hyper frustrante et désagréable.
AC : Est-ce que l’IA générative analyse la voix du client pour savoir si c’est un client énervé ou plutôt relax.
Jérémy Gallemard : Oui, tout à fait. C’est un des cas d’usage les plus forts et je trouve qu’on ne parle pas assez de l’analyse de sentiments, c’est-à-dire de toutes ces technologies capables d’entendre les voix et ensuite de les catégoriser. Est-ce que c’est une personne qui est énervée ? Est-ce qu’on doit prioriser ? Est-ce qu’il y a un caractère d’urgence ?
Est-ce que cette personne est en danger ? On est capable d’analyser la voix, d’analyser les mots et ensuite de le restituer. On est capable de le faire sur une grande masse de données, quasiment en continu et en temps réel.
AC : Quel est l’impact chiffré sur la productivité ?
Jérémy Gallemard : On commence à avoir des études qui font loi. Il y a une étude de McKinsey, sortie en juin, qui parle de 30 à 45 % de productivité en plus pour les conseillers au support clients. On a vu aussi des conseillers débutants monter en compétence beaucoup plus rapidement grâce à cette technologie. Et en plus, grâce à ça, on voit qu’ils sont beaucoup plus sereins. Et il y a une attrition qui a fortement diminué.
AC : Qu’en est-il justement de l’IA dans la formation ?
Jérémy Gallemard : Elle va pouvoir ressortir, par exemple, des cas qui ont déjà eu lieu avec d’autres clients et aider une personne débutante en lui disant : regarde, ce cas a déjà eu lieu. Voilà ce qu’on a fait. Tu peux le récupérer, tu peux te l’approprier et tu peux le redonner au client par téléphone, par email.
AC : En termes de gain de temps, a-t-on une idée chiffrée ?
Jérémy Gallemard : On a diminué la durée moyenne de traitement des appels de 10 %.
Le conseiller va être beaucoup plus rapide à comprendre votre besoin. Il va être beaucoup plus pertinent à vous donner les bonnes réponses.
On a vu que la résolution, dès le premier contact, avait aussi augmenté de près de 20 %.
AC : Cette technologie a-t-elle une limite finalement ?
Jérémy Gallemard : En tout cas, je la connais pas. Il y a évidemment des choses à prendre en compte. C’est une technologie où il peut y avoir des erreurs que l’on appelle « hallucinations ».
En fait, intrinsèquement, cette technologie prédit le mot d’après. Donc, elle n’a pas conscience de ce qu’elle dit – on n’est pas dans ce niveau d’intelligence artificielle – mais par rapport à ce qu’on lui a donné, elle va prédire les réponses. Mais parfois, eh bien, quand elle n’a pas les réponses, alors elle va inventer.
Ce sont les limites, bien que le niveau d’erreur baisse de plus en plus. Et en quelques mois, on est arrivé à des meilleurs scores que des erreurs que pourrait faire un conseiller téléphonique.
AC : J’imagine que je ne suis pas le seul à avoir peur de cette technologie. Je trouve que cela gomme l’humain. On ne sait pas à quoi s’attendre. Alors, est-ce que l’on a raison d’avoir peur ?
Jérémy Gallemard : Je ne sais pas. Je ne pourrai pas répondre à cette question. Je sais, en tout cas, que c’est une technologie qui disrupte les marchés.
Là où habituellement, on pense que ça va globalement enlever les métiers de petites mains, là, au contraire, on sent que ça va plutôt les aider.
Et il y a un récent rapport de l’ONU qui dit que l’IA va générer entre 15 et 20 % de nouveaux métiers. Ce n’est pas un destructeur comme on peut le penser.
A.C : Est-ce que l’on peut imaginer que cette IA va permettre aux conseillers et autres de monter en niveau, d’avoir des métiers moins difficiles, des métiers à plus de responsabilités, et donc peut-être, des salaires plus intéressants ?
Jérémy Gallemard : C’est exactement ça. C’est vraiment un assistant qui va être là pour ces personnes, pour les rendre beaucoup plus experts, meilleurs dans leur métier, plus satisfaits, plus autonomes. Donc très clairement, c’est une des grandes aides de cette technologie.
AC : Alors, entre espoir et inquiétude, quelles sont les bonnes stratégies pour intégrer l’IA dans nos entreprises en faisant en sorte que ce soit un succès, non seulement pour le client, mais aussi pour les équipes ? Comment embarque-t-on ses équipes sur ce gros bateau pour que ça ne soit pas un Titanic ?
Jérémy Gallemard : Je pense que la réponse est simple, il faut embarquer tout le monde : le Comex, parce qu’évidemment, il va avoir des impacts sur le métier, sur la disruption du métier de la relation client.
Mais aussi, il faut embarquer les personnes qui vont utiliser cette technologie. Dès déjà, identifier avec eux quels sont leurs problèmes, quelles sont leurs tâches répétitives irritantes.
Et enfin, il faut évidemment embarquer le client parce que c’est pour lui que l’on travaille.
Donc, on embarque toutes ces parties, on les met autour de la table et on essaie d’identifier les cas d’usages les plus performants, ceux qui méritent qu’on y passe du temps. Et on acculture les équipes et on met des budgets. Dès lors, on aura des succès pour les entreprises et pour ces projets.
AC : On dit, il faut, il faut ! Il faut embarquer du Comex au conseiller jusqu’au client. Mais réellement, on fait comment ?
Jérémy Gallemard : Evidemment, cela dépend de l’entreprise. Au sein de Smart Tribune, on a fait plusieurs choses : déjà acculturer tous nos collaborateurs, qu’ils soient à la R&D, ce qui c’est assez logique, mais aussi les personnes qui vont travailler à la comptabilité de l’entreprise.
Donc on va travailler dans le temps, À chacun de déplier chaque pôle et essayer d’identifier les tâches répétitives, essayer d’évaluer quel est le gain que l’on va pouvoir leur apporter dans le métier et dans la satisfaction aussi.
Derrière, on va faire des règles de calcul et identifier les projets prioritaires que l’on va faire au fur et à mesure.
Interview d’Alexandre Carré, Directeur de la Rédaction d’ANews Expérience Client.