Qualiweb 2023 : les comportements des Français qui impactent la relation client
Retour sur les Trophées Qualiweb 2023, décernés sur la base du classement CROSS CANAL, réalisée sur un panel de 230 entreprises couvrant 16 secteurs d’activité.
Avec Carole Sasson, Fondatrice de Cocedal Conseil et de Qualiweb et
Christophe Bégué, Directeur de la Relation Client du groupe LDLC, grand gagnant toutes catégories E-MAIL, SOCIAL MEDIA et CROSS-CANAL du TOP 50 Qualiweb.
L’indice Qualiweb est calculé en fonction :
- du délai de réponse,
- de la pertinence
- et de la forme des réponses (personnalisation, ton, empathie, qualité rédactionnelle et orthographique,…).
Carole, avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous nous présenter Cocedal Conseil ?
Carole Sasson : C’est, depuis 30 ans, à la fois un institut d’études d’expérience des comportements et donc, des exigences des clients et nous sommes devenus au fil du temps, un organisme de formation sur mesure avec Qualiweb Training pour sensibiliser les équipes relation clients à cette culture client de façon à leur apprendre à répondre en adoptant véritablement le regard du client.
L’idée est de pouvoir travailler avec les marques pour définir une relation client cohérente à l’image de la marque sur l’ensemble des contacts des canaux de contacts, à l’écrit mais aussi dans les postures à l’oral.
Vos études permettent un regard 360 degrés sur la relation client !
Carole Sasson : Tout à fait ! Le baromètre Qualiweb est une étude en deux parties avec une vision client que je vais vous présenter à partir d’un échantillon national représentatif de 1200 Français interrogés en mi-janvier dernier – donc, c’est vraiment des résultats tout frais – et une vision de la qualité produite par les marques françaises aujourd’hui, en termes de relation clients qui nous permet d’établir le classement à partir de tests client mystère sur sept canaux digitaux évalués.
On ne va travailler que sur les réponses à l’écrit : Twitter, Facebook, WhatsApp, Instagram, Live Chat, mail et les avis en ligne qui sont les nouveautés de l’année puisque on les a intégrés dans le périmètre de l’étude.
Il y a trois tendances qui se dégagent de l’évolution du comportement des Français !
Carole Sasson : Le Covid a été un accélérateur de tendance et le premier constat, c’est que dans le fond, nous avons un retour à un comportement d’achat normal. C’est-à-dire que l’on retrouve finalement cette cohabitation entre commerce traditionnel et e-commerce.
C’est donc la fin du tout à distance imposé, la fin des tensions sur l’e-commerce et les livraisons. Et la première conséquence sur la relation client a été la baisse significative des contacts des services clients à distance.
Christophe Bégué : Nous l’avons effectivement constaté et c’est quand même beaucoup plus confortable pour les conseillers. Cela nous permet de repartir vraiment sur de la personnalisation d’un bon niveau qui nous ressemble.
Carole Sasson : La seconde conséquence, qui est aussi très liée à cette période particulière, est la progression des outils d’intelligence artificielle dans le parcours client. On a constaté un gain d’autonomie des clients. On a dû se débrouiller sans interaction, prendre rendez-vous tout seul sur Doctolib, faire ses achats en ligne, suivre ses commandes sur les parcours clients…
Du coup, on a vu se multiplier les expériences de selfcare avec des clients qui ont appris à se débrouiller tout seul et avoir tout, tout de suite.
Alors ce qu’il faut savoir quand même, c’est que ces expériences sont le plus souvent subies que choisies. Mais la conséquence est qu’à force de s’habituer à faire tout, tout de suite, les clients ont totalement changé de repère. Et l’immédiateté de la réponse, l’instantanéité devient la norme parce que j’ai l’habitude d’avoir tout sous la main. Donc quand j’ai besoin du service client, je veux qu’il soit disponible tout de suite également.
Christophe Bégué : L’immédiateté, on la constate et le selfcare est un vrai sujet. Nous avons souvent ce sujet en interne, jusqu’où doit-on aller dans le développement de l’information en ligne, de la foire aux questions.
On entend souvent des collaborateurs nous dire que les clients ne la lisent pas mais lorsque l’on consulte les statistiques de fréquentation, pour savoir si l’aide en ligne est consultée, la seule réserve que l’on a est sur la partie intelligence artificielle.
On parle beaucoup ChatGPT, qui, à mon sens, a eu un niveau d’adaptation supérieur à celui de Facebook, de WhatsApp ou de YouTube. Aujourd’hui, quasiment tout le monde a testé ChatGPT et la plupart des outils de selfcare qui font appel à de l’intelligence artificielle sont, en réalité, le plus souvent des scripts connectés à un CRM et qui manque de maturité pour apporter une satisfaction.
L’immédiateté, nous la voyons plus par la rapidité de réponse avec notamment le LiveChat qui a eu un taux d’adaptation très élevé chez LDLC.
Quand on a lancé le chat, on était vraiment dans l’inconnu. On ne savait pas du tout qu’elle serait le niveau d’adoption, et un mois plus tard, 1 contact sur 6 se faisait déjà sur LiveChat. C’est une notion d’immédiateté que l’on va retrouver sur les réseaux sociaux.
Carole Sasson : Le développement de LiveChat est limité par l’offre parce que peu de marques le propose, ou en tout cas, le rend disponible sur des plages horaires suffisantes. Il y a souvent des problèmes aussi de disponibilité ou d’accessibilité au LiveChat, mais on sait très bien que, dès qu’il est disponible, c’est le canal préféré parce qu’il est proactif et moins fastidieux que d’autres canaux.
Quelle est la troisième tendance ?
Carole Sasson : Alors là, c’est un vrai changement de fond avec une consommation plus responsable et avisée. Plus de 80% de clients font plus attention aux valeurs, aux engagements des marques et choisissent de préférence des marques plus responsables qui correspondent à leur mode de vie .
Autre tendance de fond, on va se renseigner sur le service client avant d’acheter. Et ça, c’est énorme : 68%. D’où l’importance de bien suivre les avis en ligne parce qu’ils montrent les feedbacks des clients sur leur expérience avec la marque. Et notamment avec le service client.
Le service client, premier lien avec la marque pour la majorité des consommateurs, a donc un rôle central dans la perception et l’image de l’entreprise : il est à la fois, la source du premier contact – en rapport aux expériences des autres – mais il est aussi une source de fidélité – pour 87% d’entre eux – si le service client est à la hauteur.
Et plus de 75% des Français disent avoir modifié une décision d’achat suite à une mauvaise expérience avec un service client. Le service client a vraiment un rôle pivot et stratégique dans la perception et l’image de la marque, à la fois en termes de conquête mais aussi de fidélisation des clients.
On ajuste sa stratégie en fonction des générations des clients !
Carole Sasson : Absolument, parce qu’en effet, il y a une vraie distorsion des attentes et des comportements entre les très jeunes, la génération Z dont on parle beaucoup et les moins de 35 ans.
Et même si on est revenu à un équilibre e-commerce et commerce, ils vont continuer de privilégier très largement les achats en ligne car ils sont beaucoup plus autonomes et ont une maîtrise totale des outils.
Mais attention, ils sont aussi beaucoup plus intransigeants et encore plus impatients que leurs aînés parce qu’ils vont multiplier non seulement les contacts mais aussi les types de canaux.
Alors ce qui est amusant, c’est que l’on pense que les jeunes n’utilisent plus le mail mais c’est complètement faux : le mail et le téléphone restent les canaux de référence et le mail se substitue au courrier pour les messages importants, pour les réclamations notamment.
Les plus jeunes vont chercher plus encore des marques engagées pour l’environnement. Ils vont encore plus percevoir une différenciation du service entre les canaux. Ils vont choisir plutôt Instagram – ils vont aller sur les avis en ligne – le chatbot, ils aiment bien ça. Alors qu’au-delà de 25 ans, ça sera un petit peu Instagram mais encore beaucoup Facebook, WhatsApp, le chatbot ou les avis en ligne.
On voit donc qu’il y a quand même des nuances.
Enfin, au-delà de 35 ans, c’est l’humain qui va devenir le point clé, le point d’entrée fondamental. Cela va être vraiment la création d’un lien d’une relation sincère, d’une relation de confiance parce qu’à 90%, on va attendre en priorité de l’humain et de la considération.
Et il y a un point extrêmement important, c’est qu’aujourd’hui, les clients qui reçoivent des réponses standardisées ont le sentiment de ne pas être écoutés, ni considérés par la marque.
Toutes ces templates, toutes ces réponses stéréotypées sont repérées par les clients au premier regard avec les phrases types de remerciement, etc. Cela devient épidermique et c’est quelque chose que les gens ne supportent plus parce que c’est justement l’antithèse de la personnalisation et la considération attendue.
Christophe Bégué : J’abonde sur ce qui vient d’être dit, à commencer par la solidité du mail qui reste toujours très demandé malgré l’émergence des réseaux sociaux en tant que canal de relation clients.
C’est 43% des flux contacts chez LDLC, et avec effectivement, toujours plus de besoin d’humain. Carole soulignait la haine des templates et effectivement, on en utilise le moins possible chez LDLC.
On a essayé évidemment d’isoler le top 10 des demandes que l’on reçoit le plus souvent – une demande de modification, une demande de rétractation. Ce sont des messages que l’on va envoyer trois à quatre cent fois par semaine et il n’y a aucune valeur ajoutée à rédiger cela à chaque fois.
Mais pour 65% des sollicitations clients, les conseillers rédigent de A à Z leur message avec un côté personnalisé et humain. Il n’y a plus de template, à commencer par la fameuse phrase « j’ai bien pris note de votre message » et » je vous en remercie ».
Quelle clé peut-on évoquer pour garantir demain une excellente relation client ?
On a regardé les fondamentaux : on ne peut pas satisfaire un client aujourd’hui si on n’apporte pas une solution adaptée : « si je vous pose une question, répondez-moi ! » C’est l’étape 1.
La deuxième étape va être la personnalisation, l’écoute, l’attention . Et cette écoute attentive, elle va passer par la reformulation et par l’expression d’empathie parce que cela veut dire, non seulement écouter ma question, mais aussi considérer le contexte de ma demande, dans quel état d’esprit je suis. Donc évidemment, le client va attendre de la bienveillance, un style cohérent avec l’image de la marque.
Ensuite, ce qui va vraiment faire la différence avec une importance accrue pour les plus de 35 ans, c’est cette relation de confiance, c’est l’implication du conseiller, c’est croire sur parole, c’est ne jamais remettre en cause la parole du client, c’est une attitude engagée en s’exprimant à la première personne et qui traduit l’engagement du conseiller.
Et on arrive aux éléments qui vont faire la différence – au vue de la totalité des mails que l’on a pu analyser aussi bien par mail que sur les réseaux sociaux, ce sont le respect, la considération qui va passer par des marques de reconnaissance, une rédaction sans faute – première preuve de respect du client – parce que pour le client, cela compte.
Et enfin, la proactivité qui va être la capacité à anticiper, à suivre et rappeler le client, à montrer cette attention qui va faire la différence. Ce que l’on appelle un peu l’effet waouh ! Comment on va créer la surprise. Et la surprise va se faire justement sur ces éléments de respect, de preuve de connaissance et de reconnaissance du client.
Parce qu’enfin, avec toutes les données qu’il y a dans le CRM, les services clients ont une masse d’information à disposition. Pourquoi si peu de ces services ne réutilisent-ils pas ces éléments pour personnaliser la demande et rebondir dessus ?
Et comment cela fonctionne chez LDLC ?
On va se baser sur ces piliers-là pour essayer de personnaliser au maximum les réponses en utilisant le moins possible de templates, de réponses type. Cela nous aident beaucoup dans ce sens et on aime énormément utiliser chaque micro-information fournie par le client, souvent de façon anodine.
Par exemple, quand le client est inquiet de savoir si son cadeau arrivera à temps pour son anniversaire, c’est un élément de rebond facile que l’on va toujours réutiliser pour personnaliser la réponse avec des écrits sans faute. C’est un des gros points dans le recrutement de nos conseillers. On a monté le niveau d’exigence à l’entrée de façon à vraiment avoir des conseillers à l’écrit irréprochable car tous nos conseillers sont polyvalents, en multicanal et sur le chat.
Comment peut-on définir une relation client unique qui garderait les valeurs de la marque ?
Si on veut une relation client qui soit vraiment identifiable, reconnaissable parce que porteuse des valeurs de votre marque, porteuse de votre image, il va falloir à la fois définir le juste niveau d’empathie mais aussi le registre de vocabulaire adapté.
Parce qu’il va falloir laisser, à chaque échange, l’empreinte relationnelle de la marque, à l’écrit comme à l’oral. La méthode que l’on a développé, c’est de proposer un guide relationnel avec des lignes directrices sans s’enfermer dans un script ou des modèles rigides parce qu’il faut pouvoir donner de l’autonomie aux conseillers, donner les clés pour contextualiser les réponses.
Il faut humaniser la relation avec un sentiment de sur-mesure parce que c’est cela qui va faire toute la différence et donner le sentiment d’une vraie personnalisation.
C’est aussi d’adopter une posture engagée qui va être cohérente avec l’identité et les valeurs de la marque. Et tout ça, cela va passer effectivement par la formation des équipes en contact direct ou indirect avec les clients pour transformer chaque collaborateur en ambassadeur de la marque.