S’inspirer de la haute montagne pour construire un leadership résilient et durable
Comment faire émerger de nouvelles méthodes de leadership, changer de modèle et trouver son ADN managériale ? En s’inspirant de la haute montagne pour construire un leadership résilient et durable.
Avec Blaise AGRESTI, co-fondateur de MountainPath, une agence de conseil spécialisée dans l’apprentissage par le réel en accompagnant des dirigeants, des managers et des étudiants dans des séminaires immersifs en haute montagne, bâtis sur mesure autour de trois univers de référence, pour répondre aux problématiques managériales.
Les trois univers sont :
- Le métier de guide pour expérimenter l’esprit de cordée et atteindre un sommet commun (leadership #cohesion #ambition #gestiondesemotions)
- L’écosystème montagnard pour apprendre à respecter l’environnement et s’adapter au changement (ESG #transition #incertitude #adaptation)
- Le secours en montagne pour renforcer l’efficacité collective en situation de crise (gestiondecrise #prisededecision #cooperation #excellenceoperationnelle)
Blaise AGRESTI, Guide de haute montagne, a été Colonel de Gendarmerie et a dirigé entre autres le Peloton de gendarmerie de Haute montagne et le Centre national d’instructions de ski et d’alpinistes.
Il est également l’auteur de « Guider en premier de cordée » (Ed Mardaga)*
Alexandre Carré : Est-ce qu’il y a un profil type du premier de cordée ? Et peut-on faire un vrai parallèle entre celui qui est en montagne et celui qui est dans l’entreprise ?
Blaise Agresti : Il y a des valeurs qui sont intemporelles dans l’exercice de cette responsabilité du premier de cordée, dans un environnement qui est difficile. J’observe que cet hiver, il y a eu des réalisations incroyables. Il y a eu des cordées qui ont gravis des faces nord dans les Alpes et il y a des gens qui ont des talents incroyables.
Qu’est-ce qui pourrait caractériser ces nouveaux premiers de cordée ? C’est peut-être déjà leur incroyable polyvalence. Ils sont très forts en escalade, sur le plan mental, dans toutes les domaines d’activité et ils ont une capacité à gérer des projets complexes. Je suis très admiratif de ces nouvelles générations d’alpinistes. Ils ont aussi une forme d’équilibre sur le plan personnel. J’ai rencontré ces jeunes et ils ont aussi une vie familiale avec des enfants. C’est incroyable vu le niveau de risque qui est pris. Une espèce de haute performance qui est adossée à de la polyvalence et aussi une forme d’équilibre sur le plan émotionnel. Un peu de sérénité dans le monde dans lequel on vit, de l’engagement, une capacité à être dans une forme d’adaptation très forte sont des qualités qui sont intéressantes.
Après le parallèle avec l’entreprise évidemment est ouvert.
Alexandre Carré : Quelles sont les six qualités managériales d’un premier de cordée ?
Blaise Agresti : Il y a plein de manières de regarder ce sujet. On peut regarder les qualités techniques, l’expertise, la capacité à anticiper la complexité de la montagne donc la capacité à anticiper la complexité d’un business par exemple. La compréhension du global pourrait être le premier sujet.
On peut regarder aussi les capacités d’intelligence relationnelle.
À bien comprendre ce qui se passe à l’intérieur de la cordée.
On peut y mettre aussi la capacité à s’adapter et à faire grandir l’autre.
La capacité que je pense fondamentale, c’est la capacité à être juste avec soi-même, de percevoir ses propres forces et faiblesses. La force d’un bon guide, c’est de comprendre là où on est bon et là où on est moins bon.
À partir de là, travailler pour compléter, en se faisant entourer et épauler par des gens qui ont d’autres compétences. On est dans un environnement où le risque est permanent et donc d’être capable de percevoir le juste risque qui est soi-même, dans sa capacité à décider.
Après évidemment, il faut comprendre l’environnement. Si l’on n’a pas un peu d’expertise technique, on a du mal à cheminer dans cet environnement.
Cela questionne sur le niveau d’expertise finalement : est-ce qu’il est possible de diriger ou de manager des choses que l’on ne comprend pas.
Le rapport entre le technique et le leadership est un sujet qui a souvent été balayé par les élites parce que dire, finalement, « je sors d’une grande école, ça suffit pour être au sommet de la pyramide ». Nous, en montagne, ça ne marche pas.
Quelqu’un qui n’a pas une petite expertise technique ne peut pas être crédible pour coordonner un sauvetage, pour diriger une cordée.
Voilà quelques éléments en réflexion, mais chacun nécessite d’être approfondi.
Alexandre Carré : Est-ce que les qualités managériales d’un premier de cordée en montagne sont toutes finalement adaptables au monde du travail ?
Blaise Agresti : La réponse est absolument oui. Si l’on comprend le premier de cordée comme quelqu’un qui serait sur son piédestal, tout en haut de la montagne et qui regarderait en surplomb l’ensemble de l’univers à ses pieds, ça ne fonctionne pas.
En revanche, si l’on parle de ce premier de cordée qui est attentif aux détails, qui est vigilant à la dimension humaine, qui est celui qui sait varier son style de leadership par rapport à la réalité de terrain, de l’action, alors là, oui ! Le parallèle est absolument universel.
Un travail a été fait, et que je cite dans mon bouquin, par un chercheur de l’université Wharton en Pennsylvanie, patron du département de leadership, Chris Maxwell. Il a écrit un livre qui s’appelle « Lead like a guide » et qui est réellement ça. Effectivement, tout manager ou dirigeant peut s’inspirer de ce qu’essaie de faire un guide en montagne. Parce qu’en montagne, ça se paye cash. La moindre erreur de leadership se paye par l’accident et donc par souci de survie, les guides ont mis en place des petites stratégies pour guider de manière pertinente et juste, leur compagnon de cordée.
Donc la réponse est oui et on accompagne depuis 6 ans avec cet outillage de la montagne, des Comex, des Codirs, des middle managers. On voit bien que la métaphore fonctionne très bien pour éveiller les consciences.
Alexandre Carré : Avec l’entreprise MountainPath dont vous êtes co-fondateur, vous accompagnez des dirigeants, des managers. Est-ce que vous les sentez bien disposés à évoluer ?
Blaise Agresti : Je trouve que les gens que l’on reçoit acceptent de venir un peu « à nu », avec leur vulnérabilité dans cet environnement où ils ne sont pas experts. Cela veut dire qu’ils acceptent d’être néophytes. C’est déjà un premier pas.
Je trouve que la réceptivité est immense. Aujourd’hui, la complexité du monde dans lequel on est, et la complexité du monde du travail, de l’environnement géopolitique, du monde économique fait que tout le monde se pose la question de quelle forme de leadership on doit mettre en oeuvre pour traverser le brouillard.
Je n’ai pas une seule organisation qui ne se pose pas la question du leadership. Quelle forme doit-on donner ? Est-ce que l’on doit distribuer le leadership ? Quelle est la part d’initiative ? Comment transmet-on la stabilité aux jeunes générations ? Comment on intègre des jeunes collaborateurs ? Comment faire en sorte que les gens apprennent à mieux décider ensemble ?
Ça c’est un sujet majeur.
Chaque organisation doit trouver sa recette. Si une organisation commence à faire du copier-coller d’une culture managériale qui n’est pas la sienne, elle va vraiment se planter. Donc il faut vraiment trouver son ADN managériale en lien avec l’histoire de l’entreprise en lien avec la mission d’entreprise.
A suivre : les essentiels d’un leadership durable.
Le livre « Guider en premier de cordée: S’inspirer de la haute montagne pour construire un leadership résilient et durable » est une nouvelle méthode de management basée sur le métier de guide en haute montagne !
Résumé :
Faire émerger de nouvelles méthodes de leaderships, changer de modèle managérial… Face à des attentes nouvelles, les injonctions à revoir les pratiques entrepreneuriales sont nombreuses. Mais quel modèle suivre ? Comment penser et implémenter concrètement ces changements ? Fort de son expérience en haute montagne et comme dirigeant, Blaise Agresti propose une approche inédite du leadership : faire appel aux savoir-faire de métiers dont le danger, le risque et l’incertitude sont la normalité. Il établit ainsi un parallèle entre les métiers de la montagne et celui de leader en entreprise : le guide de montagne, responsable de sa cordée, prépare des expéditions et motive ses collaborateurs en toutes circonstances ; le secouriste apporte des solutions pour apaiser chacun dans des situations de crise. L’auteur partage les concepts clés du modèle managérial pragmatique et frugal qu’il a construit sur la base de ces deux métiers et invite le lecteur à réfléchir à ce nouveau type de leadership. S’inspirer des guides et des secouristes de haute montagne pour construire un leadership résilient et durable !
