La gestion de flotte à l’international : retours d’expérience
La gestion de flotte à l’international est un défi de taille pour les entreprise avec la multiplicité des modes de fonctionnement entre les pays : gestion du global fleet manager des fleeters locaux, offres des loueurs, prise en compte des différentes cultures locales, réglementations, fiscalités, solutions logicielles (multi-pays), jusqu’aux nouvelles demandes de mobilité multimodale et de verdissement des flottes.
Pour en parler, retour d’expérience de Tiziana MANIEZZO, Responsable des relations internationales AIAGA – membre directif de la FMFE, Patrick AMOURANY, Group Fleet Manager EMEA – SOLUTIONS 30 et Matthieu ECHALIER, Directeur Associé chez GAC TECHNOLOGY.
Laurent Courtois : Tiziana, que peut-on constater en termes de fonctionnalités, de législation, de mode de fonctionnement au niveau européen ?
Tiziana Maniezzo : Par rapport à l’Italie, la France et la Belgique, en termes de Fleet Management, sont les deux pays où il y a déjà beaucoup plus de savoir sur la gestion d’une flotte. En Italie, c’est un petit peu moins connu. D’ailleurs l’AIAGA, l’association dont je suis la déléguée internationale de fleet manager italien a mis en place un chantier pour justement certifier des formations de fleet management, mobility management et corporate mobility management.
Parce qu’il y a encore beaucoup trop d’utilisation d’Excel. La gestion se fait surtout sur des entreprises moyennes, donc des petits parcs entre 100, 150, 300.
En Italie, il y en a beaucoup moins de gros parcs comme GDF, EDF ou Orange en France.
Donc, avec cette gestion-là, pas mal de gestionnaires ou pas mal d’entreprises se focalisent, non pas sur des locations long terme, mais sur de l’achat, encore maintenant.
C’est en train d’augmenter mais pour pouvoir avoir une gestion aussi de location long terme, il faut avoir certaines connaissances, savoir négocier, savoir quelle est la valeur résiduelle, etc.
Nous espérons vraiment pouvoir débuter notre chantier de formation d’ici le mois de juin, fin de l’année. Nous faisons une certification unie qui sera un bureau certifiant.
Laurent Courtois : Quelle est la vision du véhicule selon les différents pays ?
Tiziana Maniezzo : On voit de grosses différences.
La plus grosse différence selon moi est le véhicule statutaire. Il y a beaucoup de véhicules statutaires pour essayer de pallier à une trop forte augmentation salariale. En Italie, on va utiliser, comme en France, les véhicules de services, pour partir le lundi matin et revenir le vendredi après-midi quand il s’agit de délégués commerciaux qui doivent être sur la route ou les VU. C’est vraiment la grosse différence par rapport à la Belgique, qui a la réputation d’être un pays à véhicule statutaire.
Laurent Courtois : Est-ce que tu constates d’autres éléments différenciants ?
Tiziana Maniezzo : Oui, il y a certains aspects de la location long terme en Belgique qui sont beaucoup plus flexibles qu’en Italie où on est obligé de prendre l’assurance auprès de la location long terme. Il n’y a pas moyen de faire de l’auto-assurance. Maintenant, il y aura peut-être une entreprise ou un loueur qui va s’y mettre et laisser le libre arbitre à l’entreprise.
Pour avoir un gestionnaire efficace et qui se rémunère, il faudrait qu’il gère au moins 500 véhicules. Vu que 70% des parcs en Italie sont plus petits, c’est souvent une fonction que l’on rattache à un Facility Manager ou aux Ressources humaines.
Ils préfèrent tout déléguer à l’entreprise de location, comme ça, ils n’ont rien à faire.
Matthieu Echalier : Typiquement, en Belgique, il y a une forte appétence pour le full leasing, le full operational, donc ils vont tout confier à leurs différents loueurs. On constate peu de place pour un télématicien séparé du loueur, pour un pneumaticien ou éventuellement, un vitrier. En Belgique, ils mettent tout dans un pot commun.
En Angleterre, ils sont très sole supply et ils vont confier tout leur parc à un loueur. Ce n’est pas la même chose en Belgique qui confie toutes les prestations à deux ou trois loueurs.
En Espagne et en Italie, ils sont très branchés sur la télématique comme si la télématique faisait tout et serait la solution à tout.
Nous voyons donc aussi des différences culturelles en discutant avec les différents pays, avec les différents clients et avec les différents fleet managers.
Laurent Courtois : Patrick, tu es Group Fleet Manager EMEA, SOLUTIONS 30 et également le représentant français pour la FMFE, quelle est l’expression de besoins d’un responsable de flotte ?
Patrick Amourany : Le rôle d’un Group Fleet Manager sera plus un rôle de coordinateur entre les différents pays pour mettre en place une direction souhaitée par l’entreprise. L’idée, c’est de pouvoir créer, de fédérer autour d’un axe, de proposer des solutions communes et de faire en sorte que tout le monde fonctionne de la même manière.
Je rejoins totalement Tiziana pour dire qu’effectivement, il y a une multiplicité de modes de fonctionnement entre les pays et qu’il faut arriver à coordonner pour pouvoir agir et pouvoir mettre en place des actions.
Laurent Courtois : Est-ce que ta gouvernance te laisse les mains libres pour mettre en place cette politique ? Ou est-ce qu’elle tient compte des cultures d’entreprises de chaque pays ?
Patrick Amourany : Il y a deux axes. Soit on a une volonté de la direction de mettre en place une directive commune avec un mode de fonctionnement unique pour tout le monde ou alors une adaptabilité. Dans mon cas, on est plutôt dans un mode unique, avec une adaptabilité en fonction des métiers.
L’idée est vraiment de mettre en place quelque chose de commun, faire en sorte que tout le monde fonctionne avec les mêmes loueurs, les mêmes constructeurs, essayer d’harmoniser au mieux pour faire en sorte que tout le monde parle la même langue.
Laurent Courtois : Sur ces sujets, est-ce que tu vois des freins sur certaines fonctions ? Ou pour mener à bien ces projets, y-a-t-il des fonctions qui sont moteurs en dehors de ton service ?
Patrick Amourany : Il faut arriver à fédérer autour de nous les actions que l’on veut mettre en place. Le plus gros écueil, c’est la communication pour faire en sorte que tout le monde aille dans la même direction et parle la même langue.
Je ne parlerai pas de freins mais d’une harmonisation des modes de fonctionnement.
Laurent Courtois : Matthieu Echalier, vous êtes Directeur Associé chez GAC TECHNOLOGY, quelles sont les solutions apportées au marché de flotte européen ou international ? Quels sont les principaux besoins et comment vous y répondez ?
Matthieu Echalier : Je vais vous partager l’angle de vue de l’éditeur logiciel. Souvent, des groupes s’appuient sur nous pour essayer de consolider, pour essayer de rassembler.
La première chose que l’on nous demande est : est-ce que vous pourriez rassembler les données de mon parc italien à côté de celles de mon parc autrichien, à côté de celle de mon parc vénézuélien ?
Deuxième élément, c’est évidemment, on nous demande d’avoir un logiciel qui soit dans la langue du gestionnaire.
Enfin, la troisième chose souhaitée assez systématiquement, c’est de couvrir la fiscalité du pays. Mais, après en avoir discuté avec les fleet managers, ils comprennent que ce n’est pas le premier truc dont ils ont besoin. Avant de rendre un service fiscaliste, on va rendre un service de validation de données, d’analyse et d’alerte.
Laurent Courtois : Aujourd’hui en France, on voit dans les villes, le multimodal : les trottinettes, les vélos, les voitures et des solutions de mobilité de plus en plus importantes. Est-ce pareil d’un pays à un autre ?
Matthieu Echalier : Je n’ai pas encore assez de recul sur notre aventure internationale, donc ma réponse va être plutôt nationale.
Le sujet de la mobilité multimodale, on l’a vu apparaître dans certains parcs de nos clients, avec l’arrivée de vélos, pour certains de façon opportuniste et très éphémère, et pour d’autres, au contraire, qui y croient et qui continuent à augmenter leur flotte.
Je me souviens aussi d’une discussion avec un de nos membres qui a une grosse flotte au sein de l’ARFA, qui ne veut pas de trottinette. Car cela expose trop ses collaborateurs à des risques d’accident.
Autre chose concernant l’Espagne. Ils ont un loueur qui est très avancé, Northgate, qui fait beaucoup de locations moyennes ou courtes durées. Il est dans quasiment tous les parcs que l’on a pu approcher. En France, nous n’avons pas cette force des loueurs, pas la même puissance des loueurs courtes ou moyennes durées. Donc c’est encore une différence.
Laurent Courtois : Patrick, en termes de multimodalité, est-ce qu’il y a des pays qui sont plus matures ou qui font des choix plus audacieux ? Est-ce que tu observes des différences notoires ?
Patrick Amourany : De mon point de vue, nous avons une approche un peu plus véhicule utilitaire sur laquelle j’aurai un peu moins d’approches.
C’est plus sur les différences de motorisation où il y a une vraie envie de trouver des alternatives. Par exemple, le verdissement de la flotte est très demandé dans toutes les filiales.
Je pense que le développement de la partie multimodalité se fera par l’accompagnement que les loueurs pourront nous faire. Je travaille avec deux gros loueurs dans toutes mes filiales et pour l’instant, l’offre multimodale n’est pas encore assez mature pour pouvoir répondre aux besoins que l’on peut avoir.
Je voulais rebondir aussi sur un des points énoncés par Tiziana, sur le côté mature que pouvaient avoir les différentes flottes automobiles dans les différents pays.
Je voulais juste rassurer car la France, historiquement, n’avait pas la vocation à avoir des fleet managers internationaux. C’est quelque chose qui a vraiment changé. Le regard des groupes internationaux a vraiment évolué puisque on s’aperçoit que le degré de maturité du mode de gestion des flottes en France, est devenu vraiment très intéressant. Ce qui fait que maintenant, on voit de plus en plus de feet managers internationaux qui viennent de France.
Et je rejoins Matthieu sur l’importance d’avoir des outils qui permettent de communiquer dans la langue du pays, et que l’interface du client via l’outil soit dans sa langue natale.
Matthieu Echalier : Je confirme ce que Patrick vient de partager. Nous travaillons de plus en plus avec des global fleet managers qui gèrent des flottes européennes ou même mondiales qui sont français.
Le fleet manager de l’année, élu à Fleet Europe, n’est autre que Guillaume de Subercasaux, de Schindler. C’est une vraie tendance.
Laurent Courtois : Matthieu, comment dans cet environnement technologique peut-on valoriser l’humain ? Apporte-t-il cette stratégie qui est nécessaire au regard de la complexité, notamment du métier de fleet manager aujourd’hui ?
Matthieu Echalier : C’est un point qui est hyper important. On frappe souvent à notre porte pour mettre en place un logiciel qui soit multi-pays voire même mondial, soit toute une flotte gérée sous le même logiciel. Là où ça peut se faire facilement, ce sera très intéressant. Il y aura une solution similaire dans plein de pays donc la consolidation sera instantanée.
En revanche, on alerte souvent les Group Fleet Manager ou les global fleet managers qui sont confrontés à une problématique justement humaine et culturelle aussi. Ils ont des fleet managers en Italie, en Allemagne, au Paraguay et déjà, ils ont peur quand il y a un global fleet manager qui prévoit de déployer un process similaire d’achat de véhicules, un logiciel qui permettre d’avoir des KPI mondiaux. Ils redoutent d’être observés ou qu’une partie de leur travail leur soit enlevée.
On a une réticence humaine à participer à un tel projet. Du coup, nous, nous disons que le logiciel sera aidant, sera une solution technologique. Mais il ne faut pas négliger ce que on appelle communément le change management.
L’accompagnement de tes fleeteurs locaux est clé dans tout projet de consolidation, pas seulement du logiciel mais aussi dans le développement de process.
Pour se déployer dans plusieurs pays, travailler avec Renault, faire augmenter tes volumes au-delà de la France, ce n’est pas en envoyant une lettre et une missive depuis la France et en disant : on va acheter plus de Renault.
Il faut comprendre la problématique du pays, les raisons très locales de partenariats avec tel ou tel constructeur… Il faudra que le global fleet manager en tienne compte. Donc, tout ne réside pas dans une solution technologique de consolidation de données et d’un logiciel qui soit le même dans tous les pays.
Une des grandes clés de réussite d’un projet multi-pays est dans la gestion des collaborateurs, dans la prise en compte des différentes cultures, des différents hommes.
Tiziana Maniezzo : L’humain est encore important dans les entreprises. Localement, qui mieux que le fleet manager peut mettre en œuvre, savoir quelle est la législation, où en est la mobilité, quelles sont les taxes à payer …. ?