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Sens du travail, bonheur et motivation. Philosophie du management par André Comte-Sponville

Le philosophe André Comte-Sponville s’interroge sur la difficulté du métier de manager qui est d’inciter des salariés à travailler alors qu’ils ne le veulent pas. Et en appelle à Platon, Aristote, Spinoza ou Aragon pour aider à un management réussi : faire que des gens qui ne travaillent pas pour le plaisir prennent plaisir au travail qu’ils font. Faire que des gens soient heureux au boulot parce qu’ils font un métier qu’ils aiment !

« Philosophie du management », donc philosophie pour les manageurs. Un métier vraiment difficile. J’entends bien qu’il y a peu de métiers absolument faciles. Mais le métier de manageur est particulièrement difficile : parce que votre travail, c’est de faire travailler les autres ; et les autres, travailler, « ils préféreraient pas ». Parce que ce qu’ils cherchent, eux, d’ailleurs fort légitimement, ce n’est pas le travail ; c’est le bonheur.

Pas de chance : ce que le manageur leur propose, ce n’est pas du bonheur, c’est du boulot ! Il semble qu’il y ait maldonne dès le départ ; et c’est cette maldonne qu’un management bien conduit doit se donner pour but de lever.

Ce que cherchent les salariés, ce n’est pas le travail, c’est le bonheur. Ils préféreraient être rentier que travailler dans votre entreprise. Et continueraient-ils à travailler s’ils gagnaient 60 millions d’Euros ? Le travail est d’abord une contrainte ! Et c’est donc la difficulté du manager que de faire travailler les autres.

Une difficulté d’autant plus grande à l’heure de la civilisation du loisir, de la loi des 35 heures, des RTT, à l’heure où les jeunes ont, disent certains dirigeants, perdu le sens du travail…

J’observe d’ailleurs que la pandémie en a remis une couche, qu’elle a ramené les gens à l’essentiel : la famille, les amis, la vie privée. Mais jamais le travail...

Et ce que cherche l’entreprise, ce n’est pas le travail, c’est le profit. Bref, personne ne cherche le travail pour le travail !
Cela débouche sur un problème intéressant. Comment faire pour donner un sens au travail, dès lors que personne – ni les salariés, ni l’entreprise – ne cherche le travail pour le travail ? 

Pour répondre à cette question, André COMTE-SPONVILLE développe dans une première partie, le sens du travail : qu’est-ce qui fait courir vos collaborateurs en dehors de la valeur travail dont on nous rabat les oreilles depuis des années ? Car le travail n’est pas une valeur morale, mais une valeur marchande ! Et ils ne travaillent pas seulement pour l’argent…

Dans la seconde, le philosophe raisonne sur le thème du « Bonheur, de la motivation et du désir ».

La motivation est un désir utile, qui porte sur quelque chose qu’on ne désirerait pas spontanément. Motiver quelqu’un, ou se motiver soi- même, ce n’est pas créer un nouveau désir ; c’est rendre utilisable un désir déjà existant.

Donc, une philosophie de la motivation, c’est une philosophie du désir, mais utile et utilitaire

Si je devais un jour diriger une école de management, je ferais inscrire en lettres d’or, dans le hall d’entrée de l’école, une formule inspirée d’Aristote : « Le désir est l’unique force motrice ».

Si les managers devaient retenir une phrase, ce serait celle-ci !

Dans motivation, il y a motif ; mais surtout, dans motivation, il y a moteur. Le moteur, c’est ce qui meut. Eh bien voilà : ce qui meut un homme ou une femme, ce n’est pas l’intelligence, c’est le désir…

Et si je devais inscrire en lettres d’or, une deuxième phrase dans le hall d’entrée de l’école de management, j’écrirais la formule de Spinoza : «le désir est l’essence même de l’homme »… Bref, si nous sommes des êtres de désir, cela signifie qu’un dirigeant, un manager RH, marketing ou achats, c’est d’abord et avant tout un professionnel du désir de l’autre qu’est le salarié...

Enfin, André COMTE-SPONVILLE livre quelques clés de ce qui pourraient rendre plus heureux les collaborateurs : de meilleures conditions de travail, d’une meilleure ambiance, de davantage de respect et de reconnaissance, notamment de la part du manager, de faire partie d’une communauté et de participer à une aventure collective exaltante, de s’épanouir davantage ou encore de travailler en harmonie avec les valeurs morales qui sont les siennes…

Le bonheur au travail est un enjeu décisif du management. Pour un manager, se soucier du bonheur professionnel de ses collaborateurs, de leur bien-être professionnel et à fortiori de leur mal-être professionnel, ce n’est pas la cerise sur le gâteau ! Ce n’est pas un supplément d’âme ! Ni de la philanthropie ! C’est le coeur de votre métier ! …

Interview réalisé par Julien Merali, General Manager du pôle IT d’Agora Managers Groupe

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