DRH - DÉVELOPPEMENT RH

De l’Asie aux Etats-Unis, quels enjeux RH ? Par Philippe de VIRIEU, DRH chez ALBÉA Groupe

Retex de Philippe de VIRIEU, DRH chez ALBÉA Groupe, sur l’expatriation, les RH en Asie et aux Etats-Unis et le retour en France.

Interviewé par Julien Merali, General Manager du pôle IT et RH d’Agora Managers.

Albéa est un fournisseur d’emballage cosmétique leader et fabrique les packagings et solutions beauté, des solutions d’emballages packaging pharmaceutique mais aussi pour l’alimentaire, l’entretien de la maison et produits professionnels.

Julien Merali :

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à votre rendez-vous de l’agora des DRH sur le thème : de l’Asie aux États-Unis, quels enjeux RH ? 

Avec un invité fraîchement débarqué il y a quelques mois en France puisque l’on reçoit aujourd’hui Philippe de VIRIEU, HR Director Tubes EMEA and Product Line d’ALBÉA GROUP.

Alors on va revenir sur le parcours que vous avez eu en Asie et aux États-Unis. Vous êtes Français et vous êtes revenu en France. Vous nous direz si vous avez ou pas envie de repartir. 

Le sujet que l’on va aborder ensemble, c’est un sujet finalement qui concerne beaucoup de managers et même au-delà du métier de DRH. 

Beaucoup de managers sont amenés à partir à l’étranger et donc on va essayer de dérouler ce fil de l’Asie et aux États-Unis et de voir quels sont les enjeux rh qui peuvent animer ces pays et qui vous ont aussi impactés à la fois sur le plan professionnel et personnel parce que forcément tout est lié.

Pour revenir sur votre parcours, vous êtes diplômé de NEOMA Business School et d’un master spécialisé rh à l’École normale supérieure et vous avez débuté votre carrière chez DBApparel où vous êtes resté neuf ans jusqu’au poste de DRH international et en 2014, vous avez rejoint Albéa où vous êtes DRH Asie, basé à Shanghai de 2014 à 2018 et puis DRH Amérique du Nord à Washington de 2018 à 2021.

Aujourd’hui, vous êtes revenu en France, toujours chez Albea Group.

Alors d’abord, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur Albéa, quelle est l’activité et le type de population que vous avez à manager ?

Philippe de VIRIEU :

Albéa est un acteur industriel du monde du packaging classique, principalement à l’attention de l’industrie cosmétique mais également tout ce qui est Oral Care, de la parapharmacie et du food.

C’est une société industrielle donc on a beaucoup de sites de production (35 sites dans 15 pays).

Si on parle de nos populations à manager, la grosse partie de nos dix mille salariés sont des cols bleus dans les différents pays et sites où nous produisons et sinon on a une population de managers de direction de tout ordre comme on a dans chaque société industrielle.

Albéa est un groupe qui pèse aujourd’hui à peu près un milliard deux cents millions de dollars de chiffre d’affaires pour grosso modo dix mille salariés dans le monde avec trois grosses régions où j’ai eu la chance de me promener : donc l’Europe qui est le gros morceau et le berceau historique de la société puisque c’est une société qui vient de Pechiney avant qu’elle se fasse racheter. Et la plaque Nord Amérique et la plaque Asie.

Julien Merali :

Alors certains managers ont envie de partir à l’étranger, ont des propositions puis se posent la question : est-ce que j’y vais ou pas ? D’abord est-ce que vous aviez imaginé partir à l’étranger ?

Philippe de VIRIEU :

J’ai d’abord vécu petit à l’étranger et j’ai effectué une partie de mes études à l’étranger. C’est sûr que cela m’a inoculé le virus assez jeune avant même de savoir si j’avais envie d’aller faire des ressources humaines, avant même de savoir en quoi consistait le métier de rh.

Donc ça a été une vocation très très jeune et mon parcours d’étudiant et mon parcours professionnel dès mes premières années ont été orientés dans cette direction-là.

Vous avez cité DBApparel, un groupe qui a disparu mais qui avait des marques connues (Dim, Wonderbra, Playtex) et dès le départ, j’ai été tourné vers des fonctions internationales qui m’ont permis de m’ouvrir, à distance au début, aux différents pays que cette société couvrait.

Avant de rejoindre Albéa où j’ai été contacté pour un poste différent, ma motivation pour l’international a dû ressortir pas mal dans l’entretien puisque quelques semaines plus tard, ils ont eu un besoin qui s’ouvrait sur l’Asie et mon nom est revenu sur le sommet de la pile.

Julien Merali

Quelles sont les caractéristiques qui ont amené Albéa à vous choisir pour partir en Chine ? J’imagine qu’il y a des profils que l’on retient plus que d’autres ? Et faut-il parler la langue ?

Philippe de VIRIEU :

Alors déjà, pourquoi envoyer des rh ? C’est peut-être une première question. La plupart des groupes vont envoyer un financier. Albéa avait l’habitude d’envoyer sur ce poste-là, un rh qui avait un rôle très clairement d’évangélisation des différentes ‘business unit’ qui couvrent l’Asie, à savoir la Chine, l’Inde et l’Indonésie mais avec le grand morceau en Chine, d’où la présence du poste en Chine.

Il y a de plus une dimension de répandre les bonnes pratiques, de s’assurer que les choses se fassent dans les règles de l’art avec nos processus et nos méthodologies. Et ensuite, s’assurer que l’esprit du groupe infuse bien dans ces pays-là.

Alors cela pourrait être un financier, en l’occurrence chez Albéa, c’est un rh.

Et pour répondre à votre deuxième question, on ne m’enverrait pas pour être le patron rh de notre usine de Shanghai ou de Surabaya en Indonésie. C’est sûr que la connaissance à la fois de la langue, des pratiques locales, de la loi, le réseau local sont, sur ces postes-là, d’une importance extrême. Donc c’est hors de question.

Sur un poste dont l’objectif est d’animer un réseau rh et d’être le business partner du Comex de la division, là ça se tient bien, parce que finalement vous avez besoin d’ouverture d’esprit et un petit vernis qu’on acquiert au fil de l’eau sur les pratiques locales, les règles évidemment, le droit du travail. On a la chance de venir d’un pays où le droit du travail est particulièrement complexe, donc forcément, quand on va ailleurs, cette part est souvent plus simple.

Julien Merali

Il y a un également un point, c’est le conjoint, la famille. Comment on aborde ces sujets-là ? Est-ce qu’il y a des conseils, des retours d’expériences ?

Philippe de VIRIEU :

Il ne faut pas que ce soit un consensus mou. L’expatriation revêt aussi des dimensions techniques et bouger sa famille à l’étranger doit être un vrai projet familial. Evidemment, on enfonce des portes ouvertes en disant cela mais on doit avoir un projet de vie à l’étranger qui embarque le conjoint – ce qui dans nos métiers rh et pour ceux qui s’occupent de mobilité – est un vrai sujet de comment est-ce qu’on accompagne les conjoints, comment est-ce que l’on prépare l’expatriation pour se donner toutes les chances. Parce que c’est un gros investissement de la part de la société, un gros changement pour la famille et pour que tout se passe bien, la préparation est nécessaire…

Et il y en a un qui souvent, va mettre un peu sa carrière, sa vie professionnelle entre parenthèses pour une période de temps.

Julien Merali : J’aimerais que vous puissez nous dépeindre la manière dont on va manager des équipes en Asie qui j’imagine doivent être radicalement différente des Etats-Unis, elle-même différente de la France.

Philippe de VIRIEU : Vaste question ! … J’ai une réponse qui est bateau mais qui est pour moi très importante, c’est qu’à partir du moment où vous arrivez avec l’étendard du siège et que vous êtes Français, c’est la double peine…

Le trait culturel français qui ressort le plus et qui nous est un peu reproché, c’est notre amour du dialogue, notre amour de la contradiction. Et le, je pose des questions, je pose des questions, je pose des questions pour challenger, challenger, challenger. Dans beaucoup de cultures et c’est le cas de la Chine et des Etats-Unis, cela peut être perçu comme un manque de confiance des équipes françaises à l’égard des équipes locales…. Mais ce questionnement permanent fait partie de notre culture – c’est comme cela que l’on a été élevé à l’école…

Donc, on ne peut pas arriver en disant : “voilà, je vais vous apprendre la vie” ; “le management comme il faut le faire c’est comme ça”, non ! Ceux qui partent à l’étranger pour vivre une expérience épanouie et avec succès doivent d’abord se taire, écouter et regarder. Regarder quels sont les flux, quels sont les jeux de pouvoir, quelles sont les influences des uns sur les autres.

Il faut à la fois apprendre les codes locaux avec sa propre approche du management. Par exemple au début de ma mission en Chine, je me suis évertué à expliquer, à essayer de comprendre, à poser des questions de façon assez intuitive et de par mon éducation française. Et tout cela pour me rendre compte que certains de mes interlocuteurs ne comprenaient rien à ce que je leur racontais ou seulement 10%. Donc vous passez à côté de la plaque et cela a été une vraie leçon. Ensuite, il ne faut pas hésiter à utiliser à la fois l’écrit et l’oral pour s’assurer que les choses ont bien été enregistrées…

Le management traditionnel chinois – même si les choses bougent rapidement… – va être très top down : je tape du poing sur la table, c’est comme ça et pas autrement. Aux Etats-Unis, en termes de management, on est dans du cousinage…

Julien Merali : Comment perçoivent-ils chacun la fonction rh ?

Philippe de VIRIEU :Je pense que ce n’est pas tant une question culturelle pays que maturité de l’organisation. La maturité de la fonction rh, de mon expérience et des pays d’Asie que je connais, est assez faible. C’est-à-dire qu’on est sur une fonction rh qui va assurer les basiques : la paie, la réglementation, s’assurer qu’on est en règle avec la loi, que les entrées et les sorties se font de façon légale et transparente.

Mais quand il s’agit d’être un business partner dans le sens, aller challenger le patron, remettre en question l’ordre existant sur certains sujets, et bien, tout dépend à la fois du poids de la fonction rh dans l’entreprise donc sa maturité, donc de la compétence que la fonction rh arrive à mettre dans le système et de l’autre; des interlocuteurs en face. Et vous pouvez vous retrouver face à des managers chinois – là encore traditionnels – qui ne vont pas accepter ce challenge…

C’est un peu tout l’enjeu en Asie. Pas l’enjeu technique, pas l’enjeu du développement rh, du Talent Acquisition, etc. mais l’enjeu de “comment est-ce que j’accompagne l’organisation dans sa transformation”.

Au US, j’ai retrouvé la même culture de la fonction rh que celle que l’on a en Europe.

A suivre en vidéo. Son management en Chine, aux Etats-Unis et son retour en France.

Interview réalisée par Julien Merali – General Managers du pôle IT – Agora Managers.

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