DRH - DÉVELOPPEMENT RH

Métavers : définition, perspectives, risques et applications RH

Si le métavers a été éclipsé par le boom de l’IA générative, la réalité virtuelle, base des univers parallèles, reste bien d’actualité dans bon nombre de domaines et secteurs (automobile, sport, santé, formation, tourisme, divertissement…)

L’intérêt pour le métavers de la Chine, des Etats-Unis ou même des Emirats arabes unis, comme l’investissement d’Apple dans le casque de réalité mixte, pourraient apporter un nouveau souffle au développement de ces technologies virtuelles.

Interaction et immersion autour des enjeux économiques et sociétaux et des perspectives du métavers, notamment en matière RH avec Ridouan Abagri, Président du Metaverse College et du Digital College.

Julie Guénard : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le métavers et en quoi diffère-t-il de la réalité virtuelle augmentée ? 

Ridouan Abagri : C’est quelque chose de très complexe et très simple à la fois. Parce qu’aujourd’hui, il est associé à plusieurs technologies qui sont très complexes, comme la blockchain et l’intelligence artificielle.

Ça reste un univers virtualisé. Donc pour la partie virtuelle, on va créer un environnement physique dans un environnement virtuel. Ce qui va permettre à des gens de créer des expériences, créer des sensations qui vont simuler ce que l’on ressent dans le physique. 

Au contraire, dans la réalité augmentée, on va injecter dans l’univers physique des éléments virtuels.

Vu que l’on est au début, les usages et les adaptations sont encore très flous. Il y a des entreprises qui vont aller sur la réalité augmentée et d’autres, comme le jeu vidéo, sur la réalité virtuelle. Donc on a deux univers qui sont dissociés mais qui sont aussi associés.

Il est vrai qu’aujourd’hui, on a plus parlé de réalité virtuelle sur le métavers alors que la porte d’entrée par rapport aux usages est encore la réalité augmentée. 

Julie Guénard : Aujourd’hui, on s’adresse à des DRH. Quelles sont les principales perspectives que vous voyez dans l’adoption du métavers pour les entreprises ? 

Ridouan Abagri : Il y en a énormément parce que la direction de Ressources humaines est la porte d’entrée de l’expérience collaborateur.

Mais cela va être complexe à mettre en place parce que le plus gros souci va être l’adaptation culturelle et générationnelle.

Mais il y a déjà des outils qui permettent pour toute génération d’appliquer des premiers principes. 

Si on parle d’intégration des collaborateurs, il est plus simple de mettre en place et d’acculturer du personnel sur cet univers-là. Parce que dès que vous commencez dans une entreprise, vous faites vos premiers pas avec une intégration virtualisée ou augmentée.

Ça permet déjà de mettre une habitude, de mettre une culture dessus et ça facilite l’usage derrière. Parce qu’encore une fois, l’usage sera primordial. 

Beaucoup d’entreprises ont essayé, ont franchi le pas en matière de recrutement.

JG : Avez-vous des exemples à nous donner ?

Ridouan Abagri : Carrefour, par exemple, a essayé mais il y a eu des difficultés sur la mise en place et une difficulté d’adhésion de la part des personnes qui cherchaient du travail. 

JG : Ça dépend de l’âge ?

Ridouan Abagri : Ça dépend de l’âge, ça dépend du produit, du service. Ça dépend de la culture en entreprise. Ça dépend aussi de tellement de critères de contingences autour de ça que cela peut être très compliqué à mettre en place. 

L’univers qui va être le plus simple à mettre en place sur le métavers est l’univers de la formation où il est déjà beaucoup appliqué.

Là, il y a vraiment un intérêt à investir dès maintenant, en tout cas sur ces dispositifs-là. 

Il y a donc ceux qui vont choisir le produit ou ceux qui vont choisir le service. 

Accenture, je crois, a commandé en masse des casques pour des nouveaux collaborateurs pour favoriser l’intégration et le partage d’expériences et d’émotion.

Microsoft, avec l’outil Teams, vous permet de créer un avatar. Donc cela peut limiter les discriminations à l’intégration et au recrutement. Ils ont aussi des espaces virtualisés, des zones d’échanges, des zones de travail dans un métavers.

L’avantage avec Microsoft, même s’ils ne font pas le truc le plus innovant, c’est qu’ils font quelque chose de pratique parce qu’ils ont l’expérience du travail collaboratif en entreprise. De plus, cela va être plus simple pour des entreprises françaises qui ont déjà la solution Office, d’utiliser une extension de la solution plutôt que de prendre une technologie nouvelle.

Après, vous avez des sociétés comme Zara ou Balenciaga qui ont déjà fait des collections, des défilés dans le métavers. 

Donc chacun a tenté des choses. Mais quand vous le voyez, ce sont des choses très isolées.

Il y a aussi des constructeurs automobile qui font de la réalité augmentée pour leur voiture ou des distributeurs de meubles qui vous permettent de projeter un canapé dans votre salon. Cela permet aux gens d’éviter de faire des erreurs, et d’avoir une prospective sur leur propre vie.

Ça marche beaucoup pour la réalité augmentée, et on voit qu’avec l’annonce d’Apple sur son casque, l’intérêt reprend pour une technologie qui était complètement oublié. 

Ce qui compte le plus pour le développement d’une technologie, c’est d’abord l’usage. 

JG : Quelles sont les compétences et les ressources nécessaires pour mettre en place avec succès ces différentes initiatives ? Pour un DRH !

Ça va être d’investir dans la formation, d’investir dans le recrutement de jeunes diplômés qui vont pouvoir développer cette technologie parce que ce n’est pas un développeur web qui va pouvoir le faire.

Ce sont des développeurs XR qui savent créer du spatial dans le code et ces compétences en France sont très pauvres. 

De plus, il y a une concurrence mondiale. Le peu de gens formés en France partent à l’étranger où il y a des plus gros salaires, des plus grosses opportunités, des plus gros projets aussi.

Meta fait du recrutement en Europe et on connait leur force de frappe. Ils vont proposer le double, le triple de salaire. Les Emirats arabes unis, le quadruple. Donc il y a une concurrence financière sur ces nouveaux talents.

Il faut donc savoir créer un cadre de formation pour développer toutes ces compétences, mais derrière, il faut savoir aussi avoir un effet de rétention et de fidélisation.

Donc commencer par la source et suivre tout un process, que l’on sait d’ailleurs bien faire en France, que l’on sait bien segmenter et identifier. Après, il faut faire en sorte qu’ils restent chez nous. Mais ça, cela va être très dur !

JG : Quels sont les impacts du métavers sur la formation ?

Ridouan Abagri : Les impacts sont pluriels. Premièrement, le coût. Certes, la technologie coûte très cher, mais l’économie est très grande. Quand vous voyez le temps que vous gagnez sur certaines formations notamment dans l’univers technique ou dans des formations de premiers secours, de santé, des formations de sécurité aussi.

Ça permet plusieurs choses : de mieux projeter les apprenants sur ces dispositifs. Si vous vous préparez à être chirurgien, vous pouvez, comme dans un jeu vidéo, répéter des opérations et il y a donc un vrai gain d’expérience qui est très rapide, très fluide. 

Cela permet aussi d’aller beaucoup plus vite dans le temps de formation sur les métiers techniques ou manuels.

JG : Comment le métavers se connecte-t-il aux autres enjeux économiques ?

Ridouan Abagri : Alors ça, c’est très complexe. On a tous dans le monde une définition du métavers et des objectifs différents que ce soit aux États-Unis, en France et en Chine, notamment dans le cadre légal.

Les États-Unis et la Chine sont en tête sur ces marchés-là. Mais la Chine, qui nous a fait une leçon avec TikTok, est en train de la reproduire avec le métavers en créant une structure juridique qui permet d’identifier les personnes. 

C’est-à-dire qu’une personne qui, dans le métavers, va faire une agression physique ou un délit financier aura la même sanction qu’une personne physique.

Du coup, ils anticipent tous ces risques de dérives. Je trouve qu’ils ont pris le problème à l’endroit, et plutôt que de le limiter, ils l’ont structuré. 

Alors qu’en Europe, on est plus sur une limitation des droits et des mouvements. Ce qui peut freiner les entreprises françaises d’investir dans ces dispositifs. 

En France, on a un peu cette culture d’attendre de voir ce qui fonctionne, d’avoir une forme de veille, de prospective pendant que la Chine essaie de se positionner devant les États-Unis qui sont toujours leader dans cette forme de développement.

En tout cas aujourd’hui, les enjeux politiques sont vraiment très forts parce qu’au-delà du cadre légal, il y a tout le business qui va être fait notamment sur de la pub ou de la collecte de données.

En Europe, on a une collecte de la donnée qui est très complexe et on ne sait pas trop comment cela va marcher. Et tant que c’est flou, la France va avoir du mal à avancer sur ce sujet-là. Et on le voit sur les dernières années où il y a eu un grand pas en arrière en France, que ce soit sur le développement des technologies ou sur les financements des start-up.

Tout dépendra de la consommation, de l’usage et du comportement que l’on aura dessus.

Reste que la Chine avance beaucoup. Et on voit que les Émirats arabes unis avancent également de par leur recrutement de personnes qui ont les compétences pour développer des technologies, des plateformes ou des métavers.

Aujourd’hui, c’est un monde très flou et économiquement très compliqué à mesurer. Mais on voit déjà de grosses avancées sur certaines opérations marketing, com ou formation.

Après, avant que tout soit en harmonie, que tout avance sur un même chemin, il va falloir encore un peu de temps.

JG : Alors quels sont les principaux défis et risques que les entreprises pourraient rencontrer en le mettant en place ? 

Ridouan Abagri : Le premier défi va être financier, tout simplement. Parce que la France a beaucoup investi l’année dernière mais a fait un grand pas en arrière. Et quand on fait un test et que ça ne marche pas, on a du mal à remettre un pied dedans. Donc ça, ça va être assez compliqué. 

Après, je pense que l’on a peur aussi des risques humains. Comment réglementer un harcèlement ? Comment réglementer une fraude ou des hacks sur des personnes, etc ?

Les gens ont peur aussi parce que, mine de rien, on est sur un monde virtualisé, plus international, plus mondialisé aussi, en termes d’échanges financiers, d’échange social. On voit d’ailleurs que les Français qui communiquent sur des opérations sociales sont anglophones.

Et on va avoir beaucoup de mal à mettre en place une structure juridique très forte en France et en Europe. 

JG : Comment garantir la sécurité des données et la protection de la vie privée des collaborateurs, si on met en place un métavers ?

Ridouan Abagri : Sur la sécurité des données en France, on est plutôt bien placé. Chaque entreprise a son DPO. Tout le monde peut contrôler et avoir une transparence dessus. 

Après, je pense que la règlementation va aussi un peu freiner son développement. Parce que si on prend le modèle des réseaux sociaux à l’avènement du digital, on a bien vu que cette déréglementation et cette non connaissance ont fait évoluer et accélérer toutes ces entreprises.

Et de cet expérience, on veut désormais trop limiter. Et en limitant trop, on ralentit le développement du métavers. Donc d’un côté, c’est une bonne chose pour la protection des données et la protection de la vie privée des gens. De l’autre, c’est une mauvaise choses pour le progrès et le développement. 

Interview réalisée par Julie Guénard, General Manager de l’Agora des DRH.

Afficher plus

Agora des DRH

L'Agora des Directeurs des Ressources Humaines est l'une des 17 communautés d'Agora Managers Clubs, le premier réseau français permettant aux décideurs exerçant la même fonction au sein d'une entreprise de plus de 500 salariés, de créer un lieu permanent d'échanges et de partages d'expériences pour mutualiser leurs compétences et trouver ensemble, les meilleures solutions.
Bouton retour en haut de la page