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Quel impact environnemental du numérique ?

Avec Guillaume Pitron, journaliste indépendant*, réalisateur et auteur du livre « L’Enfer numérique : voyage au bout d’un Like».

Son expédition autour du monde à la recherche de la face cachée du clic l’a amené à percevoir la gigantesque matérialité du monde virtuel et de sa pollution numérique.
Une course est désormais engagée : comment rendre le numérique, plus sobre, responsable et respectueux de l’environnement.

Avec des questions clés pour l’entreprise. Comment passer à une transformation numérique responsable ? Comment choisir certifications et labels environnementaux (Greenmetrics) ? Comment réduire son empreinte numérique et quels métriques utiliser ?

Autant de problématiques et d’objectifs que nous détaille Guillaume Pitron.

On n’avait jamais imaginé qu’un email polluait !

Envoyer un email, c’est l’équivalent d’une ampoule allumée 1 heure ; avec une pièce jointe de 1 Mo à 10 collègues, cela équivaut à parcourir 500 mètres en voiture. Et, pour arriver à bon port, cet email parcourt en moyenne 15 000 kilomètres.

Quant à la vidéo, c’est 60% de la bande passante, précise Guillaume Pitron. Le vidéo clip Gangnam Style visionné plus de 2,7 milliards de fois, c’est l’équivalent de la consommation d’électricité pendant un an d’une ville française comme Issy-Les-Moulineaux ou Quimper.

Chaque Français stocke entre 10.000 et 50.000 e-mails non lus.

  • En 2020 en France, les emails “inutiles” ont pollué autant que 1,7 million de voitures en circulation.
  • Si tous les Français supprimaient leurs emails inutiles, cela éviterait l’émission de 1,8 million de COpar an. L’équivalent de la pollution d’une ville comme Toulon ou Angers.
  • 4 635 newsletters ont été reçues en moyenne par Français en 2020. À noter que ⅔ des newsletters ne sont jamais ouvertes en France.

Si le monde appelle à une “New Sobriety” et si 80% des entreprises sont sensibles au combat mené contre la pollution numérique et en faveur du climat, cela reste au stade de la communication estime Guillaume Pitron.

L’urgence est de mettre le numérique au cœur de la réduction du bilan carbone des entreprises.

Genèse

Lors de son précédent livre-enquête sur “La guerre des métaux rares, “ces matières premières sans lesquels il n’y a pas de monde vert puisque sans métaux, il n’y a pas de voitures électriques, panneaux solaires ou éoliennes, Guillaume Pitron abordait aussi la question des métaux contenus dans les téléphones et le bilan carbone de ce numérique. A la lecture de ce chapitre intitulé “la matérialité de l’invisible”, mon éditeur m’a dit que cela méritait un nouveau livre, de raconter tout ce qu’il y a de matériel derrière nos modes de vie censément dématérialisée”.

Si le numérique semble en effet invisible, derrière nos écrans se cachent une grande quantité d’énergie et de ressources primaires, des infrastructures gigantesques pour que tout puisse fonctionner 24/24 et des tonnes de CO₂ relâchés dans notre atmosphère.  800 millions d’équipements réseaux pour se connecter, 1,2 million de km de câbles pour faire transiter nos données, 8 300 datacenters et 45 millions de serveurs pour stocker nos données. 

J’ai passé deux ans à enquêter et à voyager autour du monde pour raconter la pollution numérique en partant d’une question : “qu’est-ce qu’il se passe quand je fais un like à votre profil Facebook ? Est-ce que ce like va de moi à vous ou est-ce qu’il fait quatre fois le tour du monde en passant par les infrastructures ?

J’ai remonté pendant deux ans la route d’un like. C’est un prétexte pour raconter tout ce qu’il y a de matériel dans nos vie dite dématérialisée… 

On ne peut pas être responsable et désespéré

Quand je vois que Shein, l’appli de vente de vêtements, cartonne chez les ados, je me demande où est la conscience environnementale des jeunes. Je suis honnêtement un peu inquiet quand je vois le paradoxe de cette génération “Greta”…

Comme dit un ami, tout le monde veut aller au paradis, mais personne ne veut mourir. Nous ne sommes pas encore prêts à assumer les coûts et les conséquences d’un numérique responsable.

On a des années de bataille pour faire prendre conscience de ces enjeux. J’aime bien cette phrase de Saint-Exupéry : on ne peut pas être responsable et désespéré, donc évidemment qu’il faut proposer des solutions individuelles et collectives :

Individuellement, c’est garder ses équipements numériques le plus longtemps possible (4 ans)… C’est aussi acheter un téléphone d’occasion, par exemple sur Black Market… C’est aussi le réparer...

Politiquement, il s’agit aussi de s’interroger sur l’internet gratuit… Je n’ai pas la réponse mais il faut poser la question. Et est-ce qu’il y a un internet utile comme l’hôpital connecté ou qui l’est moins comme les cryptomonnaies…

Quant aux entreprises, de là à vous dire que ces sujets de RSE remontent à la direction générale, que les chartes d’engagements ont été mises en place, qu’une stratégie à deux, trois, quatre, cinq ans a été entérinée par le Comex, que la direction des achats a été complètement impliquée dans le process et qu’on lui intime l’ordre de vérifier l’analyse de cycle de vie de tous les produits hardware et software qu’elle achète.

De là à vous dire qu’il y a une politique de recyclage et de reconditionnement systématique des produits qui sortent de l’entreprise.

De là à vous dire que tout le monde sait exactement où les serveurs sont stockés.
Excusez-moi, mais on est encore une fois au tout début de ces sujets-là.

Il y a certes une prise de conscience mais de là à ce qu’il y ait une politique de haut en bas de la pyramide dans l’entreprise et même horizontale…

Il y a trois arguments à mon avis à faire valoir :

Le premier argument est celui de dire qu’il vaut mieux s’attaquer à ce sujet-là plutôt que de le laisser de côté parce que si vous êtes une entreprise qui est associée à toute forme de pollution, y compris au réchauffement du climat, cela fait désordre en termes de réputation…

Deuxièmement, un enjeu de ressources humaines. Si vous voulez les meilleurs cerveaux, qui eux, sont de la génération Greta, il faut pouvoir aussi les convaincre que vous avez une action dans ce sens-là…

Et il y a un enjeu financier. C’est source d’économies que de faire du numérique responsable. Si vous conservez le matériel plus longtemps, cela fait moins d’achats.

Aujourd’hui, il n’est pas rare que chaque employé représente pour une entreprise chaque année, 7000, 10000, 15000, jusqu’à 20000 euros ; en cybersécurité, en achat de matériel et en accompagnement informatique divers et variés.

Il faut donc porter cette idée d’une plus grande modération dans la consommation d’outils et faire en sorte qu’il y ait moins d’obésiciels.

On peut dépenser mieux avec du numérique responsable.

Infographie - L’impact du numérique sur l’environnement par GreenMetrics
Infographie – L’impact du numérique sur l’environnement par GreenMetrics
L'enfer numérique: Voyage au bout d'un Like

Guillaume Pitron est journaliste au Monde Diplomatique, aux magazines GEO et National Geographic, réalisateur de La Face cachée des énergies vertes pour Arte et auteur de La Guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique et de L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Ed. Les Liens qui libèrent).

Ses enquêtes ont reçu plusieurs distinction : le Prix “Érik-Izraelewicz” de l’enquête économique pour sa publication sur la « Braderie forestière » dans Le Monde diplomatique.
Pour “La Guerre des métaux rares”, il a reçu le “Prix du livre d’économie” et le “Turgot du meilleur livre d’économie financière de l’année 2018”.

Interview réalisée par Laurent Courtois, General Manager d’Agora Managers

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