ASSISTANTES DE DIRIGEANTS

Comment mieux communiquer et convaincre

Amélie Blanckaert

Connaissez-vous l’adage Festina lente ? La stratégie des sous-titres ? Le travail de plume ou de Cistercien ? Pourquoi on aime regarder les discours de de Gaulle ? Que parler lentement a de multiples avantages ? Qu’il faut passer les préliminaires ? Que 99% des problèmes entre les gens sont liés à des problèmes de communication. Que le silence est un allié redoutable ?

Que le grand problème des dirigeants est qu’on ne leur parle pas normalement ?

Brice Girod : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue sur Agora manager TV pour notre rendez-vous de l’Agora des assistantes de dirigeants pour parler d’un thème qui est : Comment mieux communiquer et convaincre.

Et pour en parler, j’ai le plaisir d’avoir à mes côtés, Amélie Blanckaert, fondatrice et présidente de bureau 121*, une agence de conviction. Alors, vous avez été aussi professeur d’Art oratoire à HEC. Vous êtes actuellement professeur de rhétorique à Sciences Po et surtout, vous avez publié, en mars dernier, un livre dont le titre est « Votre parole vaut de l’or »* (Ed Plon). 

Pouvez-vous nous présenter un petit peu votre parcours qui vous a conduit finalement à cette expertise sur la communication et la parole en particulier ?

Amélie Blanckaert : J’ai d’abord été professeur de littérature du 16e siècle, donc c’est très décalé par rapport au siècle d’aujourd’hui. Mais c’est comme cela que j’ai appris l’amour des livres et l’amour des mots.

J’avais aussi des parents qui étaient très bibliophiles, passionnés de littérature. D’ailleurs ma mère était prof avant d’être journaliste et donc il y a une tradition dans ma famille du texte, du mot juste.

Par ailleurs, j’ai une famille assez particulière : nous vivions avec mes cousins germains dans un même immeuble et il se trouve qu’une des grandes spécialités de ma famille était les discours de mariage et les discours d’enterrement. Donc j’ai commencé à venir à l’écriture et en particulier à l’écriture de discours par ce biais-là en étant ce qu’on appelait autrefois une sorte d’écrivain public, mais une scripte familiale.

Et comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, je faisais des discours sans le savoir.

J’ai fait cela pendant plusieurs années. C’était une tradition qui me plaisait mais je ne pensais pas en faire mon métier. Puis un jour, j’ai aidé mon père qui voulait être président de l’ACF, Action contre la faim – ça s’appelait à l’époque l’AICF – et en sortant de ce rendez-vous avec mon père, je lui dis : écoute, je vais quitter l’Education nationale, j’ai trouvé ma voie, je vais devenir plume. Et c’est comme cela que je suis devenue plume de dirigeants.

J’ai commencé à travailler pour des gens hyper variés, pour un joueur de basket, Tony Parker, pour Carlos Ghosn dans l’automobile, à l’époque où il voyageait en voiture électrique et non pas en malle. Donc, c’était passionnant et en écrivant des discours, j’en suis venu à la parole. C’est-à-dire qu’évidemment, quand on écrit un discours, la parole est en jeu.

Mais ça ne suffit pas. Il s’agit non seulement de trouver les mots justes mais aussi de savoir incarner son propos et savoir le dire. Quand vous me regardez les yeux dans les yeux, quand vous mettez le ton qu’il convient, en fait, c’est un impact considérable.

Donc, on ne parle pas qu’avec la rationalité, loin s’en faut, on parle avec les mains, on parle avec le corps, on parle avec la façon de poser sa voix. Tout cela est essentiel. Et de-là, je me suis passionnée pour la parole.

Il y a la qualité de l’écrit, mais il faut aussi que le discours soit suffisamment bien rédigé pour que cela passe aussi à l’oral.

Amélie Blanckaert : C’est un vrai travail de Cistercien. Il faut que le texte soit fait pour être dit et pas seulement pour être lu. Lire un texte dans un théâtre par exemple, ça n’a rien à voir avec dire un discours. Dire un discours, il faut donner le sentiment que l’on n’est pas tributaire de son texte. D’ailleurs, vous ne distribuez jamais le discours juste après. Parfois on vous le demande, comme par exemple pour un discours de Légion d’honneur. Pour un dirigeant, on va demander parfois le texte, mais c’est très rare.

Le texte n’est là que pour nous aider, poser notre pensée et clarifier notre propos. Mais ensuite, cela ne suffit pas. Il y a donc d’abord un travail de réflexion : qu’est-ce que je veux dire ? Ensuite de trouver les mots et les arguments justes. Puis de faire ce que les Latins appelaient l’action, c’est-à-dire l’acte de dire. La parole n’a de sens que quand elle est encore une fois incarnée et qu’elle vous ressemble.

Si j’ai l’impression que vous récitez un texte, votre discours ne va pas me toucher. Il ne va pas m’atteindre. J’aurais même l’impression que vous vous moquez de moi parce que ça ne va pas avoir l’air d’être vrai. Et c’est cela qui est tout le travail difficile du fait d’écrire pour un autre, d’écrire à sa place en quelque sorte, tout en étant le plus proche possible de l’autre et en favorisant cette appropriation qui est vitale. Comme pour votre veste par exemple où l’on ne voit pas les coutures. Donc, il ne faut pas voir ce travail.

Ce travail est essentiel mais je ne dois pas le sentir en tant qu’auditeur.

Dans votre livre, « Votre parole vaut de l’or », vous puissiez dans 3000 ans d’art oratoire, dans les coulisses des grands orateurs pour livrer des secrets d’éloquence. Alors quels sont ces secrets et quels conseils au quotidien donneriez-vous aux personnes qui nous écoutent ?

Amélie Blanckaert : L’éloquence est vieille comme Hérode. Comme le dit Montaigne, nous nous définissons en tant qu’homme parce que nous parlons. On n’a rien inventé de mieux que la parole pour se dire les choses. Il faut revenir à ça parce que parfois on perd cette idée et on cherche des choses compliquées alors que finalement, c’est très simple. Il faut dire, il faut formuler, c’est la première chose. 

Ensuite, pourquoi avoir puisé dans cette histoire ? C’est parce qu’évidemment, parler de mon cas personnel n’a pas beaucoup d’intérêt et ce qui m’intéressait, c’était de savoir comment de Gaulle préparait ses discours, en apprenant par cœur par exemple. Comment Simone Veil retravaillait ses textes comme ce fameux texte où elle va tenir un discours difficile devant l’Assemblée Nationale pour la loi Veil en 1975 pour permettre aux femmes d’avorter.

En puisant dans 3 000 ans d’histoire, vous voyez ainsi comment des gens vont préparer leurs textes de façon différente.

Alors quels conseils au quotidien ? Ce qui nous intéresse, c’est effectivement comment on peut s’approprier cette matière très érudite.

Je n’ai pas voulu écrire une histoire de la rhétorique destinée à des chercheurs. J’ai voulu m’adresser à tout un chacun, aussi bien des dirigeants que des étudiants, que n’importe quel salarié et toute personne qui veut parler.

Quel conseil donner ? Il y en a foison ! Mais parmi les plus élémentaires, je crois déjà que souvent la parole est trop longue. On se dilue, on se perd. Donc le fait de se dire, avant de parler à quelqu’un, qu’est-ce que j’ai envie de lui dire et de prendre ce temps de réflexion en assumant la frustration de ne pas tout dire, c’est très important.

Bref, souvent on parle trop, on veut trop en dire et résultat, on brouille les pistes et on se perd soit même.

On dit souvent que quand on parle trop, on s’écoute un peu trop soi-même !

Amélie Blanckaert: Exactement. Ensuite, le deuxième conseil, c’est l’art d’écouter ! On perd de plus en plus cet art d’écouter parce qu’avec l’air des réseaux sociaux, on veut être les premiers à réagir, les premiers à liker, les premiers à dire. On a parfois une réaction trop directe, trop émotive et qui manque de patience et d’écoute.

Je pense que, avant de dire « j’aime – j’aime pas », avant de dire « je suis d’accord – je ne suis pas d’accord avec vous », il faut que je prenne le temps de vous écouter.

Et vous savez comme moi, qu’une bonne écoute nous permet d’apporter une bonne solution. C’est ce que l’on apprend déjà à l’école quand on vous dit « lisez bien la consigne » et souvent l’élève se trompe parce qu’il ne lit pas la consigne. C’est pareil à l’oral. 

Si je vous écoute bien, je vais d’abord savoir où vous voulez en venir. Ensuite, si je n’ai pas eu le temps de préparer cet entretien, en écoutant bien, je sauve la situation parce que je suis concentrée sur votre demande et donc je peux répondre à votre attente parce que j’écoute.

Et puis surtout, c’est une marque de politesse essentielle. On évite ainsi la réaction trop rapide ou ce qu’on appelle le dialogue de sourd.

Je dirais que 99% des problèmes entre les gens sont liés à des problèmes de communication. On ne s’écoute pas assez. Résultat, il y a une série de mots qui volent dans la pièce mais on ne parle pas le même langage. Mon but, c’est de parler votre langage pour aboutir, soit à une solution, soit à un accord, soit à un échange constructif et intéressant.

Donc, faites court, écoutez plus et troisièmement, ne cherchez pas la perfection !

Parfois, on n’a pas les mots mais ce n’est pas grave. L’idée, bien sûr, est d’avoir le mot juste et pour cela, il faut lire, ne jamais hésiter à demander la signification d’un mot, chercher dans un dictionnaire. Mais quand le mot n’est pas parfait, si derrière, il y a de l’énergie, si je ne parle pas trop vite, si je suis capable de me corriger en disant « ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire », alors là, je suis dans la bonne direction.

Autrement dit, je n’ai pas besoin d’avoir fait une agrégation de lettres pour savoir m’exprimer. Il faut parler lentement pour aller jusqu’à son cerveau et pouvoir trouver les mots les plus simples. Il faut aussi simplifier d’ailleurs son vocabulaire. Attention à ne pas être trop jargonneux, pas trop technique, pas trop conceptuel. Les mots les plus simples sont souvent les meilleurs.

Donc, vous voyez, faire court, savoir écouter, simplifier, c’est beaucoup de bon sens. La communication et le dialogue, c’est beaucoup du bon sens. Donc il faut revenir à ça.

Parler lentement, cela permet-il aussi de retenir plus l’attention de l’autre ?

Amélie Blanckaert : Oui absolument. Je crois que quand vous parlez lentement, vous suspendez l’autre à vos lèvres qui attend la suite. Au lieu de le dégoûter, vous le faites patienter. 

On parle aussi de l’importance des silences qui sont finalement peu utilisés !

Amélie Blanckaert : Absolument, j’adore les silences. D’ailleurs, je suis en train de travailler sur un prochain livre qui est sur la puissance du silence. Je crois beaucoup dans le silence comme étant un allié pour ne pas dire d’ineptie, pour éviter cette espèce de mauvaise herbe dans un gazon mal taillé.

Quand on entend beaucoup de « heu » dans une phrase, c’est que l’on parle trop vite. Lorsque vous parlez lentement, vous allez remplacer ce petit râle qui n’a pas de sens par un silence qui permet à l’autre de digérer, en même temps qu’à vous de trouver les bons mots.

Donc finalement, c’est un allié pour les deux partenaires, pour les deux interlocuteurs et plus s’il y a effectivement un groupe.

Puis cela permet de maîtriser ses émotions parce qu’il ne faut pas oublier que parler, ça fait peur. L’essentiel des gens ont peur de parler en public aussi cultivé soit-on, aussi érudit ou diplômé.

C’est toujours un enjeu de parler parce que l’on est regardé comme un lapin pris dans les phares sur la route en pleine nuit. Tout à coup, on sent ces regards et on peut perdre ses moyens. Donc, le fait de parler lentement a de multiples avantages comme celui d’improviser, de garder son calme, d’avoir aussi une meilleure diction.

Si vous parlez trop vite, vous mangez les mots. Le silence est un stratège et un allié redoutable. Il ne faut pas le négliger. On n’y pense pas beaucoup, on en a même peur, mais à tort.

Le regard est-il aussi important pour l’éloquence ?

Amélie Blanckaert : Oui, parce que c’est une deuxième forme de lien. Qu’est-ce qui nous lie ? Évidemment, ce sont les mots qui vont circuler entre nous, mais c’est aussi le fait que je vous regarde. Et en particulier en Occident, le fait de vous regarder, c’est une marque de déférence, une marque de politesse. C’est aussi une marque de courage ; cela veut dire que j’assume ce que je dis et donc je vous le dis en face, les yeux dans les yeux. 

Donc c’est très important mais après, c’est troublant. Donc moi, je ne regarde pas votre pupille, je regarde dans cette zone qui est entre le regard et la bouche, ce qui me permet de ne pas être troublée par votre regard.

On dit de regarder les sourcils aussi.

Amélie Blanckaert : Cela dépend parce qu’il ne faut pas regarder trop haut non plus sinon vous verrez que je ne vous vois pas. Moi, j’ai un énorme avantage, c’est que je suis myope et que vous êtes flou. Donc vous me faites moins peur.

Alors si on en revient aux assistantes de dirigeants, de leur niveau de poste très stratégique et de l’art de la diplomatie qu’elles exercent habilement, quels conseils pourriez-vous leur donner dans le cadre de leur fonction.

Amélie Blanckaert : Effectivement, on ne peut pas travailler avec un dirigeant sans travailler avec son assistante parce que c’est son bras droit, c’est un pilier, c’est un sésame. Je travaille tous les jours avec des assistantes de direction. Elles ont le sens de la diplomatie et beaucoup d’autres qualités. Elles savent, du point de vue de la parole, parler et se taire et c’est un subtil équilibre à trouver qui n’est pas simple, qui est aussi mon métier : savoir dire les choses et savoir se taire au bon moment.

J’ai eu la chance récemment de travailler avec une assistante, qui est membre de ce club et nous avons retravaillé ensemble un discours pour une assemblée générale. Et ce qui était intéressant, c’est qu’ensemble, nous avons travaillé à simplifier le propos ; c’est-à-dire que je crois qu’un des grands défis du dirigeant, c’est d’être compris.

Nous sommes en quelque sorte des traducteurs d’intelligence et tout le sujet, c’est de vérifier que les choses soient dites avec simplicité, avec efficacité, avec une dimension aussi orale et non pas déconnectée.

Donc, il y a un vrai travail de simplification du propos, de clarification du propos, et pour vous donner ce cas concret, le vrai travail que l’on a fait était de couper les phrases. Parce que les phrases trop longues, personne ne les comprend. C’était de s’adapter aux attentes du public. 

Qu’est-ce qu’on attend d’un discours de dirigeant lors d’une assemblée générale ? Il faut toujours se poser la question de l’auditoire.  

Et aussi, de commencer toujours par la conclusion ! 

Pourquoi ? Parce que c’est au début que les gens écoutent. Donc, dans les premières secondes, il faut dire l’essentiel parce que plus les minutes s’égrènent, moins on écoute un patron. On devrait l’écouter tout au long mais la réalité, c’est que l’attention décroît et elle décroît de plus en plus. Donc il faut toujours commencer par l’essentiel et ne pas réserver l’essentiel pour la fin, contrairement à ce que l’on a tous appris à l’école où l’on va vers une pensée de plus en plus élaborée.

Non ! À l’oral, il faut tout de suite frapper fort. Ça, c’est vraiment une conviction forte et je pense que les assistantes ont un rôle clé à jouer en relisant parfois les discours avec le direcab ou avec le chefcab par exemple. Mais il n’y en a pas toujours et parfois il y a tellement de textes à revoir que finalement, évidemment, elles sont parties prenantes de cette parole du dirigeant et de ses communications écrites.

Donc ce travail de simplification, ce travail d’appeler un chat un chat, ce travail d’élégance et de justesse du propos, c’est aussi le leur. Il faut donc se mettre à la place de l’auditoire en se demandant, qu’est-ce qui les intéresse et aider un patron à simplifier son propos. C’est essentiel et c’est un conseil que je peux leur donner parmi bien d’autres.

Comment les aider aussi à gérer du stress par exemple ? Par un travail de respiration ?

On en revient au fait de ralentir. Érasme, qui était un des grands humanistes du 16e siècle, avait cette phrase (Les Adages) que j’aime beaucoup ; « Hâtetoi lentement » (Festina lente).

Ce qui est une contradiction dans les termes. Il disait, ne va pas trop vite même si tu parles peu. En gros, même quand on a une minute, il faut prendre son temps. C’est un très bon moyen de gérer ses émotions.

Deuxièmement, oui, respirer avant, surtout si c’est pour dire quelque chose de difficile. Parce que c’est aussi difficile parfois de dire quelque chose à un dirigeant. Difficile, parce que ce sont souvent des gens très impressionnants. Difficile, parce que l’on va parler parfois au détour d’une porte.

Donc être bon à chaque instant, au détour d’une porte, ce n’est pas simple parce que, par définition, un dirigeant n’a pas le temps. Et donc, ma recommandation est de commencer par la conclusion ; 

On pose tout de suite le problème et après, on explique le contexte que plutôt l’inverse

Amélie Blanckaert : Exactement. En fait, très souvent, on commence par les préliminaires et à la fin, on arrive à la recommandation. Il faut inverser la logique. Et il vaut mieux d’ailleurs choquer, surprendre, plutôt que de se faire interrompre et que le problème ne soit pas entendu.

Et il y a une chose dont on n’a pas parlé, c’est que l’on peut se tromper. Cela veut dire que parfois, je vais bafouiller, donc là, je respire un grand coup et je vais employer un autre mot. 

Donc ne pas avoir peur d’être direct et de se corriger si on sent que soi-même, tout à coup, on est sujet à l’émotion.

Il y a aussi une autre technique que j’aime beaucoup, c’est la stratégie des sous-titres. C’est, par exemple, de dire ; « écoutez, il faut que je vous dise quelque chose qui n’est pas facile à dire ». Je nomme la difficulté comme on va sous-titrer un film pour clarifier la langue. Là, je nomme ma difficulté et parfois, le fait d’avouer cette difficulté nous aide à être davantage écoutée. Et finalement, cela nous sécurise comme une béquille. C’est un aveu de sincérité.

Le grand problème des dirigeants, c’est que très souvent, on ne leur parle pas normalement. On ne leur dit pas les choses. L’information ne remonte pas au 12e étage et il ne redescend pas si facilement d’ailleurs. Donc le rôle des assistantes qui entourent le dirigeant, c’est justement de faire remonter l’information telle qu’elle devrait être dite et aussi de la faire redescendre.

Je crois que cette franchise est nécessaire mais elle n’est pas simple. Il y aurait plein de contre-exemples, de gens qui disent qu’ils ne peuvent pas lui dire ça comme ça. Il faut oser parce que l’on sera surpris de la récompense qu’il y a derrière. Et très souvent, un patron va vous dire, merci de me le dire.

Je vous donne un cas : Marcel BleusteinBlanchet, qui était le patron de Publicis, écoute la première intervention de Gaulle et il trouve qu’il est catastrophique. Il ose écrire au général de Gaulle en disant ; mon général, il faut que je vous dise que vous avez été catastrophique ! Il emploie un terme très fort. De Gaulle le reçoit et BleusteinBlanchet va expliquer pourquoi il soutient une parole aussi franche. Il va dire ; voilà, vous parliez aux Français comme si vous faisiez un discours de tribun alors qu’à la télévision, on parle aux Français les yeux dans les yeux. Et en sortant, justement entre deux portes comme c’est souvent le cas avec un dirigeant et un conseiller ou une assistante, de Gaulle lui sert la main et lui dit : « merci BleusteinBlanchet de m’avoir dit les choses, je n’oublierai pas ». 

Les gens intelligents sont capables d’entendre la vérité même s’il y a toujours des exceptions. Si c’est dit avec tact mais aussi de façon directe, puisqu’on a peu de temps, je crois qu’il y a une vraie reconnaissance et une estime des gens pour ceux qui les conseillent lorsqu’ils sont capables de ne pas être dans la langue de bois, de ne pas être dans le non-dit.

Est-ce que les techniques d’éloquence sont les mêmes en visio qu’en face à face ?

Amélie Blanckaert : Alors cela n’appelle pas la même préparation : je crois que les échanges par teams par exemple appelle une surpréparation et aussi d’autres outils. C’est-à-dire qu’il faut faire très attention au cadre, qu’il ne faut pas oublier de se tenir droit, qu’il faut avoir une parole encore plus brève, parce que c’est très difficile de s’interrompre et d’avoir une spontanéité des échanges.

Il faut aussi demander à ce que les gens mettent leur caméra, quand c’est possible, parce que, en voyant l’autre, j’arrive à mieux dialoguer…

Il n’y a rien de mieux que le face à face. Mon entreprise s’appelait Coup de plume et j’ai changé de nom pendant le covid. Je l’ai appelé Bureau 121 (one to one) parce que le bureau, c’est le lieu aujourd’hui où l’on se parle, pas seulement où on travaille. Mais le lieu où l’on va se rassembler…

Donc, à distance, il faut être à mon avis très préparé, encore peut-être plus que lorsque l’on échange en face à face. Et il faut des réunions encore plus courtes parce qu’il y a une lassitude et une fatigue qui est plus forte. Je crois aussi que les réunions où il y a 200 personnes, ça ne marche pas du tout. Il faut des réunions avec moins de personnes sinon les gens ne parlent pas et cela crée beaucoup de frustration de la part de l’auditoire…

De plus, le discours monolithique du dirigeant pendant 30 minutes, ça ne marche plus en situation de face à face et ça marche encore moins à distance. Donc, vous le voyez, la communication a changé. On veut des échanges plus directs, plus péchus avec des patrons qui savent aussi dire parfois « je ne sais pas »… 

Je conseille même à certains dirigeants de faire des choses sur TikTok. Alors non pas pour danser mais pour avoir des formules très brèves, en trois minutes. On peut dire des choses très intelligentes aussi sur ces nouveaux canaux. Donc il faut explorer et ne pas être obtus.

Il ne faut pas rester dans un seul mode de communication parce que vos salariés ont des âges différents. Ils évoluent avec leur temps. Donc un patron qui serait figé dans le formol, ça ne marche pas.

Et comme vous le savez, ce n’est pas l’autorité qui fait le charisme et de moins en moins ; c’est la façon dont on va créer de la proximité avec ses équipes, dont on va les inspirer, dont on va leur donner du sens et dont on va savoir dialoguer avec elle qui fait que l’on va être aujourd’hui un vrai leader charismatique.

Il faut sans cesse être en alerte et se réinventer.

Brice Girod : Très belle conclusion. Merci beaucoup Amélie Blanckaert de cet échange et surtout de ces éclairages avec une parole effectivement qui vaut de l’or ;))

Votre parole vaut de l'or, d'Amélie Blanckaert
Votre parole vaut de l’or, d’Amélie Blanckaert

LA BIO

Amélie Blanckaert a été plume auprès de Serge Papin, Carlos Ghosn ,Catherine Guillouard ou encore de Carlos Tavares.

Diplômé de HEC, Normalienne, agrégée de Lettres modernes, ancienne auditrice de l’IHEDN, elle est fondatrice et CEO de Bureau 121une agence de conviction qui conseille et accompagne des dirigeants et leurs équipes dans des secteurs stratégiques (industrie, finance, agro-alimentaire, luxe, etc.) en France et à l’international pour élaborer avec eux leur stratégie de communication et leur donner tous les outils pour convaincre.

Amélie est également administrateur du groupe Pierre & Vacances et de la Fondation Alcen sur les énergies renouvelables et colonel réserviste de l’Armée de l’air.

Interview réalisée par Brice GIROD, Directeur des programmes – Agora Managers Groupe.

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