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La voiture de demain

Retex de Pascal CANDAU, VP Expert Fellow à l’ingénierie chez RENAULT GROUP.

De la course au volume à la création de valeur 

Renault Group dévoile une stratégie ambitieuse de transformation dite “Renaulution” avec un nouveau plan stratégique en trois phases, qui doit passer pour la marque au losange de la course au volume à la création de valeur. 

Pascal CANDAU, en quelques mots, votre parcours ?

Je vais citer juste quelques postes occupés chez Renault. J’ai été l’assistant de Louis Schweitzer à une époque où il présidait aux destinées de Renault. J’ai été patron de l’ingénierie en Roumanie. Et maintenant, je suis Expert Fellow.

Qu’est-ce qu’un expert fellow chez Renault ?

Mon rôle est de m’occuper du réseau des experts qui a une cinquantaine d’experts leaders qui eux-mêmes encadrent un réseau de 250 experts. Et ils réfléchissent à la voiture de demain. Les sujets stratégiques pour Renault aujourd’hui, c’est la décarbonation. On a des experts décarbonation, batteries, moteur électrique, etc.  Tous nos sujets estimés stratégiques ont un expert qui réfléchit au futur et qui fait des propositions parfois directement à Luca de Meo (Directeur général de Renault Groupe), trois fois par an lors de nos stratégiques roadmaps.

Quelles sont les grandes lignes de ce plan que Luca de Meo appelle la Renaulution ?

Après l’étape de résurrection qui est l’étape actuelle et qui donne déjà des fruits puisqu’il est sorti un certain nombre de nos véhicules dont la Megane E-TECH, dont on parle beaucoup. Il y aura une étape de rénovation qui va consister à enrichir notre gamme. Je pense à la futur Renault 5 électrique. La troisième étape sera la révolution à base de technologie, à base de mobilité. On a présenté hier notre marque Mobilize avec les ambitions de cette marque. 

Le tout électrique, c’est pour quand ?

Nous avons annoncé que nous vendrons 100 % des véhicules électriques en 2030, donc nous sommes sur cette route-là qui est une route exigeante. On a besoin d’électricité décarbonée parce que sans elle, ça ne sert à rien d’avoir des véhicules électriques. Donc il y a deux grandes choses qui reviennent aux états, notamment pour la mise en place de bornes de recharge, et à nos partenaires (EDF) pour la décarbonation de la production de l’énergie électrique. Il faut savoir que le co2 qui part dans l’air, c’est 25% du co2 qui est produit pour faire de l’électricité et l’automobile représente 10% du co2. Donc si on ne décarbone pas l’électricité, on n’aura pas fait tout le chemin qu’on doit faire.

Comment travaillez-vous sur le coût à l’achat d’un véhicule électrique qui reste cher ?

Une grosse partie du coût du véhicule électrique est la batterie. On travaille énormément sur ce sujet à la fois pour trouver des batteries dont les capacités sont améliorées mais qui sont aussi moins chers. Sachant qu’une batterie contribue aussi à la carbonation puisqu’il faut pratiquement autant d’énergie pour fabriquer la batterie que tout le reste du véhicule. 

Un des moyens est la réintégration en Europe et singulièrement en France de la fabrication des batteries qui va nous permettre de tenir nos objectifs en matière de décarbonation au global de nos véhicules. Cela nous permettra d’économiser le co2 produit lors du transport d’une batterie qui pèse entre 400 et 600 kilos et qui venait de Chine.

La voiture de demain est-elle une voiture recycable ?

Absolument, parce qu’il y a une rareté des matériaux, que le prix du lithium explose. Donc il faut que l’on apprenne à recycler le lithium. A l’horizon 2030, on voudrait que 33% des véhicules soient fabriqués à partir de matériaux recyclés ; du plastique, de l’acier, du lithium, du cobalt recyclés, etc. Pour cela, on a transformé en partie notre usine de Flins avec la Re-Factory (première usine européenne d’économie circulaire consacrée à la mobilité) dans laquelle on recycle déjà nos véhicules usagés pour les remettre à neuf, refurbished pour utiliser le terme anglais. 

L’hydrogène, vous y réfléchissez ?

Il y a deux problèmes pour l’hydrogène : d’abord ce n’est pas une énergie primaire. On peut fabriquer de l’hydrogène à partir de pétrole ou d’électricité mais cela nous ramène aux problèmes précédents. Et il faut trois fois plus d’énergie pour produire l’équivalent en hydrogène de l’électricité que l’on met dans nos batterie. Ça, c’est le premier problème.

Le deuxième est de le stocker. L’hydrogène dans une voiture, il faut le comprimer à 700 bars. Cela veut dire qu’il faut le mettre dans des bonbonnes assez épaisses et que c’est compliqué à placer dans un petit véhicule.

En revanche, on croit à l’hydrogène et on propose d’ores et déjà une gamme de véhicules utilitaires avec ces bonbonnes d’hydrogène et la pile à combustible qui est absolument nécessaire parce que c’est ce dispositif-là qui va convertir l’hydrogène en électricité.

Le véhicule autonome n’existe pas

Le véhicule autonome, c’est pour quand ?

Déjà, les voitures peuvent communiquer entre elles, avec les infrastructures. Votre téléphone vous permet par exemple de prêter à distance votre voiture, de vous faire livrer vos courses dans votre voiture en permettant aux livreurs d’ouvrir votre coffre. Bref, toute chose qui nécessite que nos voitures soient connectés.

Dans un véhicule, il y a 100 millions de lignes de code, c’est à peu près 4 à 5 fois plus que ce qu’il y a dans un avions de chasse. Avec la voiture autonome, cela va doubler. Donc ce n’est pas pour tout de suite. Un véhicule autonome aujourd’hui est incapable de traverser la Place de l’Etoile à Paris.

L’autonomie, il faut l’associer à ce qu’on appelle un projet de mission. Donc on pense que l’autonomie sera possible sur des missions bien établies ou sur des routes relativement protégées.

Dans un véhicule autonome, la responsabilité de l’accident n’est pas sur le conducteur mais sur le constructeur. Aujourd’hui, si vous avez un accident, même en utilisant les Advanced Driver Assistance Systems (ADAS), c’est votre responsabilité qui est engagée. Quand un véhicule sera autonome, ce sera celle du constructeur. Donc on ne peut pas mettre dans les mains de nos clients autre chose qu’un produit qui soit complètement parfait.

On peut peut-être envisager un véhicule autonome sur le transport de biens, chose sur laquelle on réfléchit ainsi que pour les navettes autonomes dans des profils de missions dédiées ou sur des routes réservées. On travaille dessus avec des partenaires.

Ensuite, l’autonome, cela reste cher aujourd’hui.

La voiture de demain est celle dont on n’est plus propriétaire ?

La vision de renault, c’est qu’il va se développer un marché de véhicules partagés et c’est pour cette raison que l’on a la marque Mobilize. On aura de moins en moins d’automobilistes et de plus en plus de mobilistes, de gens qui utiliseront des moyens de mobilité quels qu’ils soient.

Donc on conçoit des véhicules qui sont adaptés à cette mobilité partagée. Puis on pense dans un premier temps s’adresser aux VTC, à des entrepreneurs qui exploitent des flottes et qui permettent cette mobilité. Mais Renault regarde à l’échelle du monde et on a ce qu’il faut pour ça. On a une marque qui marche très bien mondialement qui est la marque Dacia et donc on ne pense pas que c’est la fin de l’automobile personnelle.

On pense que peut-être c’est la fin d’un certain type d’automobile, en tout cas en Europe qui est un précurseur. Ce challenge de mobilité écologique est pour nous l’occasion de nous remettre en question et de faire des avancées technologiques certaines qui serviront pour tous les véhicules en Europe mais aussi ailleurs. Aujourd’hui par exemple, on fabrique en Chine, la Dacia Sprint qui est le véhicule électrique le moins cher que vous puissiez trouver en Europe pour accéder à l’électromobilité à 15 000 euros.

Comment voyez-vous la voiture de demain ?

La maison mobile, électrique, autonome, qui permet de voyager en sécurité et en économie. Une mobilité presque invisible.

Interview réalisé par Brice Girod, Directeur des programmes d’Agora Managers.

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