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Avoir confiance en soi et savoir valoriser l’échec

Charles Pépin

Charles Pépin, écrivain et philosophe, l’un des auteurs français de sciences humaines les plus traduits dans le monde, s’inspire de deux ses oeuvres « La confiance en soi » et Les vertus de l’échec »* pour nous offrir un chemin pour avoir davantage confiance en nous et changer de regard sur l’échec.

Toute confiance s’articule autour de trois dimensions : une dimension que l’on pourrait dire technique, la compétence, une dimension relationnelle, humaine et une dimension mystique.

Brice Girod : Comment définissez-vous la confiance en soi ? Est-ce que la confiance en soi est quelque chose de relatif ?

Charles Pépin : Je définis la confiance en soi comme une confiance en autre chose que soi. C’est-à-dire une confiance en la vie, une confiance en l’action, une confiance en les autres, une confiance en la collaboration, une confiance en la chance. Et parmi tout cela, il y a de la confiance en soi, au sens de son égo ou de sa compétence.

Mais déjà, le projet de définition, c’est d’ouvrir la définition de la confiance pour qu’elle soit plus mystérieuse, plus relationnelle et élargie, et qu’elle soit moins focalisée sur la stricte compétence.

Parce que, évidemment, la principale erreur est de penser que la compétence suffit à faire la confiance.

Étant prof de philo depuis plus de 25 ans, je peux vous dire que j’en ai vu des élèves compétents et non confiants. Ça, c’est la première idée.

Du coup, par rapport à votre question, est-ce que la confiance est relative ? Oui, elle est relative à tout ce que je viens de dire, c’est-à-dire aux relations que l’on a avec les gens avec qui on travaille, à l’environnement, à l’actualité, à ce qui n’est finalement pas permanent. Et d’ailleurs, il n’y a pas grand-chose de permanent dans une vie humaine. Qu’est-ce que l’ego ? C’est quoi le moi ? Tout cela est très changeant, très mobile.

Donc, toute ma philosophie dans ce livre « La confiance en soi », c’est de montrer que si l’on veut avoir davantage confiance, il faut travailler dans trois directions :

Une direction de compétences évidemment puisque l’incompétence, ce n’est pas bien !

Une direction relationnelle. Cultivez les bons liens !

Et une dimension d’amour de la vie, de l’art, de la nature.

Toute confiance s’articule de ces trois dimensions : une dimension que l’on pourrait dire technique, la compétence, une dimension relationnelle, humaine et une dimension mystique.

Il y a, quand l’autre me met en confiance, et quand l’autre me fait confiance. Ce sont deux sous-parties de la confiance relationnelle et souvent on confond les deux.

Brice Girod : La confiance passe donc aussi par l’autre et non pas que par soi-même !

Charles Pépin : c’est le moins que l’on puisse dire. Elle passe surtout par l’autre. D’ailleurs, on peut refaire l’histoire de la vie humaine. Au début, quand vous êtes un bébé et que vous allez prendre confiance en vous, alors que vous êtes dépendant, vulnérable, incapable de survivre seul, vous n’allez pas prendre confiance en vous tout seul. Vous n’allez pas avoir confiance en vos ressources. Vous allez d’abord être sécurisé par les autres. C’est cela une vie humaine. Donc la confiance, elle est d’abord donnée par les autres qui nous sécurisent. 

C’est central, et c’est évidemment comme cela que l’on casse l’idée d’une confiance en soi qui serait autocentrée !

Et quand on dit que la confiance est donnée par les autres, c’est très important pour des situations professionnelles, de management, de délégation. Mais là, il faut bien comprendre qu’il y a deux choses différentes.

Il y a, quand l’autre me met en confiance, et quand l’autre me fait confiance. Ce sont deux sous-parties de la confiance relationnelle et souvent on confond les deux.

Donc, si vous êtes manager et que vous mettez en confiance un collaborateur, dans ce cas-là, vous le sécurisez. Vous êtes pédagogue, vous êtes doux, vous lui reconnaissez le droit à l’erreur, etc.

Mais quand vous lui faites confiance, c’est autre chose ! Vous lui confiez une mission, une responsabilité. Et il faut les deux. 

Le problème, c’est dans quel dosage ? En fait, il faut d’abord mettre en confiance et après faire confiance.

Du coup, on va avoir plusieurs écueils. Soit je mets beaucoup en confiance mais je ne fais pas confiance, je n’arrive pas à déléguer. 

Soit je fais beaucoup confiance, mais je n’ai pas suffisamment mis en confiance au préalable.

Soit je dysfonctionne des deux côtés, je ne mets pas en confiance et je ne fais pas confiance.

On appelle cela la confiance relationnelle, et pour le dire d’une phrase un peu choc, on pourrait dire que la confiance est déposée en moi par autrui. Et après, je ferai pareil avec d’autres gens. 

C’est-à-dire que la confiance est un cadeau que nous nous donnons les uns aux autres, un peu comme un passage de relais.

Ensuite, évidemment, il va y avoir une dimension intérieure de compétences ou d’égo. Mais cela va être secondaire. Secondaire chronologiquement et secondaire en importance. Parce que nous sommes d’abord des animaux sociaux, des êtres de relation. Et ce qui nous met en confiance, c’est d’abord la qualité des relations.

Lorsque les psys parlent de cela, ils sont très clairs. 

Ils voient des gens sur leur divan dont on leur dit qu’ils manquent de confiance en eux. Ils comprennent qu’en fait, ils manquent de confiance en les autres, parce qu’ils ont eu des parents dysfonctionnels, parce qu’ils ont une enfance maltraitée et parce que ce qui a été sapé avant tout, c’est la confiance dans les autres. Et la conséquence, c’est qu’ils n’ont pas confiance en eux.

Cela veut dire qu’au fond, lorsque je n’ai pas confiance en moi, j’ai d’abord un problème dans la relation aux autres.

Brice Girod : Est-ce que l’on a besoin aussi d’une forme de narcissisme pour avoir confiance en soi ?

Charles Pépin : Deux choses. D’abord, toute ma thèse est une invitation à sortir du narcissisme et du rapport autocentré à soi. À partir du moment où je dis que la confiance vient des autres, de la vie, de la beauté du monde, elle ne vient pas d’abord de moi. C’est le premier point.

Il faut d’abord casser l’idée que la confiance en soi serait une confiance en soi, c’est-à-dire que j’aurai au fond de moi, un merveilleux noyau, un égo sublime. il faut d’abord casser cette idée tout simplement parce qu’elle est fausse. Au fond de vous, il n’y a pas un endroit où il y a un noyau qui serait votre ego. Il y a un foie, des poumons, des neurones, il y a plein de choses. C’est hétérogène, c’est hétéroclite et c’est changeant. Cela ne veut rien dire, la confiance en soi.

Une fois cela posé, il y a quand même autre chose. C’est que, en effet, je vais conquérir, avec le temps, une confiance en moi pour le coup, mon expérience, mon expertise, mon intuition grâce à une pratique. C’est le résultat d’une pratique, d’une conquête, d’une expertise. Ce n’est pas quelque chose d’inné. 

Je combats tous ceux qui prétendent qu’au début, on a une confiance en soi et que les autres vont nous faire perdre cette confiance initiale.

Pas du tout. Le bébé n’a pas confiance en lui. Il est, comme le disait Freud, dans un état de détresse infantile, d’insécurité totale. Ce qui va le sécuriser, ce sont les autres.

Et c’est ce que l’on vit dans le monde professionnel. On est d’abord sécurisé par la qualité des relations. Toutes les études sur le bonheur au travail montrent que le premier critère du bonheur au travail, c’est la qualité des relations que l’on a quotidiennement avec nos collègues. 

Brice Girod : Comment peut-on cultiver une confiance en soi professionnelle si le management n’est pas bienveillant ?

Charles Pépin : C’est évidemment un problème. Dans mon approche, il y a trois dimensions.

Si la dimension professionnelle est problématique, avec un n+1 manipulateur ou tyrannique, il faut trancher ce lien et cultiver d’autres liens avec d’autres collaborateurs. Si cela n’est pas possible, il va y avoir les deux autres champs de la confiance : le rapport à la compétence et la confiance en la vie, c’est-à-dire, tout ce qui me donne confiance, les plaisirs, les hobbies et qui n’est pas le monde du travail.

Si ces deux autres éléments ne suffisent pas, il faut que je m’en aille. Dans ce cas, il n’y a pas d’autres choix et il va falloir essayer de trancher les liens toxiques.

Je vous rappelle que le secret de la confiance, c’est de cultiver les bons liens. Et pour cultiver les bons liens, il faut aussi parfois savoir trancher les mauvais liens.

Brice Girod : Quelles actions conseillerez-vous à un DRH pour augmenter cette confiance des collaborateurs ?

Charles Pépin : Je conseillerais déjà à ces DRH d’avoir des systèmes d’évaluation où les soft skills sont évalués. On pourrait aussi évaluer la capacité à mettre en confiance les autres, la capacité à recevoir la confiance, la capacité à faire des feedbacks. Toutes ces compétences relationnelles sont un peu évaluées maintenant, mais pas suffisamment.

Deuxième axe, je dirais à ce DRH ou à cette DRH quelque chose dont je n’ai pas encore parlé, c’est que ce qui donne confiance, c’est de progresser. Et la joie que l’on a à se développer dans son métier, elle permet de supporter la pénibilité et bien des contraintes.

Donc le conseil est de bien s’assurer que chacun est à la bonne place. 

Il y a des gens qui sont sous-employés. C’est un des problèmes du capitalisme. Il y a des gens talentueux qui ont fait des super études, qui sont très intelligents, qui sont très cultivés mais ils n’ont pas l’occasion d’exprimer leurs talents  dans leur poste. Alors que peut-être, dans la même entreprise à un autre poste, il y aurait la possibilité de développer leurs talents. C’est un rôle de DRH et évidemment en discussion avec la direction générale.

Troisième conseil, faire attention à ce qu’il n’y ait pas que la compétence austère, il y a le plaisir et la joie. 

Le plaisir, cela veut dire que l’on est bon et la joie, que l’on se développe. Or, dans une culture un peu occidentale, un peu française parfois, on a tendance à associer le compétent à celui qui a une grise mine, très sérieuse, très austère et celui qui sourit, qui prend du plaisir ou qui est joyeux, à un amateur ou un dilettante.

Cela aussi, c’est une mission du DRH de casser ce préjugé.

Aristote disait que lorsque l’on est très bon, on a du plaisir. Spinoza rajoute, quelques siècles après, que la joie est l’accroissement de sa puissance. Autrement dit, quand je progresse, ça met en joie. Cela aussi, il faudrait que les DRH en prennent conscience pour arrêter de valoriser la triste mine et le gris. 

Brice Girod : Quel équilibre une assistante de direction d’un grand dirigeant peut-elle avoir entre, être un peu dans l’ombre et tout de même, avoir une position de leadership dans l’assistanat ?

Charles Pépin : C’est une question que je ne m’étais jamais posé mais elle m’inspire beaucoup.

Déjà, la première mission, c’est de libérer le dirigeant de tâches qui pourraient entraver sa confiance et qui pourrait entraver sa disponibilité d’esprit pour autre chose. C’est hyper important.

Ensuite, il y a une sécurisation quotidienne, c’est à dire une relation qui fait du bien, une relation qui ne doit pas être uniquement de compétences, pleine d’affects aussi et de complicité.

Évidemment, la confiance vient de cet environnement relationnel.

Et puis, être une mémoire. Dans les moments où c’est difficile, rappelez au dirigeant ou à la dirigeante, ne serait-ce que par sa présence mais aussi par ses mots que dans des situations passées, elle s’en est bien sortie alors qu’il y a eu du stress, de la tension comme maintenant.

C’est une façon de décentrer et de déplacer la tension en quelque sorte. Cela peut être son rôle aussi. 

Et puis évidemment, il y a aussi l’humour. L’humour est très important dans la confiance. 

Lorsque l’on rit une fois par jour, on reprend confiance en la vie tout simplement. En fait, la confiance en soi, c’est mal dit. C’est surtout la confiance qui compte, la confiance tout court. Et c’est sûr qu’une bonne blague, une complicité, ça redonne confiance à la vie.

Brice Girod : Lorsque que l’on subit des échecs dans sa sphère professionnelle, comment ne pas altérer sa confiance en soi ?

Charles Pépin : Ce que je vais vous dire est assez contre-intuitif, mais je pense que dans bien des cas, l’échec donne confiance. 

Souvent on est traumatisé par l’échec, surtout quand on se le représente avant de le vivre. 

On a une représentation de l’échec, très négative. On imagine que c’est un placard, l’enfer, un fiasco, une humiliation. D’ailleurs l’étymologie de échec, c’est le roi est mort. 

Mais que constate-t-on souvent ? C’est que l’échec est désagréable, l’échec fait mal dans certains mais dans la plupart des cas, on s’aperçoit que le désir de se relancer revient plus vite que prévu.  Autrement dit, qu’après un moment désagréable, la machine se remet en route.

On fait d’autres hypothèses, d’autres essais, d’autres tentatives.

Cela prouve que finalement, la confiance qu’on a en la vie, en soi et en ses projets, est finalement plus grande qu’on ne le pensait. Elle a finalement mieux résisté à l’expérience de l’échec qu’on ne l’avait imaginé. 

Deuxième point, l’échec nous apprend des choses et quand on a un apprentissage produit par un ratage, cela peut nous mettre en confiance parce qu’on sait qu’il y a une erreur à ne pas refaire. 

Et enfin, il y a une raison de relation humaine. C’est que l’on a parfois la chance lorsque l’on connaît l’échec, d’avoir des gens plus empathiques, d’avoir des relations qui sont rendues plus faciles parce qu’on a tombé le masque. On est moins arrogant, moins suffisant, et ça c’est une belle relation humaine qui va aussi pouvoir nous donner confiance.

Pour toutes ces raisons, j’ai écrit sur les vertus de l’échec avant d’écrire sur la confiance. Si l’on arrive à changer de regard sur l’échec, à comprendre que c’est une expérience alors, il y a de fortes chances que ça nous donne davantage confiance.

Mais attention, il y a des conditions à poser. 

Parfois, l’échec fait vraiment mal. Dans ce cas-là, il faut d’abord qu’il n’y ait pas de déni de l’échec. 

Il faut ensuite qu’il n’y ait pas d’identification à son échec. Ce n’est pas l’échec de mon moi, c’est juste l’échec de mon projet. 

Puis, il faut quand même prendre le temps d’entendre ce que mon échec a à me dire. 

Brice Girod : On dit parfois qu’il ne faut pas commettre deux fois la même erreur ! 

Charles Pépin : Vous avez tout à fait raison. Cela se comprend pour des raisons profondément anthropologiques. Pourquoi échoue-t-on ? Parce que l’on a un instinct naturel assez faible et défaillant. On est des animaux très civilisés et prématurés car on est né très tôt, au bout de neuf mois au lieu de 18 mois en gros, d’après les embryologistes. Donc on n’a pas un bon instinct. C’est pour cela que l’on fait des erreurs et que l’on doit apprendre de nos erreurs.

Du coup, si l’on refait deux fois la même erreur, c’est que l’on n’a pas appris nos erreurs. D’où la phrase que l’on connaît : l’erreur est humaine mais la répéter est diabolique.

Ce qui sape la confiance, c’est lorsque l’on répète le même échec. Mais soyez rassuré, même dans ce cas, ce n’est pas si grave. 

Il y a deux cas différents. Il y a un cas où ce n’est pas si grave parce que l’on n’a pas refait vraiment la même erreur à l’identique. Et si on est attentif, si on observe ce qui s’est passé, on s’est de nouveau planté mais pas exactement pour les mêmes raisons. Dans ce cas, avec un peu d’attention, on s’aperçoit qu’en fait, on n’a pas répété la même erreur.

Puis, l’autre cas, là où c’est pathologique, névrotique, on répète la même erreur, dans le couple, dans le travail… Dans ce cas-là, il faut faire une thérapie, pas simplement écouter un philosophe. 

Il y a des thérapeutes qui montrent que dans la répétition inconsciente d’un scénario d’échec, il y a quelque chose à dénouer, pour pouvoir se relancer.

Brice Girod : Il est donc possible de réussir un échec ?

Charles Pépin : Bien sûr. On peut réussir un échec, au sens où on est plus humble après, au sens où on a bifurqué et trouver une idée plus intéressante, ou alors, au sens où l’on a persévéré dans la même voie. On pourrait d’ailleurs distinguer deux grandes façons de réussir son échec. 

Soit, je retente dans la même voie, riche de l’enseignement du ratage et je finis par réussir dans la même voie.

Soit je change de voie, je change de méthode, je change de chemin.

Dans mon livre, « Les vertus de l’échec », je distingue en premier, la vertu de compétences, de persévérance et la vertu de bifurcation qui est une deuxième vertu. Elle permet en fait de faire autrement et d’aller voir ailleurs. Et c’est deux manières très différentes de réussir son échec.

Et puis, réussir son échec, c’est aussi grandir dans l’humilité, être guéri du fantasme de sa toute puissance et de l’illusion de sa toute puissance. 

Brice Girod : Quelle est votre analyse de la vision négative de l’échec en France par rapport à d’autres pays ? 

Charles Pépin : En France, c’est moins bien vu qu’en Angleterre, aux États-Unis ou dans les pays de l’Europe du Nord. Mais c’est quand même mieux vu qu’au Japon. Tout est relatif.

Il y a une grande responsabilité qui est liée, très probablement, au catholicisme à la différence du protestantisme. 

Le catholicisme parle aux gens de la norme, de la règle, avec le Pape, etc… Alors que les protestants disent à chacun qu’il est libre d’interpréter le texte religieux comme il l’entend. Du coup, cela ouvre un espace mental pour l’échec et pour le tâtonnement qui est plus grand. 

C’est une raison profonde. 

Puis, il y a une raison un peu historique, conjoncturelle qui est l’école. L’école française a été une école de la norme, de l’égalité républicaine. C’est pour cela qu’elle a été une belle école et un ascenseur social incroyable, notamment entre 1870 et 1920. Après cela a moins bien marché. Mais du coup, ça a créé un effet pervers. 

Ce que l’on est habitué à récompenser à l’école, c’est le respect de la norme, le respect de la consigne. Tout cela comme machine à fabriquer de l’égalité. Il fallait que les enfants de boulangers, d’ouvriers et les enfants d’avocats et de juges ou de médecins apprennent les mêmes règles et qu’ils fassent les mêmes belles dissertations en trois parties.

L’effet pervers est que l’on n’encourage pas la singularité mais le respect de la norme et de la consigne. Ce faisant, on n’encourage pas l’échec puisque l’échec, c’est ce que l’on rencontre quand on tente les choses de manière singulière. Mais je vous rassure, tout cela est en train de changer en France. Il y a beaucoup de signes qui annoncent que le regard sur l’échec est en train de changer peu à peu. 

Brice Girod : Et prendre un risque, c’est prendre le risque d’échouer !

Charles Pépin : Il n’y a pas d’autre définition du risque.

Il faut évidemment limiter ce risque en réfléchissant, en anticipant. Mais attention, il faut savoir prendre le risque qui reste, parce qu’il n’y aura jamais de risque zéro. C’est ce qui s’appelle le sens du risque qui n’est pas l’amour du risque. L’amour du risque, c’est l’amour du risque non mesuré, inconsidéré. C’est une sorte de témérité, de folie de têtes brûlées. On ne parle pas de cela ici.

En revanche, on parle de savoir prendre le risque qui reste, une fois que j’ai réduit ce risque. Or dans un pays comme le nôtre, parfois souffrant d’un principe de précaution excessif et de frilosité, je vous rappelle que le Président Jacques Chirac a constitutionnalisé le principe de précaution, il y a un effet pervers important.

On a peur du risque et dans ce cas, au moment où l’on réduit le risque, on croit que l’on va pouvoir le réduire à zéro. L’actualité le montre bien : on n’a pas vu venir le Covid ou l’Ukraine. Et donc, il y aura un échec.

Ce qui va libérer le décisionnaire, c’est l’acceptation de la possibilité de l’échec. Dès que l’on prend un risque en conscience, ce qui va nous libérer, c’est le consentement à la possibilité de l’échec.

Le consentement, de dire que l’échec peut être bon, peut être intéressant. Il peut te faire réussir mieux, plus tard. Il y a plein de gens qui ont beaucoup échoué et qui ont finalement plus réussi. Quand on est dans la moyenne, on échoue peut-être moins mais on réussit moyennement. 

Oser, ça n’est rien d’autre que de causer l’échec !

Charles-Pepin, quelques livres
Charles Pépin, quelques livres

La BIO :

Charles Pépin est philosophe et romancier, né en 1973. Il est diplômé de Sciences-Po Paris, d’HEC et agrégé de philosophie. Il a enseigné la philosophie à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur (Saint Denis) et à Sciences-Po Paris. 

​Il a publié plusieurs essais philosophiques dont Ceci n’est pas un manuel de philosophie (Flammarion, 2010), Quand la beauté nous sauve (Robert Laffont, 2013) et: Les Vertus de l’échec (Allary Éditions, 2016) La Confiance en soi (Allary Éditions, 2018) et La Rencontre (Allary Éditions, 2021).

Il publie également des romans. Son dernier, La Joie (Allary Éditions, 2015) est une variation inspirée de L’Étranger de Camus. 

​Avec Jul, il écrit des bandes dessinées autour de la philosophie et des philosophes. La Planète des sages (Dargaud, deux tomes, 2011 et 2015), Platon La Gaffe (Dargaud, 2013) ou encore 50 nuances de Grecs (Dargaud, deux tomes, 2017 et 2019) qui ont tous été des succès de librairie. 

​Il donne régulièrement des conférences et tient une chronique dans Philosophie Magazine où il répond chaque mois à une interrogation philosophique formulée par un lecteur. Il anime depuis dix ans un séminaire de philosophie ouvert à tous : « Les lundis philos de Charles Pépin » avec l’institut MK2 à Paris. 

​En 2020, il lance un podcast sur Spotify « Charles Pépin : une philosophie pratique ». Chaque semaine, Charles Pépin propose un podcast de 30 minutes sur une question philosophique. 

Il anime également tout l’été sur France Inter, une émission quotidienne de philosophie pratique, existentielle et intime dans laquelle il reçoit une personnalité (chanteur, comédien, philosophe, écrivain, chef, chercheur, sportif …) pour lui poser une question de philosophie.

Il publiera, en septembre prochain, le livre , « Vivre avec son passé ».

Interview réalisée Brice GIROD, Directeur des programmes – Agora Managers Groupe.

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L'Agora des Assistantes de Dirigeants est l'une des 17 communautés d'Agora Managers Clubs, le premier réseau français permettant aux décideurs exerçant la même fonction au sein d'une entreprise de plus de 500 salariés, de créer un lieu permanent d'échanges et de partages d'expériences pour mutualiser leurs compétences et trouver ensemble, les meilleures solutions.
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