SUPPLY CHAIN MANAGEMENT

Supply Chain et Finances : comment aligner prévisions et objectifs

Dana

Retex d’Hervé GALON, Global Lead Material Planning & Logistics chez DANA et Rachel LUCAS, Group Controller Industrial Business de Dana Off-Highway sur une collaboration sans faille entre Supply Chain et Finances afin d’éliminer les obstacles à la rentabilité et à l’efficacité. Et générer du cash flow.

Créer une Supply Chain plus rentable exige une collaboration sans précédent entre la chaîne d’approvisionnement et les Finances. Comme le révélait une étude EY, 48 % des entreprises qui ont noué des relations de « partenariat économique » entre ces deux services ont vu leur excédent brut d’exploitation (EBITDA) augmenter de plus de 5 % au cours de l’exercice précédent.

Présentez-nous le groupe Dana ?

Hervé GALON : Le Groupe Dana a 118 ans d’existence, né aux États-Unis en 1904 et actuellement au 391e rang du Fortune 500. C’est un équipementier automobile de rang 1 qui conçoit et réalise des systèmes de propulsion et de gestion de l’énergie, avec 139 sites dans le monde, 40 000 employés, et un chiffre d’affaires de l’ordre de 10 milliards de dollars sur l’année 2022.

Et Dana Off Highway ?

Hervé GALON : Rachel et moi sommes dans une Business Unit qui s’appelle Off Highway qui concerne plutôt ce qui ne roule pas sur nos routes, mais ailleurs ou même des applications industrielles statiques, par exemple des grues. Nous faisons près de 3 milliards de chiffre d’affaires avec une trentaine d’usines, plus une vingtaine de centres de service configuration clients répartis dans le monde entier. 

Dana Off Highway
Dana – Off Highway

La Supply Chain et les Finances sont deux univers parallèles qui se rencontrent assez peu dans certaines entreprises et puis, dans d’autres, ces fonctions collaborent assez bien. Comment cela se passe-t-il chez Dana ? 

Hervé GALON : Mon meilleur ami, c’est le Directeur financier. Tout simplement parce que nous sommes probablement les deux seuls fonctions qui ont intérêt à avoir les chiffres les plus justes. C’est une chose qui nous relie et qui nous permet de construire cette relation.

Rachel LUCAS : Je partage. Je pense que l’on fait partie d’une entreprise dans laquelle le rôle de la Supply Chain n’a pas à être démontrée. S’il le fallait, les différents problèmes de transport, de boom post-covid avec les shortage, etc, que l’on a pu vivre ont convaincu les derniers qui restaient à convaincre.

Maintenant, effectivement dans l’application de cette communication, il faut qu’on y travaille encore correctement au quotidien, ensemble, parce que l’on a tous intérêt à avoir les chiffres les plus précis. Là où l’on a encore à travailler est de travailler sur les mêmes chiffres. 

Vous avez des prévisions qui ne sont pas les mêmes ?

Hervé GALON : Un mot sur ce que l’on appelle prévisions : nos clients sont des clients connus, on est dans le B2B et on a des contrats sur plusieurs années. On va fournir des essieux ou des équipements pour John Deere par exemple qui est notre premier client pour Off highway. Tant qu’il fabrique, on fabrique. Donc, ce qui fait la prévision, c’est ce qui va sortir de nos usines. Ce ne sont pas les commandes qui arrivent. C’est ce qui va sortir de nos usines par rapport à un carnet de commandes.

Le driver numéro 1, c’est la production et qui dit production dit aussi approvisionnement, surtout lorsque c’est tendu. La Supply Chain est donc la tour de contrôle parce qu’on a les informations qui remontent jusqu’à nous et celles à aller chercher, et avec cela, on peut en faire la synthèse et alimenter les prévisions financières et tout le cycle de gestion des données financières que gèrent Rachel pour le business industriel par exemple.

Ce sont des prévisions vraiment concrètes. On parle de produits qui vont être vendus, qui sortent de l’usine alors que Rachel, vous, ce sont peut-être des prévisions vraiment financières, c’est-à-dire une projection des ventes, des recettes et des dépenses qui sont prévues pour l’année en cours. Est-ce qu’il n’y a pas un décalage entre ces prévisions très opérationnelles et ces prévisions financières ?

Rachel LUCAS : Concrètement, mes prévisions financières ne pourront être solides et fiables que si elle matchent avec celles de la Supply chain. Donc effectivement, on va rassembler les prévisions commerciales, les prévisions de production et mettre tout cela en synthèse parce que l’on ne peut plus se permettre de [naviguer à vue].

À quel moment avez-vous justement un dialogue qui vous permet de vous aligner sur des objectifs communs ?

Hervé GALON : Je pense qu’il faut distinguer les horizons : il y a l’horizon S&OP qui est aussi l’horizon du budget qui part des données du marché – est-ce qu’il va y avoir une récession ou pas ? Comment nos clients se portent-ils ? – Et c’est un exercice qui est plutôt fait avec les ventes, la finance et les patrons business pour la gestion des coûts et faire un exercice budgétaire. Ça, c’est pour le moyen-long terme.

Et là, j’ai un rôle de vérifier la cohérence. Je vois des chiffres qui remontent des usines. Il y en a qui sont cohérents et d’autres où l’on va gratter un peu pour comprendre. C’est le long terme.

Maintenant, c’est une société américaine qui est calée sur des publications de résultats trimestrielles. Donc là, sur le trimestre en cours, compte tenu de nos délais d’approvisionnements qui sont de l’ordre de 3 à 4 mois, on a une assez bonne visibilité macro sur le trimestre qui vient.

En revanche, pour être sûr d’être précis et c’est là où la tour de contrôle et l’alignement sont importants, c’est que l’on veut absolument éviter qu’après la clôture, on découvre qu’on a loupé l’objectif alors que les opérationnels le savaient.

Je prends un exemple d’un navire dont on sait, nous opérationnels, qu’il a une semaine de retard. Pour le moment, il n’y a que nous qui le savons. Mais dans ce navire, il y a des produits qui doivent être facturés. S’il a une semaine de retard et que l’on n’est pas en liaison avec la finance, on peut avoir un écart. Nous, nous avons des processus risques et opportunités pour cela.

On s’aligne avec Rachel et ses collègues financiers et moi, avec les patrons de Supply Chain des usines, pour faire en sorte qu’il y ait une cohérence de terrain puis une cohérence d’ensemble. Et nous, nous sommes garants de la cohérence d’ensemble.

Y-a-t-il un outil informatique qui permet de réconcilier tout cela ?

Hervé GALON : On commence à ouvrir une boîte de Pandore ; on n’a pas un ERP global, mais il y a tous les outils qui permettent de faire communiquer et de récupérer l’information dans les ERP.

Rachel LUCAS : En bon contrôleur, je ne sais pas vivre sans mon Excel et c’est l’outil qui va résoudre mes problèmes. On commence à s’aligner sur des chiffres et à utiliser comme seule source de chiffres, comme référence pour nos objectifs ou pour les prévisions, etc, le système financier de reporting purement financier. Les prévisions qui sont faites et qui n’ont pas fini dans le système de reporting financier n’existent pas.

Comment cette collaboration prend-elle forme ? Y-a-t-il des réunions planifiées ?

Hervé GALON : Il y a des processus hebdomadaires où l’on s’assure de la cohérence des données. Il n’y a pas que de l’Excel mais aussi d’autres systèmes de reporting financier qui sont alimentés par des chiffres opérationnels. Ensuite, les réunions de nos jours, c’est un coup de fil, un mail, deux minutes sur teams.

Rachel LUCAS : Il y a un calendrier à la semaine, au mois et c’est là où l’on a fait des progrès. On a forcé, au travers d’un calendrier, les différentes fonctions à réfléchir ensemble pour publier ensemble au management des informations. C’est le levier pour une seule et même information pour le top management.

Est-ce qu’au final, vous avez le sentiment d’avoir des objectifs communs ?

Hervé GALON : On définit des chiffres ensemble pour garantir une satisfaction client au moindre coût. On part d’un historique – on sait ce qui va changer d’une année sur l’autre ou d’un mois sur l’autre – quelles sont les améliorations opérationnelles des usines – quels impacts cela va avoir – et cela permet de définir les améliorations.

Après, il y a des actions coup de poing pour piloter [les imprévus].

Mais on a des objectifs communs qui ne sont pas en valeur mais en jour de couverture. Dans notre business, on a 600 millions de dollars de stock pour l’ensemble de Off Highway…

Pensez-vous Rachel qu’il y a encore des leviers d’amélioration entre vos services et l’opérationnel ?

Rachel LUCAS : Je pense que l’on est sur la bonne voie et le premier levier qu’on ne peut pas manquer, c’est de faire prendre conscience à chacun de l’intérêt de ces objectifs communs. C’est l’intérêt de chacun de comprendre son rôle dans les objectifs communs.

C’est-à-dire que chez Dana, le cash flow fait partie des objectifs. Donc, c’est le rôle des finances aussi d’aller l’expliquer. Un cash flow fiable me permet de ne pas aller à la banque ou au groupe demander 10 millions supplémentaires. Donc on va continuer comme cela et devoir l’appliquer sur l’ensemble de Off Highway.

Hervé GALON : Pour illustrer cette convergence, il faut avoir le bon niveau de stock pour éviter les surcoût de fret aérien ou de pénalités clients. Et cela, on en parle très régulièrement avec des arbitrages qui ne sont pas faciles parce que c’est un arbitrage entre le compte de résultat et le bilan.

Le financier est garant de la valeur d’intégrité du stock et nous, on est garant de son état physique, de son comptage. Et on ne parle pas que de prévisions entre nous. On parle aussi de l’exactitude de stock, du comptage physique, des comptages cycliques, etc, et qu’il n’y ait pas d’écart de stock quand on fait un inventaire physique et comment on arrive à ça. C’est aussi un travail de collaboration entre nous.

Interview réalisée par Jean-Philippe Guillaume, Directeur de la Rédaction de Supply Chain Village

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