Mise en place des flux de l’Economie Circulaire dans la Supply Chain
Manutan & Valused
Avec l’exploitation croissante de ressources finies et l’épuisement des matières premières, l’économie circulaire s’impose par conséquent comme un nécessaire changement de paradigme pour préserver les ressources et garantir l’avenir de nos sociétés et des entreprises.
Comment mettre en place des flux de l’Economie Circulaire dans la Supply Chain, un impératif de transformation des modèles économiques des entreprises ?
Retex de Pierre-Emmanuel SAINT-ESPRIT, Directeur Economie Circulaire de MANUTAN GROUP et de Jean-Michel GUARNERI, Associé & Directeur Général de VALUSED
Jean-Michel Guarneri :
Valused apporte des solutions aux garagistes pour réparer des véhicules avec des pièces issues de l’économie circulaire, de qualité, parce que le garagiste s’engage à ce que véhicule fonctionne. Donc tout l’enjeu est de développer l’économie circulaire dans l’automobile et permettre aux véhicules d’être réparés avec des pièces de qualité.
Valused est sur le marché depuis 15 jours et on a fait une levée de fonds de 2 millions d’Euros. C’est un peu un Oscaro de la pièce auto issue de l’économie circulaire qui s’adresse au B2B, c’est-à-dire aux garagistes. Sur les 37 000 garagistes, notre objectif est d’être présent sur 1/3 de ces garages à horizon 5 ans.
Pourquoi Valused ? Nous nous sommes aperçus qu’aux États-Unis, qui a un parc véhicules à peu près identique à l’européen, que 15% des pièces montées sur les véhicules américains étaient des pièces issues de l’économie du circulaire. Et lorsque l’on a regardé au niveau européen, c’était moins de 5%. Il faut avoir en tête que le marché de la pièce automobile, c’est de l’ordre de 150 milliards d’euros de chaque côté. Cela montre déjà une idée et de l’ampleur du chemin qu’il y a à faire en Europe pour intégrer dans les véhicules, plus de pièces issues de l’économie circulaire.
Pourquoi en Europe, on n’a pas suivi le chemin des Américains ? C’est clair ! Celui qui va s’engager à monter des pièces circulaires sur le véhicule, en particulier le garagiste, il faut qu’il ait confiance. Et d’ailleurs, il faut déjà qu’il trouve la bonne pièce. On est sur des référentiels de centaines de millions de pièces dans l’automobile. Donc, ce n’est déjà pas facile. Ensuite, le consommateur peut se demander si c’est fiable.
Avec tous ces freins, il était important de les lever et de regarder tous ces gens qui fournissent ce genre de pièces . Et on a identifié trois types d’acteurs : Il y a les remanufacturiers qui, à partir d’une pièce usée, vont refaire une pièce neuve qui a les mêmes caractéristiques en termes de longévité, de garantie, etc.
Ensuite, il y a les déconstructeurs qui démontent les véhicules et qui envoient les pièces au recyclage. Désormais, ils commencent à renvoyer ces pièces dans le circuit. La loi AGEC précise que la pièce reconditionnée est une pièce d’occasion dont on a vérifié les fonctionnalités.
Enfin, il y a un troisième acteur. Ce sont des gens qui réparent. Et il y a plein de pièces automobiles qui se réparent.
Donc, on s’est dit que cela valait peut-être le coup, dans une plate-forme digitale, comme une place de marché, de raccrocher ces trois offres et de les proposer aux garagistes.
Et de leur dire ; « tu peux venir chez nous parce que les pièces que l’on va te fournir, nous, on s’engage. On a fait le travail en amont et on s’engage à la fois pour te trouver la pièce et qu’elle soit de qualité »…
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit :
Manutan, c’est un des leaders de la distribution B2B en Europe, à la fois pour les entreprises et les collectivités publiques. Donc tout type d’équipements qui est présent dans un bureau ou dans les entrepôts et ce, dans 17 pays aujourd’hui en Europe.
Avec, en France par exemple, des filiales comme Manutan France et Manutan collectivités, l’ancienne Camif, et des marques comme Pichon pour tout ce qui va être fournitures scolaires, ou Casal Sport pour tout ce qui est mobilier terrain de sport, chasuble ou autres…
Alors en quoi l’économie circulaire est-elle un sujet pertinent pour un acteur de la distribution B2B ? Quelles sont les raisons d’investir ?
La première chose, c’est tout simplement la réduction des coûts. C’est la lutte contre le gaspillage, c’est l’école du bon sens. C’est utiliser uniquement ce dont on a besoin dans les entrepôts. C’est trouver une alternative dans la matière recyclée si elle est moins chère. C’est réutiliser au lieu de passer sa vie à utiliser des choses à usage unique, etc.
La deuxième chose, c’est la pérennité de la supply chain. On vend des produits. Ces produits sont faits à partir de ressources naturelles et on sait, scientifiquement, qu’il y a beaucoup de ces ressources naturelles qui disparaissent des sols.
D’ailleurs, il faut savoir – et c’est disponible en ligne – qu’il y a plein de ressources naturelles qui ont disparu pour toujours. On s’en rend compte particulièrement sur des sujets comme le gaz avec la guerre en Ukraine. On s’en rend compte dans certaines industries, par exemple dans le bâtiment où les prix des matières premières ont explosé.
Cela met donc sous tension les supply chain. Hors, de manière responsable, si on veut inscrire sa société dans l’économie circulaire, il faut être capable de monitorer le risque de la supply chain par rapport aux ressources naturelles que l’on peut avoir.
Troisième point, c’est évidemment l’opportunité économique. Le marché du produit responsable d’un point de vue purement économique et décorrélé de l’extraction de ressources naturelles neuves est une opportunité économique à explorer, comme créer des nouveaux services de maintenance, de réparation, de location.
Le dernier point, c’est le risque réglementaire et cela concerne énormément la supply chain aujourd’hui, que ce soit le grand public ou les entreprises.
On est tous à la recherche de la traçabilité. On veut tout savoir sur tout puisque l’on doit être capable de produire des informations sur la provenance des ressources naturelles ou le reconditionnement de produit, etc.
Et au niveau européen, il y a ce qu’on appelle la Corporate sustainability reporting, une directive pour les entreprises de plus de 500 collaborateurs, qui a durci le sujet. On est responsable de notre supply chain et l’économie circulaire permet encore une fois de mettre beaucoup de traçabilité là-dessus.
Alors, quelles sont les actions mises en place par Manutan ? Plus nous permettons à nos clients d’avoir des produits responsables, plus on les aide aussi à faire leur propre transition écologique. Les produits responsables pour nous, ce sont des produits, soit reconditionnés, soit d’occasion, soit neufs mais éco-conçus intégrant un minima de 25% de matières recyclées. C’est aujourd’hui à peu près 14% du turnover de la filiale Manutan France.
Et on travaille énormément à référencer de plus en plus de ces produits puisque un produit de seconde main vendu un client, c’est moins d’émissions de CO2 au final pour ce client dans ses achats responsables.
La deuxième chose, c’est développer les services. On a une collecte des produits électroniques usagers et l’on va faire un inventaire et un tri dans un centre d’insertion professionnelle. Et au lieu que tout cela parte au recyclage, ou ne soit pas traité, on va faire en sorte de réemployer au maximum avec du reconditionnement, du don à des associations et du recyclage en dernier recours.
Et on propose à nos clients, un bilan RSE complet. On va quantifier les émissions de CO2 évitées par cette action. Dans une méthodologie qui est certifiée par l’ADEME, on va développer ce service de collecte et de revalorisation sur de plus en plus de produits.
On commence avec le mobilier et, je l’espère, en élargissant notre gamme. Et c’est ainsi que le groupe Manutan peut intégrer l’économie circulaire dans sa Supply Chain pour permettre une transformation à l’entreprise elle-même, mais aussi à tout son écosystème, c’est-à-dire les fournisseurs et les clients…
Interview réalisée par Jean-Philippe Guillaume, Directeur de la rédaction de Supply Chain Village, Agora Médias.