Le pilotage d’une Supply Chain internationale
Exemple concret d’une coopération entre ORTEC, un éditeur de logiciels spécialisé dans l’optimisation, ici dans la gestion d’une supply chain internationale et un industriel, FORVIA, 7e équipementier mondial.
En travaillant de concert, ces deux partenaires ont réussi à développer une solution sur-mesure qui répond à l’un des défis du transport international : un outil d’optimisation de chargement de véhicules et de réduction de CO2.
Avec Julien GARBE, Directeur Général d’ORTEC France, un fournisseur de solutions optimisant les processus opérationnels et stratégiques en supply chain grâce à son expertise des mathématiques appliquées et l’IA et Stéphane RIVENQ, Procurement & Transportation Director de FORVIA, 7e équipementier mondial, né en 2022 de l’union de deux leaders technologiques du secteur automobile : Faurecia et HELLA. Stéphane Rivenq s’occupe de l’ensemble des approvisionnements et du transport worldwide pour les 230 usines du groupe sans compter HELLA.
La problématique :
Stéphane RIVENQ : Depuis plusieurs années, nous essayons de maximiser le remplissage de nos camions. Cependant, le MRP standard de SAP ne prend pas en compte l’utilisation des camions. Par conséquent, nos équipes doivent effectuer cette tâche manuellement, ce qui est très chronophage et ne nous permet pas d’atteindre nos objectifs d’efficacité. Nous avons donc voulu automatiser cette partie du processus.
Pour cela, nous avons consulté Gartner pour savoir s’il existait des systèmes répondant à nos spécifications. La réponse a été négative. Bien qu’il existe des load builders sur le marché, ils ne sont pas intégrés au MRP, ce qui nous fait perdre beaucoup d’agilité dans notre chaîne d’approvisionnement. Or, nous ne pouvons pas nous permettre de sacrifier cette agilité.
C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés de développeurs pour envisager le développement d’un nouvel outil répondant à nos besoins.
Nous attendons de cet outil une réelle réduction des émissions de CO2 grâce à un meilleur remplissage de nos camions, avec un impact significatif sur les coûts. Notre ambition est d’améliorer l’efficacité de notre transport de plus de 10 %, bien que notre efficience actuelle soit déjà très satisfaisante.
De plus, nous voulons réduire de moitié le temps nécessaire à nos équipes pour gérer l’approvisionnement, une tâche qu’elles effectuent actuellement de manière manuelle avant de l’intégrer dans SAP.
Julien GARBE : Au début, nous étions quelque peu perplexes, car il n’existait rien de similaire sur le marché.
C’était un concept que nous n’avions pas encore entendu dans d’autres secteurs de l’industrie automobile. Et convaincre en interne dans ces périodes d’incertitude est toujours délicat. Fallait-il se lancer ou non, sachant qu’il y avait une part de risque et une certaine incertitude ? Finalement, l’enthousiasme des équipes de FORVIA nous a convaincus. Et Stéphane Rivenq est passionné par ce sujet depuis de nombreuses années.
En discutant avec d’autres acteurs du marché, nous avons rapidement réalisé qu’il y avait une énorme demande pour cette solution, particulièrement en raison des enjeux croissants liés aux émissions de CO2. Cela changeait certains paradigmes du secteur.
Nous avons donc décidé de nous lancer, en sachant que nous ne partions pas de zéro. Nous disposions déjà d’un outil intégré à SAP, spécialisé dans l’optimisation du chargement. Nous avons utilisé cet outil standard comme première brique pour le développement que nous allions construire ensemble avec nos partenaires.
Nous avons donc développé cet outil ISO en partenariat avec FORVIA qui apporte sa connaissance approfondie du secteur et son expertise en approvisionnement automobile. Dès le départ, nous avons conçu cet outil avec l’ambition de le déployer chez d’autres acteurs du secteur.
En en faisant un outil standard, nous avons créé une feuille de route pour son évolution et ainsi qu’il puisse vivre. Ainsi, les challenges rencontrés par les concurrents de FORVIA pourront être intégrés, et inversement, les innovations bénéficieront à FORVIA.
L’objectif a toujours été de développer et de déployer cette solution au-delà de FORVIA, en tirant parti de leur expertise métier pour son développement. Nous, en tant que techniciens, apportons notre savoir-faire pour concrétiser cette vision.
Déploiement :
Stéphane RIVENQ : Cet outil ISO est opérationnel, bien qu’il ne soit pas encore entièrement finalisé. Nous avons encore quelques étapes à franchir, mais actuellement, ISO est utilisé sur 40 flux, ce qui représente déjà un volume conséquent. Son utilisation quotidienne nous a permis d’améliorer le chargement des camions d’environ 12 %, dépassant ainsi notre objectif initial, et cela en optimisant des flux qui étaient déjà performants.
Un élément clé pour utiliser ISO efficacement est la gestion des Master Data Packaging. Sans des données de packaging précises, il est impossible d’exploiter pleinement les capacités d’ISO. Sur les premiers flux, l’accueil des équipes a été très positif. Une fois que le material planner s’est familiarisé avec l’outil, ce qui est rapide grâce à son interface SAP familière, il continue à utiliser ISO de manière autonome. Il n’est pas nécessaire de les pousser à l’adopter, ce qui est un signe très encourageant malgré les quelques étapes restantes pour finaliser le projet.
Sur notre roadmap CO2, nous avions fixé un objectif d’amélioration de 10 % du taux de remplissage des camions. Nous avons déjà dépassé cet objectif. Nous avons également une ambition de déploiement en termes de phasing, qui est très ambitieuse. Il nous faudra avancer à la bonne vitesse pour respecter nos engagements en matière de réduction de CO2.
Pour l’instant, l’outil devrait nous permettre d’atteindre cet objectif de notre feuille de route CO2, notamment pour la partie transport.
L’outil est très facile à utiliser. Son intégration dans SAP permet aux utilisateurs de conserver leur environnement usuel, ce qui est un grand avantage. Il est également assez ludique, car une fois le chargement d’un camion effectué, vous pouvez visualiser en 3D comment il a été chargé. Le processus est relativement rapide : au lieu de remplir manuellement les camions avec Excel, vous pouvez simplement appuyer sur un bouton, et l’outil se charge de tout.
Les material planners sont très satisfaits de cette fonctionnalité. En somme, l’accueil de l’outil par les équipes a été extrêmement positif puisqu’en 4 heures, ils savent utiliser l’outil.
Les prochaines étapes :
Stéphane RIVENQ : Il y a encore plusieurs étapes à franchir. Nous avons parlé de l’agilité de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que de nos exigences en matière de stocks et de réactivité dans notre secteur. En plus du remplissage des camions, nous devons également développer une gestion précise des niveaux de stocks à des dates spécifiques, notamment en fin de mois, pour des raisons de cash.
Nous envisageons également d’introduire une fonctionnalité de gestion flexible des périodes de demande. Cela nous permettra de modifier certains paramètres en accord avec nos fournisseurs, par exemple en décalant une livraison de quelques jours ou en demandant 10 % de matériel supplémentaire si nécessaire. Actuellement, nous passons beaucoup de temps au téléphone avec les fournisseurs pour ajuster les quantités, ce qui est une perte de temps considérable.
L’objectif est d’intégrer ces fonctionnalités dans le système, simplifiant ainsi les relations avec les fournisseurs. Ces améliorations contribueront à simplifier radicalement la gestion de nos approvisionnements.
Quels enseignements :
Stéphane RIVENQ : Pour ceux qui travaillent sur la réduction de CO2 qui va coûter beaucoup d’argent sur la partie transport, c’est un des rares leviers que l’on a trouvé pour faire des économies.
Julien GARBE : Cette collaboration n’était pas une première pour ORTEC dans le sens où nous avons souvent été contactés par un acteur majeur d’une industrie spécifique pour développer des solutions sur mesure, que nous avons ensuite standardisées pour d’autres acteurs du secteur.
C’est ainsi que nous avons commencé dans l’énergie avec Shell, en développant des solutions spécifiques, et de même dans l’agroalimentaire avec Lactalis. L’idée a toujours été de s’appuyer avec un acteur représentatif de son marché pour co-construire une solution répondant précisément à leurs besoins.
Aujourd’hui, nous avons réorganisé notre structure pour mieux répondre aux besoins spécifiques de différentes industries. Si nous étions déjà bien implantés dans plusieurs secteurs verticaux, nous n’avions pas encore de division dédiée à l’automobile. Nous avons donc créé un nouveau secteur vertical avec ISO comme première brique. Notre ambition est de développer toute une suite logicielle pour répondre aux besoins de ce secteur.
De plus, nous avons constaté que d’autres secteurs, bien que différents en apparence, possèdent des chaînes d’approvisionnement similaires, avec des systèmes de contractualisation fournisseurs et de gestion des stocks comparables. Nous envisageons donc de déployer cette solution au-delà de l’industrie automobile. Par exemple, le secteur agroalimentaire présente des similitudes qui pourraient bénéficier de notre approche.