SUPPLY CHAIN MANAGEMENT

Fret maritime : les enjeux et les impacts sur la chaîne d’approvisionnement

Depuis des mois, les chaînes logistiques mondiales sont à flux tendus, pénuries de matières premières, congestion portuaire, incapacité de charger, augmentation des délais d’approvisionnement, hausse des prix de fret …

Retour d’expérience de Muriel BENOIT,Directrice Grands Comptes Europe chez BOLLORE LOGISTICS,
et Noël WALLABREGUE, Directeur transports B2BC & achats logistique chez CONFORAMA. 

Muriel BENOIT, comment nous en sommes arrivés là ?

Pour comprendre la situation actuelle, il faut déjà remonter à 2018, la chute de Hanjin, les difficultés financières qui ont provoqué une forte concentration des armements pour mutualiser les assets et gagner en productivité avec des capacités allant jusqu’à 24.000 teus par navire ( slide 1).

Après cela, est arrivé le contexte inédit de la crise sanitaire qui a provoqué une baisse brutale de la consommation, un ralentissement voire un arrêt des services maritimes et une accumulation de conteneurs vides. Mi-2020, la consommation reprend fortement et se focalise vers les biens de grande consommation et le ecommerce ( meubles, équipement pour la maison , hifi.. .) Le marché américain est saturé, les ports sont complètement congestionnés à cause de la pandémie et de la pénurie de chauffeurs. 

La demande flambe et les équipements manquent. 

Quelles sont donc les conséquences ?

  • Hausse des taux de fret qui ont été multipliés par 7 sur l’axe Asie – Europe ( 15000 usd versus 2000 usd avant la crise)…
  • Priorisation pour les armateurs des trades payants et du yield avec un repositionnement des TC vides sur les US/ l’Australie…
  • Pénurie d’equipement qui est l’un des principaux goulot d’étranglement car la chine produit 96% de la production mondiale…
  • Emergence des taux spots avec premium pour assurer les capacités ou engagements long term sous contrainte deadfreight…
  • Allongement des délais d’approvisionnement et de chargement (6 semaines)…
  • Congestion portuaire avec 7% de la flotte mondiale en attente dans les ports notamment americains, Long beach / Los Angeles…
  • Baisse de la qualité de service de la part des armateurs qui accentue leur programme de blank saling…
  • Disruption totale de la Supply Chain…
  • Relocalisation de sourcings et plan de transformation des entreprises…

Cette période, qu’aucun d’entre nous n’avait imaginée, aura mis en lumière le rôle essentiel du secteur du transport et de la logistique et démontré sa résilience.

Comment voyez vous la fin 2021 et 2022 ?

La situation malheureusement ne va pas s’arranger et risque même de s’empirer avec Noël et l’approche du nouvel an chinois.

Nous constatons une anticipation forte des commandes y compris de l’outdoor et une pénurie de nombreuses matières premières qui impacte les productions et même la logistique ( manque de palettes…)

Les problèmes dépassent largement le maritime, c’est l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement qui est disruptée. Même si les armateurs ont pris plein d’initiatives pour remédier à la situation, beaucoup de terminaux portuaires restent très engorgés, avec une vraie dégradation de la qualité de service.

Le temps de boucle d’un conteneur s’est rallongé de 20%.

La congestion portuaire va continuer à s’accentuer, c’est pourquoi nous travaillons avec l’ensemble des acteurs de la supply chain pour une meilleure fluidité de la marchandise à l’import comme à l’export.

Le trafic maritime mondial devrait augmenter de 10,8 % selon l’OMC en 2021  et la capacité d’environ 4% entre juin 20 et 21

Sur 2022 la demande restera soutenue avec une prévision de croissance entre 5 et 6% pour une capacité qui n’excédera pas 2,4%.

Ce qu’il faut savoir c’est qu’environ 55% de la flotte maritime est affrétée et que les coûts ont également fortement augmentés passants de 65.000 usd/ jour à 120.000 usd avec des engagements pouvant aller sur 5 ans.

Nous pensons que le marché devrait se détendre après la golden week 2022 si la situation sanitaire s’améliore et si la consommation ralentie.

Que préconisez vous ?

La désorganisation actuelle du transport maritime remet notre rôle au centre des chaînes logistiques mondiales.

Dans un contexte d’incertitude extrême, nous devons avant tout proposer des plans de transport robustes aux clients et une visibilité accrue sur les flux engagés. Une meilleure visibilité en s’appuyant sur l’utilisation des nouvelles technologies, notamment digitales avec des outils prédictifs permettant de modéliser les scénari et de travailler sur les back-up plans.

Il ne suffit plus de suivre les miles stones mais il faut travailler sur de l’alert management et du pilotage.

L’agilité est également clé avec la possibilité de switcher rapidement de ports ou d’équipement.

Des solutions alternatives au maritime comme le rail, la route en complet ou en groupage, les solutions de chartering…

Il faut également travailler sur des solutions d’optimisation pour permettre la réutilisation rapide des conteneurs car ce n’est pas la pénurie d’équipement qui pose problème aujourd’hui mais la rotation du conteneurs qui a baissé d’1 point.

Enfin nous devons commencer à anticiper les enjeux de décarbonisation du transport maritime qui aura un impact lourd avec les normes liées à l’IMO 2023.

En quoi consiste cet IMO 2023 et quels vont être les impacts?

Objectif réduction carbone de 40% en 2030 versus 2008 et 70% en 2050. 

Cela touche la conception des navires et les opérations navires.

Mise en place d’un contrôle technique avec des classifications : A/B/C/D/E.

Délai imposé pour se mettre en conformité 3 ans ou fortes amendes.

Cela va impacter la majorité des 6000 portes conteneurs affretés avec comme conséquences :

  • Shortage des capacités
  • Ralentissement des navires donc nécessité d’introduire + de navires pour assurer les fréquences
  • Augmentation de la structure des couts des armateurs

A suivre également le coté chargeur, avec Noël WALLABREGUE, Directeur transports B2BC & achats logistique chez CONFORAMA pour découvrir comment l’enseigne a appréhendé cette situation et quelles solutions ont été mises en place.

Interview réalisé par Laurent COURTOIS, General Manager d’Agora Managers Groupe

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