MOBILITÉ - FLOTTE AUTO

Fiscalité, amendes : vision 2023

Tour d’horizon de la législation routière en 2023 et point de vue de Rémy Josseaume, avocat à la cour, responsable de la Commission droit routier au Barreau de Paris et Président de l’Automobile-Club des avocats (partenaire de la Ligue de Défense des Conducteurs).

De la Responsabilité du conducteur ou du détenteur de la carte grise an cas d’infraction à la modernisation de radars “fous”, de la réglementation incompréhensible en ZFE aux controversés contrôles automatisés de stationnement (FPS), de la réforme contestée pour les petits excès de vitesse à la verbalisation abusive en cas d’usage de CBD, jusqu’au retour aux 90 km/h dans près de la moitié des départements, l’année 2023 s’annonce comme un vrai casse-tête pour automobilistes et Responsables de Flotte Auto.

Christophe Bourroux : Est-ce que l’on peut dresser un bilan de l’année 2022 ? Qu’est-ce qui vous a frappé cette année ?

Rémy Josseaume : 2022, c’est l’après Covid. Beaucoup de mauvaises conduites reprennent, avec une explosion des grands excès de vitesse. Il y a ceux qui se sont un peu lâchés sur la route et puis il y a aussi l’effet réduction de la vitesse.

On l’a tous vu, à Paris et ailleurs, la réduction de la vitesse est généralisée dans les villes avec 30 km/h, sur les autoroutes et avec ce fameux 80 km/h qui est toujours là. On voit des départements qui ont beaucoup de difficultés à revenir en arrière et il y a mécaniquement plus d’excès de vitesse supérieurs à 40 et à 50 km/h.

Non pas forcément parce que les gens roulent plus vite qu’avant, mais c’est un effet mécanique de la réduction de vitesse.

Christophe Bourroux :  Où en est-on sur la vitesse à 90 km/h ? Des départements sont revenus aux 80, d’autres pas. Quelle est aujourd’hui la situation ?

Rémy Josseaume : Les départements peuvent revenir sur la vitesse des 90 km/h sur certaines portions de route, après avoir respecté un formalisme particulier, notamment des comités consultatifs de suivi qui vont élaborer un processus de retour au 90 km/h.

Lorsque cela ce n’est pas respecté, les associations, notamment de victimes de la route qui sont vent debout contre ce retour aux 90 km/h, obtiennent devant les tribunaux, l’annulation de ce retour aux 90 km/h.

Aujourd’hui majoritairement, on reste sur les 80 km/h. 

On a toujours la bataille des chiffres évidemment, entre ceux qui réussissent mieux que les autres.

On n’arrive pas à avoir une vision objective de la situation. On le sait, la sécurité routière dialogue quand ça l’arrange, un peu moins quand ça la dérange. 

La tendance est quand même le retour aux 90 km/h parce que l’on voit que l’insécurité routière n’évolue plus.

On a surtout un problème avec « les radars fous », c’est-à-dire ces radars que l’on déplace et qui peuvent être parfois implantés là où la vitesse a été modifiée.

Généralement, cela ne se passe pas trop mal parce qu’il n’y a jamais un cas isolé. Ce sont des milliers de cas, donc la préfecture intervient.

Il est prouvé que l’automobiliste est dans son bon droit et que l’administration a commis une erreur. On va le prouver par des articles de presse lorsque celle-ci en fait écho, par des attestations, par des constats d’huissiers.

On justifie qu’à cet endroit-là effectivement, la vitesse ne correspond pas à la vitesse de calcul du radar.

Christophe Bourroux : Sur ce vaste sujet de la vitesse, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a dit qu’il y aurait certainement un aménagement pour les petits excès de vitesse. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Rémy Josseaume : Déjà, quand on dit petit excès de vitesse, c’est vent debout pour certains, parce que pour eux, il n’y a pas de petits excès de vitesse. 

Mais à partir du moment où il y a des grands excès de vitesse, il y a forcément des petits excès de vitesse. 

Légalement, c’est un excès de vitesse inférieur à 20 km/h, donc on perd un point. Puis, selon la zone dans laquelle on commet l’infraction, on va payer 45 euros, 68 euros, voire 135 euros, par exemple en ville. 

Manifestement, il y a un élan au niveau du ministère de l’Intérieur pour modifier cette réglementation qui viserait à supprimer la perte de points pour les excès de vitesse inférieurs à 10 km/h.

Il n’y a pas de consensus gouvernemental sur cette mesure. Il y a toujours la question de l’émotion et de la mortalité routière bien évidemment. C’est un problème de santé publique.

Ce débat que l’on a mené avec certains, dont un député, c’est d’être ok pour cette mesure mais pas en ville. 

Je suis farouchement opposé à ce que l’on ne puisse pas retirer de points pour des infractions en ville. 

La ville, c’est un sanctuaire. On va rencontrer des usagers vulnérables, des trottinettes, des vélos, des piétons, des enfants scolarisés, des personnes âgées  Bref, des gens que l’on trouve pas sur l’autoroute ou sur les axes secondaires. 

Ce serait un très mauvais signal de la part du gouvernement de faire une réforme totalement généralisée. Exclure la ville, c’est un bon signal aussi pour les personnes qui sont contre.

J’ai une position un peu tranchée, qui n’est pas comprise par certains mais qui est justifiée et je pense qu’elle passera comme ça.

Christophe Bourroux :  Dans les villes, pour l’instant, il n’y a pas de verbalisation dans les ZFE ? 

Rémy Josseaume : Pour l’instant, c’est une verbalisation par accessoires, c’est-à-dire que vous êtes pris pour une infraction et au même moment, on va se rendre compte que vous n’avez pas votre vignette et qu’en plus, vous n’avez pas le droit de rouler.

Il y a eu, au tout début, des contrôles avec la présence des médias, mais il n’y a pas de verbalisation systématique. On ne fait pas la chasse aux véhicules polluants. On le fait accessoirement dans le cadre d’un contrôle pour autre chose.

Christophe Bourroux : Les fameux radars, qui vont contrôler justement ces ZFE, vont-ils arriver ou va-t-on repousser la mesure pour des raisons politiques ?

 Rémy Josseaume : On est sur une cocotte-minute. Les gilets jaunes se sont mis en route pour moins que ça. Entre l’augmentation du tarif des péages, des assurances, de l’essence, et l’instauration des ZFE, on va leur expliquer qu’ils ne peuvent plus pénétrer dans les villes ou à défaut, c’est 68 euros.

Aujourd’hui, il n’y a pas de verbalisation effectivement. Par contre, demain, avec la mise en place d’un système de lecture de plaque avec radar automatisé, il y aura des milliers de PV à 68 euros.

Alors une fois, ça va, si je puis dire mais si c’est tous les jours, ça ne va plus.

Et il y a un problème légal. C’est que pour l’instant, la loi incrimine le conducteur, donc il faut interpeller la personne. Mais il faut en fait, incriminer le titulaire de la carte grise. Et ça, ils ne l’ont pas pensé. Donc il va falloir changer la loi. Est-ce que la loi peut être changée avec les problèmes de majorité actuelle ? Je n’en suis pas certain.

Christophe Bourroux : Si vous passez plusieurs parfois, c’est plusieurs prunes ?

Rémy Josseaume : Effectivement, on peut s’interroger sur l’infraction. Je ne pense pas parce qu’à partir du moment où vous êtes en infraction, vous l’êtes le temps de la durée de circulation de votre véhicule. Tout cela sera à affiner effectivement.

Pour l’instant, je vois les ZFE avec un peu de recul parce que je pense que ça va bouger. On voit déjà que l’on repousse un peu les vignettes Crit’Air. 

Christophe Bourroux : Les radars ultra puissants, capables de repérer plusieurs infractions vont-ils arriver en ville ? Pour quel type d’infraction ? Et est-ce que ces infractions repérées vont être verbalisables ?

Rémy Josseaume : On a déjà mis en place depuis quelques mois le radar qui va en même temps regarder le fichier des assureurs. Ça c’est très bien puisque en cas de contrôle de vitesse ou de contrôle feux rouges, on va flasher la plaque et s’il n’y a pas d’assurance, il y a un PV.

C’est plutôt positif, on va réconcilier les Français avec le radar. 

Après, il y a ces radars dont la technologie pourra détecter le téléphone, la ceinture de sécurité, l’assurance. On va potentiellement pouvoir capter une image mais on aura toujours la difficulté d’identifier le conducteur puisqu’il n’y aura jamais d’interpellation. Il y aura toujours un moyen de défense pour celui qui estime devoir contester son infraction parce qu’il n’a pas été interpellé. 

Christophe Bourroux : Est-ce qu’on peut légalement vous verbaliser pour plusieurs infractions avec un radar automatique ?

Rémy Josseaume : C’est possible et d’ailleurs, on peut même le faire sur un radar non automatique. Un gendarme au bord de la route qui, avec sa jumelle, vous prend en infraction et si, en même temps, vous voit au téléphone, il peut verbaliser la vitesse et le téléphone.

Pour un contrôle à l’aide d’un radar, rien ne s’oppose légalement au constat de plusieurs infractions.

Christophe Bourroux : Vous traitez aujourd’hui essentiellement des dossiers d’excès de vitesse mais vous avez aussi celui de l’utilisation de certaines substances autorisées et qui sont quasiment interdites sur la route. Expliquez-nous cet imbroglio très français. 

Rémy Josseaume : Il est français effectivement, mais je pense que les pays européens sont confrontés à la même problématique. D’abord, c’est le cannabis dont la quantité de consommation est affolante. Je suis sidéré de voir que 8 dossiers sur 10, c’est de l’alcool avec des stupéfiants. 

L’infraction, ce n’est pas d’être sous l’influence du cannabis ou de tout autre drogue, c’est d’en avoir fait usage. 

Si vous êtes un gros consommateur de cannabis, on va pouvoir détecter cela plusieurs jours plus tard dans le sang ou dans l’urine. C’est ce qui différencie de l’alcool. L’alcool, c’est quelques heures et ça s’élimine très vite.

Pour parler de celui qui est le plus représentatif, c’est-à-dire le cannabis, il va se fixer sur les masses graisseuses, notamment dans le cerveau. C’est pour cela qu’il a cet effet psychotrope. On peut le retrouver un mois, deux mois, trois mois plus tard. 

Christophe Bourroux : Alors si je suis dans une voiture avec quelqu’un qui a fumé à mes côtés…

Rémy Josseaume : Scientifiquement, aujourd’hui, on commence à se rendre compte que l’on peut être contaminé par l’expulsion de la fumée d’un joint qui contient 40% de THC, cette substance psychoactive qui est dans le cannabis. Il peut donc y avoir une contamination. 

Christophe Bourroux : Si, à une soirée, je n’ai rien fumé mais que la personne fume du cannabis à côté de moi et que, si je rentre dans ma voiture et que je me fais contrôler, je vais être verbalisé ? 

Rémy Josseaume : On peut trouver du THC. Après, il faut rentrer dans un dosage très précis et c’est pareil pour la cocaïne.

Il y a le cas très connu d’un sportif de haut niveau qui a eu gain de cause devant les tribunaux parce qu’il a réussi scientifiquement à prouver que c’était une contamination à la cocaïne par la salive. 

Pour revenir à la question, c’est le CBD, totalement légal en France et au niveau européen, qui pose problème. Il contient moins de 0,3% de THC et le test de cannabis va être positif dès lors qu’il va trouver du THC même une toute petite quantité.

C’est ça le problème. Il n’y a pas de dosage entre le THC et le CBD. Dès lors que c’est positif, c’est le couperet, c’est-à-dire suspension de permis. Donc on se bat devant les tribunaux, avec les gens de bonne foi avec des analyses complémentaires toxicologiques, avec des analyses urinaires, avec tout un dossier scientifique et médical et là les juges apprécient s’il y a ou non infraction.

Ça dépend très honnêtement du lieu vous allez être jugé et la jurisprudence n’est pas du tout encore fixée sur la question. C’est une question de quelques mois, peut-être un à deux ans.

Christophe Bourroux : Les FPS, les forfaits post-stationnement, ont littéralement explosé et ont pris en 2021, plus de 60%. Les municipalités font de plus en plus appels à ces voitures flasheuses qui repèrent tous ceux qui n’ont pas payé leur horodateur. Est-ce que vous avez beaucoup de cas ? N’est-ce pas un peu compliqué ce système de FPS ?

Rémy Josseaume : Tout a été fait pour que ça soit très compliqué, comme toujours en matière de répression routière. Le FPS, c’est  le dispositif qui a le plus surpris en 2022 parce les autorités ne s’attendaient pas à autant de requêtes. Il y a plus de 16 000 requêtes qui sont pendantes actuellement devant la Commission du stationnement. Ce n’est plus une infraction pénale depuis 2018. C’est une construction intellectuelle extraordinaire qui a les mêmes effets que de ne pas payer son stationnement, c’est à dire qu’il y a une punition derrière. Mais on a vidé de tous les droits, les possibilités de recours pour les usagers. 

Ce qui est amusant quand on regarde un peu la jurisprudence, c’est qu’on retrouve les vieilles décisions des années 80 en matière de stationnement payant. Et on a la jurisprudence très intéressante, entre l’horodateur qui ne marche pas, entre le papillon qui n’est pas posé où il faut sur le pare-brise, ou celui qui va chercher son ticket et qui revient à sa voiture… C’est fascinant ce retour en arrière.  

On a quand même plus de la moitié des FPS aujourd’hui qui font l’objet de décharge, c’est-à-dire que cette commission donne raison aux usagers. Il y a le problème des personnes à mobilité réduite dont on ne repère pas la carte, c’est hallucinant. 

C’est une gestion un peu légère dirais-je, de ce genre  de contentieux. On a des agents qui font du chiffre, on a une autorité qui dresse et qui en même temps reçoit les réclamations. 

Alors, est-ce que je paye ou est-ce que je vais voir un avocat ? Pour un FPS à 75 euros, on ne va pas voir un avocat. Donc on conteste. Certains le font très bien d’ailleurs.

Christophe Bourroux : Pour des entreprises qui ont des flottes automobiles, ce sont des dizaines, des centaines de FPS. Avez-vous des clients dans les flottes automobiles et comment cela se passe ?

Rémy Josseaume : Le problème de la flotte auto, c’est que le FPS est intégré au véhicule, c’est-à-dire que l’on ne peut même pas dénoncer le conducteur. En réalité, il n’y a aucun échappatoire, sinon légal sur la nature du FPS, mais l’entreprise n’a aucun moyen d’échapper au FPS en désignant le conducteur. Ce qui serait a priori logique puisque ça existe en matière d’excès de vitesse. 

Là, ce n’est pas prévu. Pour un chef d’entreprise, c’est  ingérable parce qu’il ne peut pas sanctionner son salarié.

Interview réalisée par Christophe Bourroux, journaliste.
 

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