1er Label ESG « Transport & Logistique Responsables »
«Transport & Logistique Responsables», la FNTR lance le 1er Label ESG dédié au secteur du Transport & Logistique.
L’objectif ? Permettre aux entreprises de faire reconnaître de façon officielle et indépendante leurs performances extra-financières et s’engager dans la dynamique de transition écologique et énergétique.
Pour en parler, Rodolphe LANZ, Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) revient sur les grands enjeux ESG du secteur.
Laurent Courtois : En quelques mots, présentez-nous la FNTR, ainsi que son terrain de jeu ?
Rodolphe Lanz : La FNTR est la plus grosse organisation professionnelle du secteur puisqu’on a 5300 entreprises adhérentes qui représentent à peu près 430 000 salariés. On maille l’ensemble du territoire national avec des syndicats départementaux et régionaux. Et nous avons une représentation depuis 26 ans à Bruxelles, avec un bureau permanent qui nous permet d’agir également au niveau européen.
La FNTR a le rôle habituel d’une organisation professionnelle d’employeurs, c’est-à-dire à la fois l’influence et le lobbying à tous les niveaux, européen, national et local, et la représentation partout où les intérêts de nos adhérents sont en jeu.
L.C. Concernant ce nouveau label ESG, que pouvez-vous nous en dire ?
On a travaillé pendant un an sur le dispositif, sur les indicateurs, etc, pour que ce label soit reconnu par les agences et notre environnement et qu’il soit également spécifique à nos métiers du transport et de la logistique. Et on est très satisfaits du résultat. C’est quelque chose qui marche très bien parce que c’est la seule labellisation des performances extra financières des entreprises de transport et logistique qui existe en France.
Et on est même interrogé par nos partenaires de la Fédération Internationale pour savoir de quelle manière on pourrait éventuellement l’exporter. Alors dans un premier temps, au niveau européen et voir au-delà.
L.C : Alors, quels sont les grands enjeux ESG du transport routier ?
Rodolphe Lanz : Nous avons un enjeu environnemental et principalement l’enjeu de la transition énergétique, essentiellement volontaire de la part des transporteurs ou imposée.
Et nous avons le volet social puisque l’on a quelques centaines de milliers de salariés dans la branche. Donc on doit y porter attention, notamment en cette période où finalement il y a très peu d’entrées sur le marché du travail. Les branches doivent se battre entre elles pour attirer des collaborateurs. Donc on a de gros enjeux sur les ressources humaines.
Ensuite, on a un enjeu de gouvernance également. Tout simplement parce que c’est quand même un secteur assez atomisé avec beaucoup de petites entreprises, TPE, PME qui cohabitent avec des grosses PME régionales, des ETI et des grands groupes.
Donc, on a cette cette problématique à la fois de création d’entreprise qui est toujours assez vivace quand on regarde les chiffres de la Banque de France. Et puis, ces phénomènes de concentration qui sont permanents. Donc on a cette problématique de gouvernance et d’éthique de la gouvernance par exemple. Mais c’est intéressant car c’est un secteur vraiment multiple.
L. C : Quelle est votre feuille de route concernant les énergies ?
Rodolphe Lanz : On voit bien que la tentation, c’est de réserver certaines énergies à certains usages. La voie serait, semble-t-il, toute tracée pour l’électrique mais on n’est pas tout à fait d’accord avec ça.
On considère que l’on doit passer par le mix énergétique et que c’est la seule manière pour le transport routier de marchandises de pouvoir réussir sa transition.
98 % des camions immatriculés en France sont toujours immatriculés en gazole. Donc on voit bien que l’on va avoir un problème très rapidement. Après, on a été un des pionniers sur la filière gaz. Donc on a beaucoup d’espoir sur le biogaz. Mais après, on a eu par exemple la problématique des prix dernièrement où les camions gaz restaient sur les parcs parce que plus personne ne voulait payer le coût du transport.
Après, on a les carburants de synthèse ou l’hydrogène, pourquoi pas, mais ce n’est vraiment pas mature pour les véhicules lourds. Donc ce mix énergétique doit nous permettre la transition énergétique.
Il n’y a pas en l’état une voie unique. On essaye de nous faire passer l’électrique par un petit trou de souris. C’est un petit trou de souris au regard des coûts, notamment des matériels ou au regard des infrastructures de recharge.
L’électrique est tout à fait adapté à la logistique urbaine. Mais qu’est-ce que l’on appelle la logistique urbaine ? Parce que si je dois dédier une flotte complète à la logistique urbaine alors que j’ai plein d’autres activités. Pour le transporteur, ce n’est pas forcément évident. Si je suis hyper spécialisé dans la logistique urbaine, oui, pourquoi pas.
De plus, se pose le problème du maillage national en bornes de charge à forte puissance ou même de leur installation et de leur coût dans les entreprises elles-mêmes.
Donc, nous militons pour le mix énergétique qui doit nous faire parvenir à une décarbonation complète du transport routier de marchandises.
L.C : Comment vos adhérents appréhendent-ils justement cette transition énergétique ?
Rodolphe Lanz : Nos adhérents sont assez dubitatifs, perplexes. Ils s’interrogent beaucoup. Tout simplement parce qu’il n’y a pas une vraie vision. On essaye de leur apporter cette vision mais c’est très difficile parce qu’aujourd’hui, lorsqu’on est transporteur avec 50 salariés, qu’on est en province, qu’on a des flux régionaux et nationaux, qu’on fait un peu aussi de logistique urbaine, on a de vraies interrogations sur les investissements à venir et le coût de ces investissements.
Les transporteurs ont cette volonté pour réduire leurs émissions au sens large. Et d’ailleurs, ils l’ont fait. Quand on voit les gains réalisés entre la norme Euro 1 et Euro 6, c’est assez stupéfiant.
Et quand on travaille sur l’écoconduite, on travaille aussi à la décarbonation du transport. C’est bien évident.
Nous sommes dans une période charnière où ils s’interrogent beaucoup mais on devrait s’interroger globalement, à la fois avec les constructeurs, les énergéticiens, mais également les clients, les chargeurs qui, s’ils ont des exigences en matière de décarbonation, doivent avoir aussi des exigences en matière de prix de transport.
L.C : Comment l’État accompagne-t-il le secteur sur ce sujet ?
Rodolphe Lanz : On peut pas dire qu’il ne le fait pas. Le secteur du transport routier de marchandises représente 7,5 % des émissions en France. Ce n’est pas ridiculement bas, mais ce ne sont pas les chiffres qu’on nous annonce. En général, quand on parle de transport routier, on dit 30 %, mais le transport routier de marchandises, ce n’est qu’une toute petite part.
L’Etat nous aide bien évidemment, mais toujours dans un cadre contraint.
On a des appels d’offres, notamment sur les véhicules électriques. Pour le premier, nous avons été très mécontents puisque ça ne concernait que très peu finalement les transporteurs routiers de marchandises avec beaucoup de subventions pour des camions bennes à ordures des collectivités locales.
Pour le deuxième appel d’offres, ça s’est mieux passé. Il y a un peu plus de transporteurs qui ont pu en bénéficier, mais ça reste à la marge parce que c’est quelques dizaines de millions d’euros, alors que nous avons évalué dans la feuille de route, le coût global de la transition énergétique de notre secteur à 52,6 milliards d’euros.
Et aujourd’hui, on nous fait des appels d’offres à quelques dizaines de millions. Alors c’est bien. Mais il y a un gap énorme.
LC : Les entreprises ne sont pas en capacité d’accompagner cette décarbonation ?
Rodolphe Lanz : En l’état – je ne vais pas être fin sur les chiffres – mais un tracteur diesel, c’est 90 000 €, le même en électrique s’il existait, c’est plutôt 350 à 450 000 €. On voit déjà qu’il y a un vrai problème.
Il y a un problème de financement, c’est évident. Il y a aussi la problématique de la hausse des taux d’intérêt. Il y a aussi un problème d’assurance puisque, aujourd’hui, un camion électrique a quelques exigences au niveau sécurité sur le transport de matières dangereuses.
Bref, les problématiques s’enchaînent, donc il va falloir y travailler sérieusement, pas à pas, et que tout le monde prenne sa part. Les transporteurs ne pourront pas assumer seuls le coût de la transition.
Les transporteurs ne demandent pas d’être subventionner en permanence avec des appels d’offres, mais, à un moment donné, il va falloir trouver une solution pour que le prix du transport soit en adéquation avec les investissements qui seront réalisés et que soient garantis la disponibilité de l’énergie future et son coût.
Donc, à un moment donné, il va falloir que tout le monde participe.
Alors il y a de nouvelles initiatives qu’il convient d’approfondir notamment la location longue durée sur des camions à nouvelles énergies. Ça ne sera pas la solution pérenne, globale mais peut-être une des solutions…