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Métavers : définition, perspectives, risques et applications concrètes

Olivier de Lagarde

Buzzword du moment, le « futur d’Internet », le « Graal des interactions sociales », le « metaverse » ou « métavers » en bon français est, selon Bloomberg, une opportunité de marché de 800 milliards de dollars en 2024 pour les principales entreprises de jeux, de divertissement en ligne et de médias sociaux qui s’attaqueraient aux événements en direct et aux publicités.

Après la blockchain ou les cryptomonnaies, le métavers est-il cette nouvelle opportunité commerciale ? Entre monde parallèle et illusion, Olivier de Lagarde, président du Collège de Paris et cofondateur du Metaverse College, pose quelques jalons qui permettent de clarifier le débat, de saisir les opportunités émergentes et de mieux appréhender les risques du métavers. 

Julien Merali : Pouvez-vous expliquer le métavers à ma grand-mère ?

Olivier de Lagarde : C’est une réalité virtuelle connectée. Peut-être avez-vous joué à MINECRAFT, c’est un métavers un peu dégradé mais c’est un métavers. Un endroit avec un avatar, jumeau numérique, et vous vous déplacez dans un univers virtuel que vous pouvez vous-même construire, modifier et avec lequel vous pouvez interagir avec d’autres.

Un peu comme les Sims ?

Olivier de Lagarde : Les Sims, c’est le début du métavers. Il y avait cette notion d’Avatar et une possibilité de modifier son environnement mais une possibilité qui était encore très limitée. Alors qu’elle va être quasiment infinie dans les Métavers.

Un autre exemple tout simple : imaginons la réunion de ce soir ! Au lieu d’être connectés par teams et de voir des écrans, imaginons que l’on soit tous représentés par chacun un avatar en trois dimensions qui nous représenterait, qui s’installerait autour d’une table virtuelle dans un décor virtuel et qui, comme on le fait en ce moment, échangerait.

C’est typiquement ce que va nous permettre le métavers demain.

Et peut-être faut-il dire que si vous avez du mal à y rentrer, c’est à la fois parce que ça existe déjà – que vous y avez déjà été en jouant, puisque le gaming est l’univers le plus avancé – et en même temps, que le métavers en tant que tel, ça n’existe pas.

Il y a « des » métavers qui vont être proposés par différents acteurs ; Sandbox, Meta Facebook et on peut aujourd’hui aller dans ces différents univers.

Mais ces continents-là sont séparés pour le moment.

C’est un univers virtuel certes, mais j’y vais comment ? Où est la porte d’entrée ?

Olivier de Lagarde : Comme pour Minecraft ou Facebook. On s’inscrit, on rentre son identifiant, son mot de passe et puis là, on va rentrer dans un univers virtuel. On va vous demander de créer un avatar et vous allez renseigner un certain nombre de caractéristiques pour, soit vous ressembler le plus possible, soit ressembler à ce que vous aimeriez être. Et puis vous allez comme ça interagir.

Alors certains métavers vont nécessiter l’utilisation de casques. C’est le cas pour des applications proposées par Meta. D’autres vont proposer des modes dégradés où certains pourront se connecter depuis un simple portable et d’autres, avec des outils de réalité virtuelle.

Mais ce n’est pas plus compliqué de se connecter à un métavers que de rentrer aujourd’hui dans n’importe quel espace sécuritaire. 

Vous tapez par exemple Sandbox et vous allez pouvoir rentrer dans cet univers-là qui est assez prisé. C’est une bonne expérience surtout pour un public de professionnels parce que Sandbox est un métavers qui est très axé vers des marques et notamment les marques de luxe françaises.

En se promenant dans cet univers, c’est une assez bonne application de ce que pourrait donner votre business.

Vous pouvez aussi vous connecter à Kwark Education pour voir ce à quoi peut ressembler un univers virtuel.

Vous pouvez également vous intéresser à tout ce que fait le gaming où là, vous allez trouver beaucoup d’applications très poussées de réalité virtuelle. Et dès qu’il y a réalité virtuelle et la possibilité que plusieurs personnes s’y connectent, on est dans le métavers.

Pourquoi avoir créé le Metaverse College et à quelles compétences je fais appel quand je suis DSI, RSSI ou autres pour ne pas louper ce virage technologique ?

Olivier de Lagarde : Dans le Collège de Paris, vous avez 20 écoles dont l’Ecole Conte qui est une école design textile et c’est un designer qui, le premier, nous en a parlé. On a commencé à s’intéresser au sujet et puis Mark Zuckerberg a annoncé non seulement que le métavers était un enjeu fondamental pour lui mais aussi que le groupe Facebook s’appellerait Meta et que cela devenait leur ligne stratégique majeure.

Nous, ce qu’on aime bien faire dans la formation quand on a un truc comme ça, c’est de soulever le moteur et de voir ce qu’il y a dedans concrètement ; c’est-à-dire quel métier, quelles compétences va avoir besoin une boîte qui veut se lancer là-dedans. Et l’on a trouvé en fait, des composants que l’on connaissait déjà. 

On a vu qu’il y avait besoin de designers, de gens qui savaient concevoir des espaces en trois dimensions, donc des architectes 3D et cela ça tombait bien puisque l’on en formait au sein de l’École Bleue, qui est l’école de design globale du groupe.

On a trouvé qu’il fallait des développeurs de réalité virtuelle et on en forme chez Digital College ou dans nos écoles informatiques, dans l’Open IT.

On a trouvé des spécialistes de réseaux, d’infrastructures dans nos écoles techniques.

On a trouvé qu’il fallait des gens qui connaissent les clés du marketing digital pour imaginer les applications business du métavers. On a cela chez Ascencia ou chez Digital College.

Bref, on a composé avec ces différentes compétences.

Alors pour répondre à votre question, j’invite les DSI à poster des offres en alternance auprès du Metaverse college. Mais au-delà, c’est vraiment dans la famille du design, dans la famille du développement du code de l’IT et dans la famille du marketing digital qu’ils vont trouver les bonnes briques de compétences pour créer les meilleures équipes projets sur ces sujets-là.

Quelle est la taille du marché aujourd’hui ?

Olivier de Lagarde : C’est difficile à dire parce que tout dépend de ce que vous mettez dans le marché du métavers. Les perspectives sont très importantes. Il y a des cabinets stratégiques comme McKinsequi parlent de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Donc, il y a des ambitions fortes aujourd’hui.

Par exemple, si vous prenez tout l’univers du gaming connecté, si vous considérez que le secteur des jeux vidéo est la préfiguration du métavers, on parle déjà en milliards de dollars.

Si vous prenez des applications qui ont été designés comme ça, on est plutôt autour du milliard. 

Mais c’est très difficile à évaluer parce qu’il y a une question de périmètre.

Demain, chacun peut-il créer son métavers ?

Olivier de Lagarde : Bien sûr ! Ça, c’est bien important à comprendre. C’est plusieurs univers et il y a beaucoup de projets dans les cartons. Il y a des métavers qui vont être créés et il y a les gens qui vont vouloir le faire. Donc, c’est ouvert.

Et puis, si cela peut s’ouvrir à des métiers en particulier. Je reprends l’exemple de Kwark Education. Voilà des gens qui ont voulu créer un métavers pour les universités et donc ils ont créé un univers qui était plutôt dédié à ça. 

Je trouve que le modèle est plus intéressant quand on va faire rencontrer des mondes séparés justement : quand un acteur de l’éducation, un acteur du luxe, la Gendarmerie nationale, etc. vont aller choisir un métavers et vont se mettre dessus.

Ce qui va être très intéressant à suivre dans le futur, c’est quels vont être les acteurs dominants. La meilleure analogie que l’on peut trouver, c’est ce que l’on a vu sur les réseaux sociaux. On a vu des espèces de préfigurateurs que l’on a oublié comme Friendset. On a vu l’émergence d’un méta acteur qui était Facebook dont on a eu l’impression que c’était le seul réseau social et puis on a vu très rapidement qu’avec l’effet de génération, le fameux effet des jeunes qui ne voulaient pas être sur le même réseau social que leurs parents, d’autres sont apparus comme Snapchat, Twitter, Instagram, TikTok. 

Et finalement aujourd’hui, on a une pluralité de réseaux sociaux. On peut imaginer qu’il va se passer un peu la même chose avec les métavers.

Olivier de Lagarde : Mais est-ce que l’on a des cas d’usage véritablement concrets aujourd’hui dans le métavers, où il y a une valeur ajoutée finalement ?

Un cas d’usage important, c’est Simango, une entreprise qui fait du métavers pour la formation en santé.

Ils font des formations aux gestes chirurgicaux, aux gestes médicaux qui permettent à des praticiens, des soignants, des infirmières de s’entraîner des dizaines voire des centaines de fois à certains gestes élémentaires.

Donc là, vous avez la valeur ajoutée de la réalité virtuelle. Ensuite la valeur ajoutée du métavers est que cette formation va pouvoir être faite avec un formateur et d’autres personnes. Et donc, on va avoir à la fois, je m’entraîne et je m’entraîne avec d’autres.

Olivier de Lagarde : Il y a aussi un grand sujet avec le métavers qui est l’aspect législatif, notamment sur le sujet d’usurpation d’identité. Quel est ce cadre ?

Olivier de Lagarde : Aujourd’hui dans le métavers, il y a à la fois, de l’existant du risque et puis, du nouveau. L’existant législatif est à l’identique de ce qui s’applique aux réseaux sociaux : les questions de fausse identité, la responsabilité de vos propos, la diffamation, la propagation de fausses nouvelles, les méthodes automatisées, le harcèlement, etc. 

Ce qui est nouveau, c’est plutôt le risque d’usurpation d’identité qui se trouve renforcé. On a tous entendu parler du deepfake, (pratique qui consiste à truquer une photo ou une vidéo est généralement utilisée dans le but de nuire à la personne mise en scène en lui imaginant un comportement ou des propos falsifiés). Aujourd’hui, c’est un risque qui était jusqu’ici très virtuel parce que cela nécessitait un niveau technologique qui n’était pas à la portée de l’immense majorité des pirates.

Dans le métavers, cela va devenir beaucoup plus simple de fabriquer un faux avatar et donc les risques d’usurpation d’identité vont être encore plus élevés à surveiller.

Et puis, il y a un autre risque qui est à la frontière du droit et de la psychologie qui va être justement la déresponsabilisation.

Vous connaissez l’histoire du mythe de Gygès chez Platon ; c’est un berger parfaitement vertueux qui trouve un anneau qui le rend invisible et là, il devient la pire des crapules. 

En fait, on va tous être des bergers de Platon avec cette affaire-là. C’est-à-dire que l’on va tous avoir le sentiment que l’on peut faire à peu près tout et n’importe quoi sous une fausse identité.

Ça ne me fait pas tellement plus peur que ce que je vois déjà aujourd’hui dans les réseaux sociaux, avec le la propagation des fausses nouvelles. On va être, dans les années qui viennent, devant des problèmes colossaux de vrais et de faux et le métavers va encore renforcer ce risque.

Les DSI subissent des attaques quotidiennes en termes de cybersécurité et aujourd’hui, on leur demande de mettre leur entreprise dans le métavers. Comment peuvent-ils gérer cela.

Olivier de Lagarde : Retours aux fondamentaux. Les responsables sécurité gèrent des questions d’accès, donc là, c’est la même chose. Si on transpose les fondamentaux de la sécurité informatique, le métavers ne sera pas plus ou moins dangereux que les systèmes actuels.

Le vrai risque est d’oublier les fondamentaux de la cybersécurité.

Ce qui est à construire, c’est surtout les cas d’applications encore une fois. Mais le cadre légal existe déjà. Le premier problème, c’est l’usurpation identité et après, le comportement que vont avoir les gens avec leurs avatars. Et là, il va falloir insister mais la formation est la clé aussi pour apprendre aux gens à ne pas dire et à ne pas écrire n’importe quoi parce qu’ils se sentiraient déresponsabilisés, parce que ce n’est pas leur personne physique qui est en jeu.

Cela va devenir quelque chose d’important dans l’éducation de nos enfants, de nos jeunes et aussi probablement dans la formation des collaborateurs quand ils devront représenter leur entreprise dans le métavers, dans une réunion, un événement ou une manifestation.

Quand est-il de la sobriété énergétique du métavers ?

Olivier de Lagarde : Oui, de ce point de vue, il n’y a pas de bonnes nouvelles. C’est énergivore quand vous chargez beaucoup de données et la réalité virtuelle évidemment, c’est extrêmement gourmand. 

Plus que jamais, il faut que les questions d’utilisation responsable du numérique se posent. Que cela soit utilisé à bon escient dans les bonnes circonstances et que tout ce que l’on peut faire pour avoir des choses qui sont plus économes sur le plan de consommation d’énergie soient appliquées au métavers. Parce que l’on n’empêchera pas le truc de se développer. Donc, il faut déjà se demander comment on va l’utiliser de manière responsable.

Et deuxième élément de réponse, c’est de pondérer l’impact carbone entre cette consommation énergétique et ce qu’un événement, une réunion, une manifestation aurait eu comme impact énergétique dans la vie réelle.

Si je pense à une conférence internationale, il y a là potentiellement des économies d’énergie avec le métavers.

Propos recueillis par Julien Merali, Général Manager du Pôle IT d’Agora Managers

A suivre également dans cette émission, La minute légale sur le thème « the code is low » par Fabrice Degroote du cabinet d’avocats Simon et Associés et la minute Benchmark sur « le top 5 des investissements technologiques des DSI en 2022 » par Philippe Albrecht, président de Qwanza.

  • Le Collège de Paris est une communauté d’une vingtaine d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de formation professionnelle qui forme 14 000 étudiants et 30 000 adultes par an.
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