MOBILITÉ - FLOTTE AUTO

Accompagner la transformation électrique d’un parc auto : cas d’usage

EDF

Comment de grandes entreprises convertissent leur parc automobile à l’électrique ?

Fin 2017, EDF devient la première société française à rejoindre le projet EV100 et s’engage à convertir l’intégralité de son parc automobile à l’électrique d’ici l’horizon 2030. 

Le programme EV100 a été initié par The Climate Group, une organisation non gouvernementale créée en 2004 par l’ancien Premier ministre Tony Blair, et qui a pour ambition de favoriser la transition de nos sociétés vers une économie décarbonée. 

Pascal Pavard, Responsable du projet d’électrification de la flotte du groupe (projet EV100) chez EDF, partage son expérience sur ce projet EV100 et l’offre mobilité électrique des salariés du groupe dont il a la charge.

Un cas d’usage propre à susciter l’émulation et la montée en conviction pour d’autres grandes entreprises.

Christophe Bourroux : EDF, tout le monde connaît, mais rappelez-nous, combien de salariés et combien de véhicules dans sa flotte ?

Pascal Pavard : Le groupe EDF au niveau mondial, c’est 165 000 salariés et on a 45 000 véhicules répartis dans 28 pays à travers le monde.

90% de ces véhicules sont en France.

Christophe Bourroux : Vous êtes l’une des rares entreprises françaises à s’être lancée dans ce projet EV100. Dites-nous tout !

Pascal Pavard : C’est une initiative de l’ONG The Clamed Group lancée en septembre 2017 à la Climate Week de New York. 

Et le groupe EDF a été la première entreprise française à s’engager dans cette initiative qui a pour objectif d’électrifier la flotte de véhicules légers du groupe d’ici 2030, sous réserve, bien sûr, d’avoir une offre de marché en adéquation avec nos cas d’usage.

Et dans les cas d’usage, il y a bien sûr l’aspect adéquation par rapport aux besoins de transport de matériel et de personnes mais également en termes de TCO puisqu’il faut que cette électrification se fasse avec les objectifs qui ont été donnés par le Comex d’EDF :

1 l’électrification d’ici 2030, 

2 que cette électrification se fasse à TCO identique, c’est-à-dire que le TCO de la flotte électrifiée – progressivement d’ici 2030 – soit inférieur ou égal à celui qu’il aurait été si nous avions conservé une flotte thermique – et donc là, on est sur la période 2019-2030.

Christophe Bourroux : Etiez-vous obligés de passer par une ONG pour avoir ces objectifs-là ? 

Pascal Pavard : On aurait pu le faire seul mais c’est beaucoup mieux de le faire avec une ONG parce que, derrière, il y a d’autres entreprises qui s’engagent.

Aujourd’hui, il y a 130 entreprises dans le monde qui ont signé l’initiative EV100 et en France, il y a EDF, Schneider Electric et Capgemini .

L’intérêt que l’on a, c’est qu’il y a le partage d’expérience au niveau mondial qui est organisé par The Clamed Group, qui nous permet d’avoir des retours très intéressants.

Christophe Bourroux : Est-ce que c’est compliqué à mettre en place ?

Pascal Pavard : Alors, c’est un changement radical au niveau d’une flotte qui a énormément d’impact. D’abord, il y a le changement de véhicule et en mode électrique, cela nécessite une infrastructure de recharge. Et ça, c’est important parce qu’il faut avoir l’infrastructure de recharge au moment où le véhicule arrive.

Et là, dans les entreprises, on a en général deux entités qui sont en charge de cette électrification : d’abord le gestionnaire de flotte. Mais lui, c’est du remplacement de véhicule et ce qui est important, c’est de voir le dispositif de recharge en adéquation au cas d’usage.

Mais on a aussi le gestionnaire d’immeuble – et ça, c’est nouveau pour lui – qui est là pour superviser l’installation des infrastructures de recharge.

Christophe Bourroux : Quelle est la règle ? Une voiture, une borne ? Quel est le ratio ?

Pascal Pavard : Pour EDF et les véhicules professionnels, c’est un pour un. Mais ce point de charge peut être, soit sur le site de travail, soit à domicile.

Mais on a aussi de la recharge pour les véhicules personnels des salariés qui viennent au travail en véhicule électrique et là, on est sur un ratio de 1 pour 5, c’est-à-dire que l’on considère que, avec les véhicules d’aujourd’hui, qu’en une journée de recharge au travail, on a suffisamment d’autonomie pour une semaine de trajet domicile-travail.

Christophe Bourroux : Vous ne payez pas cher l’électricité…  

Pascal Pavard : Sur les sites EDF, l’électricité est au même prix que les autres industriels. Il y a juste une taxe que l’on ne paie pas…

Christophe Bourroux : Est-ce que vos véhicules d’intervention sont électriques ?

Pascal Pavard : On peut en avoir mais le seul bémol est sur les véhicules d’intervention d’urgence suite à un événement climatique majeur. C’est la force d’intervention rapide d’électricité d’Enedis. C’est la force d’action rapide nucléaire.

C’est d’ailleurs l’un des points sur lesquels nous n’avons pas pris d’engagement avec The Clamed Group. Cela représente 12% de notre flotte.

En revanche, sur des véhicules intervention d’astreinte classique, on peut électrifier à partir du moment où le cas d’usage est solutionné : par exemple, des véhicules d’astreinte de centrales nucléaires. Ils sont en train de passer en 100% électrique. Nous n’avons pas de problème d’adéquation de cas d’usage. On a mis en place les infrastructures de recharge sur les centrales et on a d’autres solutions si nécessaire. Donc c’est vraiment sécurisé à ce niveau-là.

Christophe Bourroux : Est-ce vous avez des points de recharge rapide ou longue ? 

Pascal Pavard : Quand on analyse les cas d’usage, évidemment on a l’autonomie du véhicule qui est prise en compte, sa capacité de recharge et sa vitesse de recharge possible et les infrastructures que l’on doit mettre en place.

Et pour certains cas d’usage comme le véhicule d’astreinte, on a besoin de recharge rapide s’il y a une intervention d’urgence la nuit… Et on a au catalogue des véhicules qui ont une capacité de recharge rapide et ultra rapide.

Christophe Bourroux : Quels sont les véhicules que vous avez au catalogue.

Pascal Pavard : Vous voyez la photo derrière moi, on a beaucoup de Zoé.

Christophe Bourroux : Comme vous êtes une entreprise française, nationale, est-ce que vous avez l’obligation d’acheter que des voitures françaises ?

Pascal Pavard : Non, pas que des voitures françaises, mais on s’approvisionne qu’en Europe. C’est notre façon de faire sur le véhicule électrique. On a des Volkswagen, des Skoda… 

Au niveau mondial, EDF a la première flotte de véhicules électriques dans les entreprises qui ont signé l’EV100.

Et pour la troisième année consécutive, on a la flotte qui a le plus augmenté en volume de véhicules électriques avec 22,6% d’électrification de la flotte à fin décembre 2022, ce qui représente plus de 10 000 véhicules électriques dans la flotte du groupe au niveau mondial.

Christophe Bourroux : Quel est le taux de satisfaction dans l’entreprise ?

Pascal Pavard : C’est bien perçu mais on a bien sûr des choses à améliorer et on a un travail important sur la conduite du changement.

Je suis d’ailleurs en binôme avec la cheffe de projet conduite du changement de la mobilité électrique du groupe et on travaille sur cette communication, sur les formations liées à cette électrification.

Et le fait que j’ai aussi en charge l’offre mobilité électrique au salarié, c’est évidemment un point intéressant puisque, si on a des salariés qui, à titre personnel, ont un véhicule électrique, la conduite du changement est plus facile au niveau professionnel.

A l’été 2022, 20% de salariés d’EDF et d’Enedis avaient un véhicule électrique, c’est-à-dire 10 fois la moyenne des Français. 

En ce qui concerne les offres salariés, il y a des offres de véhicules électriques avec les constructeurs. Et il y a des offres de borne de recharge domicile avec IZI by EDF.

Et puis, il y a des offres de Pass IZIVIA pour les salariés. Aujourd’hui, on a dépassé les 3 000 véhicules électriques achetés par les salariés dans le cadre de cette offre. Sur ces 3 000 véhicules électriques, on a des offres de véhicules 100% électrique et de véhicules hybride rechargeable et plus de 96% de ces véhicules commandés par les salariés sont des véhicules 100% électrique.

Christophe Bourroux : Quel est aujourd’hui votre retour d’expérience sur cette électrification du parc ?

Pascal Pavard : Le premier point que l’on a eu à traiter, c’est la liaison entre le gestionnaire de flotte et le gestionnaire d’immeuble.

On s’est retrouvé avec un gestionnaire de flotte qui avait commandé et reçu des véhicules et il n’y avait pas les bornes parce que le gestionnaire d’immeuble avait fait un arbitrage.

Donc, il y a une grande communication, un gros travail à faire avec les gestionnaires d’immeubles pour bien leur expliquer que quand on commande les véhicules, il faut qu’il y ait les bornes. Et cela nous a coûté cher parce que les véhicules électriques qui étaient là, il fallait les payer avec des loyers mensuels de location longue durée et qu’il a fallu louer en court et moyenne durée des véhicules thermiques parce que l’on ne pouvait pas utiliser ces véhicules électriques.

Donc le gestionnaire de flotte doit être bien en relation avec son gestionnaire d’immeuble.

Christophe Bourroux : Cela a été une surprise pour vous que cela ne suive pas ?

Pascal Pavard : Alors cela a été une surprise parce que l’on avait bien ce point là. Mais il y a eu un suivi et une coordination entre le gestionnaire de flotte et le gestionnaire d’immeuble qui n’ont pas été suffisants.  

Maintenant, cela se passe bien. A fin 2022, on avait 10 400 véhicules pour 11 400 points de charge opérationnelle au sein du groupe.

Christophe Bourroux : En termes d’investissement, c’est de quel ordre ?

En fait, ce qui compte pour le COMEX, sur la période 2019-2030  c’est que le TCO de la flotte électrifiée soit inférieur ou égal à celui qu’il aurait été si on avait conservé des véhicules thermiques. Aujourd’hui, on n’y est pas tout à fait mais on est à moins de 5% des cas.

Christophe Bourroux : Parce que les bornes coûtent très chères !

Pascal Pavard : Cela coûte très cher mais, quand on a une borne sur son site, cela coûte 3 euros au 100 km d’électricité pour une voiture électrique.

Christophe Bourroux : Quel est le ratio que vous avez économisé en carburant classique ? 

Pascal Pavard : Quand on regarde le TCO, on a un certain nombre de postes à comparer. Sur le poste de location longue durée, le véhicule électrique est plus cher puisque les loyers des véhicules électriques sont plus élevés que ceux des véhicules thermiques. Après, il y a la partie carburant où là, il y a une différence énorme. C’est un tiers d’électricité par rapport au carburant pétrolier pour les véhicules.

Ensuite, on a la partie maintenance où, là aussi, le véhicule électrique est moins couteux. Je dirais deux tiers du coût du véhicule thermique.

Christophe Bourroux : Est-ce que l’on fait toujours moins de kilomètres avec un véhicule électrique ?

Pascal Pavard : Pour l’instant, on fait moins de kilomètres, mais on travaille pour améliorer cela. Et ce travail, il se fait dans la mise en place d’un autopartage de véhicules électriques. On commence à avoir des résultats tangibles : il n’y a pas photo entre un véhicule électrique et un véhicule thermique puisque, plus le véhicule électrique roule, plus il est rentable par rapport au thermique.

Christophe Bourroux : Qu’en est-il de la sinistralité en électrique ?

Pascal Pavard : Pour l’instant, on ne peut pas dire que l’on ait des résultats probants mais en tout cas, on n’en a pas plus.

 Christophe Bourroux : Le projet ev100 concerne tous les pays ? 

Pascal Pavard : Aujourd’hui, le projet ev100 couvre plus de 98 % des salariés du groupe au niveau mondial. La France, la Grande-Bretagne et la Belgique sont les trois pays qui sont le plus en avance actuellement au sein du groupe .

Le pays où la flotte est la plus électrifiée du groupe, c’est Israël avec 50% de la flotte électrique. Mais c’est avec 40 véhicules.

Christophe Bourroux : Est-ce que votre offre mobilité électrique pour les salariés est décorélée du projet EV 100 ?

Pascal Pavard : C’est complémentaire. Cela s’inscrit dans un plus grand projet au sein du groupe qui s’appelle « Combattre le CO2 » et qui est piloté par la DRH et la direction impact du groupe. L’objectif est de proposer aux salariés des offres bas carbone avec de l’isolation de bâtiment, de la pompe à chaleur, du panneau solaire… des offres privilégiées d’EDF et dans ces offres, il y a la partie mobilité électrique.

Et il y a un troisième projet qui est très important au sein du groupe, c’est l’accord mobilité durable signé par l’ensemble des organisations syndicales du groupe dans lequel s’intègre l’EV100.

Un véhicule électrique au sens de EV100, c’est un véhicule électrique avec une batterie 100% électrique : cela peut être un véhicule hybride rechargeable mais avec à minima 50 km d’autonomie en électrique ; cela peut être un véhicule électrique avec un range extender toujours avec à minima 50 km d’autonomie en électrique. Et cela peut être un véhicule à hydrogène.

On a un peu moins de 20% de véhicules hybride rechargeable mais notre retour d’expérience est très mauvais sur ces véhicules et les salariés ont fait le choix avec 96% de véhicules 100% électrique.

Christophe Bourroux : Y-a-t-il des réfractaires à la voiture électrique ?

C’est vraiment une minorité.

On trouve encore des véhicules thermiques sur les places de véhicules électriques et donc, on est en cours de sensibilisation des salariés. Tout comme on sensibilise aussi les salariés au fait que, quand on a une voiture électrique que l’on ne charge pas, eh bien, on ne la laisse pas sur une place de véhicules électriques.

Vous le savez : quand vous proposez un véhicule qui correspond bien en cas d’usage et en autonomie, cela se passe très bien parce qu’un véhicule électrique, c’est très agréable à conduire.

Au début, quand on a dû adapter les usages aux véhicules, cela a été beaucoup plus compliqué. On a analysé 85% de nos cas d’usage, c’est-à-dire 38000 sur les 45000 véhicules. L’année dernière, on était autour de 40% des cas d’usage où l’on avait une solution. Fin 2022, on était à 67%. Et fin 2023, on vise 80%.

On est passé à ces chiffres parce que l’on a rajouté courant 2022 des véhicules longue range, plus de 500 km d’autonomie pour les grands rouleurs.

Et en plus, fin 2022, on a finalisé tout le travail sur la recharge à domicile des salariés qui ont des maisons individuelles.  

Christophe Bourroux : Dans ce cas des recharges à domicile des salariés, comment cela se passe ?

Pascal Pavard : Sur des véhicules de fonction, la borne va être propriété du salarié. Il commande auprès d’Izy by EDF et il y a une participation de l’employeur. 

Sur un véhicule de service, la proposition du groupe est d’installer au frais de l’entité concernée, une borne au domicile du salarié. Mais il ne peut pas recharger son véhicule personnel sur cette borne. Et donc, la première option est intéressante. 

Christophe Bourroux : Et comment je fais si j’habite en centre-ville ?

Pascal Pavard : Le gros dossier, c’est la recharge en habitat collectif et on travaille dessus. On a bon espoir d’avoir une solution industrialisée d’ici la fin de l’année.

Pour les gestionnaires de flotte, c’est l’offre Izivia intra-groupe qui a en charge la mise en place des infrastructures de recharge en France.

Elle permet aux gestionnaire de flotte d’avoir en temps réel l’état de son installation puisque les bornes sont connectées, supervisée, au minimum V1G, c’est-à-dire capables de faire du Smartcharging, donc de positionner la charge au milieu de la journée.

Et on a des bornes V2G où l’on peut à la fois charger au bon moment mais également rendre de l’énergie au réseau au moment des pics de consommation.

Christophe Bourroux : Ma voiture va donc être une source d’énergie ! 

Pascal Pavard : Pour l’instant, on y travaille sur le B2B. Après, ce travail pourra servir également à ce qu’on appelle le véhicule to home qui permet de sécuriser l’alimentation d’une maison en cas d’incident : comme cela s’est passé aux États-Unis récemment ou il y a eu des tempêtes qui ont détruit le réseau ; on a vu que ceux qui avaient acheté par exemple des Ford T150, ont réussi à alimenter leur maison pendant une semaine avec leur véhicule électrique. Mais là, ce sont des très grosses batteries.

Christophe Bourroux : Donc ça, c’est le futur ?

Pascal Pavard : Alors, c’est le futur ! Pourquoi ? Parce que les véhicules électriques vont être capables d’optimiser le système électrique et RTE a indiqué qu’à terme, quand on aura 10 à 20 millions de véhicules électriques en France – et cela pourrait arrivé plus rapidement que prévu – eh bien, cela pourrait faire économiser entre 1 et 1,5 milliards d’euros par an au système électrique français. Donc, aux Français.

Christophe Bourroux : Et si tout le monde branche sa voiture électrique au même moment ? 

Pascal Pavard : Mettre du kilowatt-heure dans la voiture électrique ne pose aucun problème. Ce qui pose problème, c’est si tout le monde s’y met en même temps. Mais ça, c’est la même chose pour les stations-services.

Si tout le monde va à la station-service en même temps, ça sature. C’est exactement pareil pour le système électrique. Si tout le monde charge en même temps, démarre sa machine à laver en même temps, met son chauffe-eau électrique en même temps, cela ne va pas tenir. D’où l’importance du Smartcharging qui permet de moduler ces aspects-là. 

Interview réalisée par Christophe Bourroux, journaliste.
 

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