IT FOR GREEN / GREEN IT, comment réduire soi-même sa pollution numérique ?
La directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadre aujourd’hui les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes sera bientôt remplacée par une nouvelle directive, plus ambitieuse : la directive dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui s’appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024.
IT FOR GREEN : comment la technologie peut-elle contribuer activement à diminuer les émissions carbone ? / GREEN IT : comment réduire soi-même sa pollution numérique ?
Retex de Frederick MARCHAND, CEO de Digital4Better dont le logiciel Fruggr analyse l’impact environnemental des activités digitales des entreprises avec pour objectif de diviser par deux leur empreinte carbone numérique.
Et Xavier PERRET, Directeur Azure Microsoft France, qui annonce l’ambition de l’entreprise d’atteindre une empreinte carbone négative d’ici à 2030, et d’ici 2050, de retirer de l’environnement tout le carbone que nous avons émis de manière directe ou par notre consommation électrique depuis notre fondation en 1975.
Frederick, en quelques mots, Digital4Better ?
Frederick MARCHAND : C’est 50 experts au service d’une transformation numérique plus responsable. On accompagne les grandes entreprises dans leur feuille de route RSE/IT et notamment avec une plateforme qui est Fruggr qui va permettre de faire du pilotage ESG numérique.
IT for GREEN et GREEN for IT. Est-ce que l’on peut bien préciser ces termes-là ?
Frederick MARCHAND : IT for green, c’est l’IT au service de la transition écologique. Donc comment on peut concevoir des solutions IT qui vont permettre dans différents secteurs très variés de contribuer à la transition écologique.
Et le green for IT, c’est très clairement la transition écologique appliquée au numérique en tant que tel. Comment finalement décarboner le secteur numérique.
Quel est le contexte réglementaire autour du Green IT ?
Xavier Perret : Il y a un contexte réglementaire qui évolue. On navigue dans un contexte européen qui s’appelle la CSRD, la Corporate Sustainability Reporting Directive et qui concerne 50 000 entreprises en Europe.
C’est un rapport extra-financier, un reporting ESG qui va falloir mettre en place et qui va concerner les entreprises de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires de 40 millions. Et l’année prochaine, cela concernera les entreprises de plus de 250 salariés.
L’obligation sera de faire un reporting extra financier ESG de la même contrainte et de la même exigence qu’un reporting financier, qui va être structuré et audité par des commissaires aux comptes .
On va devoir garantir toute l’auditabilité des données, depuis la collecte à la transformation jusqu’à la publication*.
Est-ce que les entreprises sont prêtes à ce type de reporting ?
Frederick MARCHAND : Non, elles ne sont pas prêtes encore. Plusieurs raisons : déjà il faut savoir que le CSRD est relativement récent. Tous les indicateurs sont à peine spécifiés, donc c’est en cours.
Elles ont déjà commencé des reportings extra-financiers et elles font toutes généralement un rapport d’impact. Elles ont également des obligations en France avec la déclaration de performance extra-financière ou DPEF.
Le rapport durabilité européen va aller beaucoup plus loin et va nécessiter de la transparence et de la traçabilité. On va devoir gérer finalement une comptabilité environnementale, une comptabilité sociale et également des données de gouvernance.
Cela devient une exigence de rigueur extrêmement forte et aujourd’hui, là où les entreprises ne sont pas prêtes, c’est que c’est un sujet qui réunit plusieurs directions : à la fois la direction RSE qui est censée porter ces sujets ; la DAF qui s‘empare de cela parce que c’est un sujet de conformité et qui peut être opposable légalement. Et évidemment, la DSI qui a un rôle extrêmement clé à jouer et qui, aujourd’hui, est peut-être celle qui est le plus en retrait des trois finalement.
Les DSI sont extrêmement concernés mais je pense qu’ils attendent que cela s’éclaircisse un peu concrètement : que dois-je mesurer ? Comment m’insérer dans les différentes directions Daf, direction RSE, direction ESG ?
Dans les grands groupes, la plupart du temps, la direction ESG et la direction RSE sont des entités séparées.
Donc, comment la DSI va s’insérer alors qu’elle va avoir un rôle extrêmement clé à jouer. Et je parle d’ailleurs plus de transformation que de transition car elle va irriguer l’ensemble des directions de l’entreprise.
Xavier, quel est selon vous le ou les métiers qui doivent s’emparer du sujet. Tout le monde va avoir des comptes à rendre mais il faut bien nommer un capitaine ?
Xavier Perret : Tous les métiers sont effectivement concernés et selon moi, il y a presque deux capitaines :
Le directeur RSE ou ESG, le pilote métier et le CFO qui doit produire et garantir ce document.
Et puis, le DSI ou le directeur de la data puisque il y a plus d’un millier de data point à collecter, qui soient auditables, tracés. Donc, c’est tout un sujet de silos de données derrière.
Tout cela, il faut l’instrumentaliser et il faut aller les chercher ces données. Et un centre de KPI derrière qu’il va falloir publier. Donc, on va piloter finalement son ESG au-delà du rapport, comme on pilote une direction financière.
Donc, deux co-capitaines qui vont aller chercher des porteurs de données. Et à la différence peut-être du sujet de direction financière où l’on avait beaucoup d’activités commerciales, là, pas de bol, cela touche finalement toutes les entités ; de la Supply Chain, des commerciaux, le marketing évidemment…
Et sur tout ce qui est scope 1, scope 2, scope 3, sur ce qui est directement applicable et indirecte. On va toucher le marketing complètement, la façon de produire, les produits, les services.
Frédéric, quelles sont les parties les plus polluantes dans l’IT ?
Frederick MARCHAND : Aujourd’hui, l’endroit où il y a le plus d’émissions carbone est très clairement la phase de fabrication des équipements qui pèse pour 79 % de l’empreinte carbone du numérique, environ 16 % des centres de données et 5 % des réseaux.
Au-delà du fait que cela pèse quand même 10 % de l’électricité mondiale, la dernière étude Ademe Arcep montre un scénario où l’on va alourdir de 45%, l’empreinte du numérique d’ici 2030.
Et c’est un scénario presque optimiste. Donc on voit très bien qu’à travers cette digitalisation à tout va, cet ensemble de terminaux, de toujours plus de Data, que le numérique est en train de jouer un rôle clé, à la fois dans les process de l’entreprise pour assurer sa résilience mais également de jouer un impact important dans l’empreinte de l’entreprise.
Cela devient un des sujets à traiter en termes d’empreintes environnementales que sociales.
Xavier, Microsoft annonce vouloir consommer l’électricité zéro carbone de façon totale en 2025. D’abord, que veut dire l’électricité zéro carbone et où en êtes-vous aujourd’hui ?
Xavier Perret : Alors il y a l’électricité zéro carbone, c’est-à-dire de pouvoir effectivement utiliser que de l’énergie renouvelable, etc. On a une ambition 2030 en étant net zéro, c’est-à-dire de ne pas utiliser un mécanisme de compensation carbone.
Et en 2050, d’effacer l’ensemble de la dette depuis la naissance de Microsoft sur l’aspect carbone.
Donc, il y a tout un chemin pour être vertueux sur l’ensemble de ces scopes et on fait déjà plein de choses : Passer au Cloud est déjà vertueux puisque nos datacenters utilisent mieux les serveurs avec de l’intelligence artificielle derrière.
Comment accompagne-vous aujourd’hui les entreprises dans ces mesures-là ?
Xavier Perret : Nous avons MSM, c’est une plateforme de données environnementales mise à disposition pour mettre en place ces plateformes de données.
C’est l’héritage de ce que l’on a fait pour nous-mêmes pour réduire nos émissions carbone. Ce sont des connecteurs de données qui permettent d’aller plus vite, construire ces premiers bouts de plateforme de données environnementales, et construire ce rapport ou même son pilotage derrière.
C’est comme un projet data et il faut le traiter comme un projet structurant avec un métier; la RSE ou l’ESG et puis le DSI de l’autre côté ou le CDO…
Frederick, pour un reporting extra financier ESG, qui pour collecter la donnée, CDO ou les Achats ?
Xavier PERRET, quels conseils donnez-vous pour un IT for green ?
Frederick MARCHAND, quels conseils pour être prêt en 2024 pour la CSRD ?
* Calendrier d’application de la directive CSRD et Catégories d’entreprises