IMMOBILIER - ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

Le Facility Management doit-il se réinventer ?

Retex de Virginie DEPARDIEU, Trésorière du SYPEMI et Pascale LAGARDE, Facilities and Real Estate Manager de TETRA PAK* (France and Benelux).

Après deux ans de Covid, le facility management qui a gagné en visibilité sous l’effet de la crise, doit désormais être plus agile et flexible autant sur les prestations multitechniques que l’ensemble des prestations de service.

Les responsables de l’environnement de travail ouvrent donc une nouvelle voie à un monde post-Covid. Un mouvement de fond en matière d’optimisation de l’organisation du travail, d’externalisation, de nouvelles coopérations avec les prestataires. Mais aussi de leur capacité à répondre à des enjeux de sécurité sanitaire et de qualité de vie au travail comme au domicile.

Une gouvernance plus engagée que jamais. Connaître les enjeux, les risques et les perspectives de ces nouvelles organisations sont donc au programme de ce rendez de l’Agora des Responsables de l’environnement de travail.

On va commencer par parler de la fréquentation et de la difficulté du taux de fréquentation qui est difficile à prévoir. Pascale Lagarde, comment regardez-vous ces sujets ? 

Pascale Lagarde : Les contraintes liées à cette pandémie nous ont obligés à nous adapter à un nouveau monde du travail, hybride je ne sais pas, en tout cas changeant, flexible et un peu difficile à anticiper. Le départ a été assez simple puisque l’on était en confinement et que personne ne venait. Le pic était au plus bas. La difficulté aujourd’hui, c’est de savoir comment on revient, à quel rythme, qui revient, quand et comment ? 

Tetra Pak avait déjà des accords de télétravail avant le Covid donc elle avait déjà cette flexibilité et cette organisation. Donc il a été un petit peu plus facile de s’adapter à ces changements un petit peu brutaux. Mais on n’avait pas envisagé une telle radicalité. La difficulté aujourd’hui, ce n’est pas de pouvoir s’adapter au fait de venir ou de ne pas venir. C’est d’anticiper sur le combien de personnes.

Aujourd’hui, nous n’avons pas repris notre phasage régulier puisque sur Paris, nous sommes en changement entre deux sites actuellement. On a continué à appliquer le fait de ne pas trop venir au bureau et nous n’avons pas encore ouvert le deuxième. Donc nous n’avons pas eu à manager cette foule qui viendrait ou pas mais cela a malgré tout une implication très importante sur les services que l’on va pouvoir offrir et comment les calibrer. Ce n’est pas le pic en lui-même, c’est comment calibrer le service que l’on va donner aux personnes qui viennent, ne pas les décevoir. Il faut matcher leur « expectations » et vraiment faire en sorte que l’on puisse leur donner ce qu’ils ont envie. On sait qu’à Paris, les gens préfèrent venir le mardi et le jeudi, mais c’est un travail de construction avec nos « FMeur », nos partenaires pour pouvoir avec eux s’adapter.

Virginie Depardieu,  comment observez-vous ces évolutions en cours ?

Virginie Depardieu : Les deux années que l’on vient de passer, pour l’ensemble des adhérents et de la profession, ont mis en lumière nos métiers.  Si vous prenez des prestations de service comme l’accueil, la propreté, ce sont des métiers dont on parlait peu. On s’est retrouvé du jour au lendemain à devoir accompagner nos clients sur les sites pendant cette période de pandémie, les remplacer certaines fois. Il a fallu dit-on se réinventer mais j’ai envie de dire que l’on a commencé depuis deux ans. En tout cas, pas réinventer notre métier, mais l’adapter. La flexibilité, elle est sur l’ensemble du métier. Le rôle du facility management, c’est aussi cette notion de pilotage et de coordination. Notre mission essentielle aujourd’hui, c’est de pouvoir continuer cette croissance d’activité sur le monde des services tout en accompagnant des prestations et des événements inconnus. 

Avez-vous des cas d’usage ?

Virginie Depardieu : Si vous prenez la prestation de propreté par exemple où vous avez 400 collaborateurs sur quatre plateaux, je viens. La question ne se pose pas, les besoins sont là. En revanche, quand vous avez que 200 collaborateurs le mardi et le jeudi, il ne faut pas omettre que derrière, il y a des agents de service qui sont là pour réaliser une mission et qu’il faut que l’on s’adapte à ces nouvelles demandes. Je parle de la propreté mais aussi du multitechnique, de tout ce que l’on peut être amené à faire au quotidien, aussi bien pour le bâtiment, la gestion du bâtiment que les occupants. Leur donner envie de revenir. Les gens avaient jusque-là une crainte à revenir au bureau. Cela va peut-être changer dans les jours prochains mais le rôle des acteurs de l’écosystème du facility management, c’est d’accompagner ce changement.

Quelles sont les demandes de vos clients ?

Virginie Depardieu : Aujourd’hui à l’instant T, il y a trois axes. Le premier, on nous demande de faire des économies.

Le deuxième, c’est la flexibilité dans nos prestations, dans notre réactivité, dans le pilotage. La difficulté, c’est qu’en France, le facility management, contrairement à d’autres pays, est un métier qui n’est pas assujetti à une seule convention collective. Si vous prenez les acteurs du SYPEMI, il y a six conventions collectives. Donc il ne faut pas faire n’importe quoi et travailler ensemble dans un vrai partenariat avec nos clients pour adapter au mieux l’avenir du facility management sur les valeurs ajoutées.

Le troisième axe, ce sont les valeurs ajoutées du FM. C’est d’ailleurs l’un des grands sujets du SYPEMI de l’an dernier avec un livre blanc que je vous invite à télécharger . Et là, on en sort un sur les KPI’s de la valeur ajoutée du FM qui va nous permettre aussi d’avancer.

Pascale Lagarde, la flexibilité, c’est l’un des sujets principaux que vous portez ?

Pascale Lagarde : C’est le sujet principal après les coûts. Comment peut-on s’adapter aussi bien sur les espaces, sur les services, sur tout ce qui est l’environnement de travail, la mobilité, le travail de la maison, le travail du bureau. Il y a différentes strates mais à chaque fois, on retombe sur la flexibilité et comment la construire avec nos partenaires.

Cette coopération, c’est la base. On ne peut pas demander aux partenaires : « aujourd’hui j’en ai deux. Demain, journée sans, donc tu t’arranges ». Cela doit être anticipé ensemble…

Comment fait-on pour répondre à ces demandes de flexibilité ?

Virginie Depardieu : Il faut surtout s’adapter et communiquer avec nos prescripteurs, échanger avec les professionnels du métier pour trouver les meilleures issues et construire des nouveaux services associés. Parce que les gens sont au bureau mais travaillent aussi chez eux. Donc il faut aussi leur apporter du service et de la valeur pour cet environnement-là que l’on connaît moins. 

Aujourd’hui il y a un gros travail à faire avec des syndicats comme le SYPEMI, en collaboration avec des prescripteurs, pour faire évoluer ce métier sur des sujets en coconstruction.

Pascale Lagarde : Notre métier est rentré chez le particulier, chez l’employé, donc on travaille sur l’ergonomie de leur poste de travail, de leur mobilité quand ils viennent au travail. On a toujours eu du télétravail mais là, il est systématisé et cette empreinte que l’on peut avoir sur les gens est beaucoup plus prégnante qu’elle ne l’était avant la pandémie.

On parle aussi de polyvalence et donc de nouveaux métiers qui sont inhérents à cette polyvalence. Quel regard que vous portez-nous sur cette notion hybride ?

Pascale Lagarde : Si on parle de la polyvalence par rapport aux prestataires et à la délivrance du service, la flexibilité, oui, la polyvalence, j’y mets beaucoup de limites. Même si, lorsque je travaillais du côté FM, j’ai eu une cliente qui m’a demandé si le monsieur du ménage ne pouvait pas venir faire l’accueil. Non ! l Tout le monde peut faire tout et apprendre n’importe quoi dans l’absolu mais les horaires ne correspondent pas et les capacités peuvent correspondre par hasard mais chacun à son métier.

Alors oui, on peut faire en sorte que quelqu’un qui s’occupe du nettoyage nous dise qu’une lumière ne fonctionne plus et qu’il y ait une interaction avec l’équipe de maintenance. Mais ce n’est pas cette personne-là qui va aller changer l’ampoule. La personne qui fait la maintenance de l’ascenseur ne va pas venir à l’accueil faire le réceptionniste. La polyvalence oui, mais pas la substitution. On peut élargir le scope en intégrant peut-être un sens du service sur certains métiers où l’on était plus sur une vision très technico-technique, où l’on va faire augmenter cette capacité à ressentir le besoin de l’employé du final utilisateur..

Virginie Depardieu : … Sur la sécurité sanitaire comme pour la RSE, il faut réécrire l’histoire, créer de nouveaux métiers, former à des nouveaux métiers en prenant en compte les attentes qui sont les nôtres aujourd’hui parce que l’on ne peut plus travailler effectivement de la même façon.

Est-ce qu’il vous arrive de vous inspirer de modèles hors du territoire national.

Virginie Depardieu : On mène une grosse étude au SYPEMI sur différents pays dont le UK, précurseur en facility management, mais qui n’a pas les mêmes contraintes sociales. En Italie, on voit bien que la polyvalence des équipes va beaucoup plus loin que nous. Donc on en train de travailler avec un consultant pour voir ce qui est envisageable en France par rapport à ce que l’on a pu étudier à l’étranger.

Evidemment, il s’agit de faire extrêmement attention aux enjeux sociaux de nos collaborateurs mais quand même de faire évoluer notre métier parce qu’on est attendu sur ce sujet-là et que l’on ne peut plus rester dans un contexte d’il y a deux ans.

Quel faudrait-il faire évoluer en priorité dans le facility management ?

Pascale Lagarde : Justement ce benchmark qui doit être fait sur les autres pays. Pour avoir un petit peu l’habitude de travailler sur d’autres pays, je suis souvent confrontée à cette difficulté-là où on ne comprend pas pourquoi on peut développer certaines choses dans les autres pays et pas en France. Le côté réglementaire, très bien, cela protège, mais en temps, cela ne doit pas être un frein à l’évolution. C’est ici le noeud de la chose et c’est ce que je changerais en priorité : une agilité, une flexibilité, apprendre des autres pays où il se passe des choses bien, aussi.

Les objectifs du SYPEMI pour 2022 ?

Virginie Depardieu : Travailler sur l’interopérabilité entre tous ces métiers. Il y a aussi un fort enjeu attendu, c’est sur le facility management sur les marchés publics. On doit aller sur les territoires, sur les marchés.

On doit continuer à travailler sur les valeurs ajoutées du FM, continuer à faire évoluer notre métier et nous avons la chance d’avoir 24 adhérents hyperactifs. C’est aussi de continuer à travailler en collaboration avec les fédérations de métiers qui sont inclus dans le facility management et des prescripteurs qui nous accompagnent au quotidien.

Le SYPEMI est le Syndicat des professionnels du Facility Management qui déploie des prestations de services, de maintenance et de gestion technique et administrative d’ensembles immobiliers tertiaires, commerciaux, industriels ou publics. Il représente 24 adhérents, 150 métiers, 90 000 Emplois pour 85% du marché français et 14,5 Milliards CA.

Tetra Pak, entreprise suédo-suisse basée en Suisse est le leader mondial en solutions de transformation et de conditionnement de produits alimentaires (Produits laitiers, boissons, crème glacée, fromage, aliments​, légumes et aliments pour animaux de compagnie). Elle vend également des solutions intégrées (Solutions de traitement, de conditionnement et de service).

Tetra Pak, présent dans plus de 160 pays à travers le monde, c’est 11 milliards de ventes nettes en 2020, 25 000 collaborateurs, 53 usines de production, 183 milliards d’emballages vendus.

Propos recueillis par Linda Labidi, journaliste Agora Médias

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