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Data Anarchy, Data Monarchy, Data Aristocracy ? Quid des avantages de la Data Democracy ?

Orange France

Comment aider l’entreprise à atteindre ses objectifs dans ses KPI importants, chiffre d’affaires, réduction des coûts, croissance de la satisfaction client, NPS, grâce au levier Data, IA et Automatisation

Retour d’expérience de Brice MIRANDA, Adjoint Data, AI & Automation d’Orange France, qui, après 6 mois de mise en place de l’idée, d’inception avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème puis deux ans de mise en place opérationnelle, booste l’opération avec de la data democracy !

Comment est organisée la data chez Orange France ?

Brice Miranda : Il faut faire un petit historique. En septembre 2020, Orange France, la Business unit du groupe Orange en France, a pris la décision de monter un programme central dont l’objectif était d’aider l’entreprise à atteindre ses objectifs dans ces KPI’s importants – chiffre d’affaires, réduction des coûts, croissance de la satisfaction client, du NPS – grâce au levier Data, IA, Automatisation.

Donc, il y a un programme lean où nous avons d’abord défini nos orientations stratégiques, nos moyens, nos leviers d’action que l’on a fait valider par le top management, puis a suivi une phase de RFP (Request for Proposal) que ce soit sur la strate technologie, sur la strate de la transformation, sur la strate des cas d’usage, etc.

Et là, nous sommes dans une phase de delivery.

Qu’est-ce que l’on constate aujourd’hui après deux ans ? Nous délivrons des résultats très probants sur nos trois KPI principaux, chiffres d’affaires, baisse des coûts en OPEX et NPS.

Mais on sent qu’il y a dans le marché, comme chez nous, une forme de plateau avec la courbe du Hype (courbe décrivant l’évolution de l’intérêt pour une nouvelle technologie) qui commence un peu à inquiéter. On l’a vue dans certains articles qui sont sortis dans Les Echos.

Donc là, on sent que l’on a besoin de redonner un coup de boost et ce coup de boost passe par le concept de la data democracy.

Nous voulons vraiment démultiplier ce que nous avons fait dans les deux années précédentes.

Il faut vraiment un niveau de maturité. Ne vous lancez pas dans une démarche de data democracy, si votre corps business, vos experts n’ont pas délivré leur potentiel.

Nous, c’est que l’on a pensé que pour aller plus loin, on avait besoin d’ouvrir – on peut appeler cela « data driven company ».

Il faut donc un bon niveau de maturation. Il faut que cette démarche soit topée par le top management. Chez Orange, par le Comex Groupe – qui lui aussi avait lancé une data democraty – puis validée par le Codir Orange France.   

C’est plus qu’un passage à l’échelle finalement ?

Oui, parce que dans le passage à l’échelle, il n’y a pas la notion de Citizen Data Science que l’on veut vraiment développer, celle d’irriguer les métiers très profondément.

Cela implique beaucoup de choses que l’on va discuter ensemble. Je pense à la notion de self service dans la notion de Data démocratisation.

Donc, oui ça permet de passer à l’échelle mais derrière, c’est beaucoup plus complexe de juste écrire « passer à l’échelle ». 

Quand j’ai vu ce thème data anarchy, data monarchy, etc, je pensais avoir fait le tour des termes dans la data, Eh bien ! finalement non. Quelle définition donneriez-vous à la data democracy ?

C’est la capacité à donner, à mettre dans la main des équipes et des métiers profonds – pas des experts data – des outils en self service qui leur permettent d’aller délivrer de la valeur. Le tout dans un cadre et une gouvernance fédérée.

Je pense que j’ai posé tous les concepts de la data democracy telle que l’on a envie de la mettre en place chez nous.

Où en êtes-vous dans sa mise en place ? Cela veut dire que finalement, vous allez mettre des « citizens » dans chaque branche métier ? 

On a défini le framework de la data democracy : on a quatre grands piliers que l’on appelle les quatre as :

La data-as-a-service, la BI-as-a-service, l’IA as-a-Service et le RPA as-a-Service. On a d’autres streams mais ces quatre grands porteurs doivent définir l’offre de self service, définir notre stratégie produit parce que, qui dit « as a service » dit stratégie produit dans chacune de ces offres de services. 

Et ensuite, derrière, il y a un plan d’action qui doit se dérouler.

Globalement, notre framework est défini. On s’est organisé et on est en train de dérouler notre première roadmap sur la ligne 2023.

Est-ce vous qui allez voir les métiers ou le contraire ?

J’aimerais dire les deux. Notre phase une, on l’a faite avec les métiers, mais les métiers des directions nationales chez Orange France, les directions nationales du marketing, de la relation client, du réseau, etc. 

Ensuite, il y a 5 directions Orange opérationnelles dans l’Hexagone, plus les DROM. Donc nous travaillons déjà avec les directions métiers nationales dans la phase une et avec les experts data de la direction métier nationale.

Là, ce que l’on veut faire, c’est sortir du cercle des experts data pour aller plus en profondeur dans cette direction métier nationale et aller attaquer l’idéation qui vient des 5 directions Orange opérationnelles. 

Donc, nous avons déjà une expérience, c’est sur l’automatisation où nous sommes le plus avancé, le RPA as a services, que nous avons expérimenté avec ce concept de citizen developer.

Et c’est sur la base de ce succès que nous étendons le concept à la data et l’IA finalement.

Donc oui, on va voir les métiers parce qu’on a des relais du programme dans les métiers, en direction nationale et en directions opérationnelles qui nous poussent à aller plus loin, plus vite, plus fort.

Avez-vous quelques exemples de use cases qui sont mis en place avec les métiers ?

Un use case business par exemple  : on est en train de revoir toute la chaîne de personnalisation recommandation de nos clients au lieu d’être centré sur nos produits. C’est un programme de transfo sur deux trois ans et on a déjà eu des résultats très probants en 2022. 

L’idée, c’est de centrer sur ce que veut le client et pas sur le produit que nous aimerions lui vendre. Donc, on a tout un engine, tout un moteur avec 40 à 50 scoring qui, ensuite, vont irriguer tous les canaux, SMS, mail, boutique, service client, digital, l’appli, etc.

On pourrait prendre un autre exemple de cas d’usage sur nos techniciens. Aujourd’hui, globalement – je simplifie à l’extrême – notre technicien qui travaille sur la fibre et sur des armoires partagées avec les autres opérateurs va prendre des photos avant-après pour prouver que l’on a bien travaillé et pour vérifier que les autres techniciens n’ont pas mis le bazar dans l’armoire de rue.

Nous avons également des cas d’usage sur la fraude, sur des commandes frauduleuses online par exemple où l’on ne serait pas payé.

Il y a le cas d’usage de la prévision d’appel en service client qui est un cas d’usage emblématique également.

Il y a toujours la question de quantifier la valeur dans les projets data. Sur de la fraude, on peut la quantifier assez facilement mais sur d’autres cas d’usage, ce n’est pas toujours évident. Comment arrivez-vous à aller chercher la valeur dans chaque cas d’usage ? 

Il y a plusieurs sujets.  D’abord il y a : comment mesure-t-on la valeur post business plan ? Nous avons une règle : en dessous d’un certain seuil post T4, si le projet s’est déroulé comme prévu, on dit, « la valeur réelle égale la valeur du BP ». 

Au dessus d’un certain seuil, on dit : « ça, ce n’est pas suffisant d’un certain seuil de valeur, il faut que l’on mesure la valeur réelle de façon mensuelle ».

Donc, on a déjà deux catégories de projets et c’est un premier point très important sur lequel on a aligné l’entreprise et l’ensemble des contrôleurs de gestion.

Le deuxième point sur lequel on a aligné l’entreprise et l’ensemble des contrôleurs de gestion, c’est que la Data IA n’est jamais seule.

Un use cas Data IA n’est jamais stand-alone. Je vous prends l’exemple des techniciens. On a fait l’algorithme de reconnaissance de l’armoire de rue. Si ce n’est pas intégré dans le SI, dans leur application, ça ne sert à rien. Et s’il ne l’utilise pas, ça ne sert à rien. Donc là, on a aussi un algorithme de décision un peu interne, un Excel, qui nous permet de dire : « voilà, tel cas d’usage développé dans l’entreprise, on le compte en Data IA à 0, 30% ou 100%. 

Finalement, c’est souvent 0 ou 100%, donc on va simplifier un peu le sujet.

Et le troisième élément de réponse, c’est une fois qu’on a fait ces deux travaux, c’est au cas par cas.

Sur la fraude, c’est toutes les fraudes que l’on a empêché, multipliées par la valeur de la fraude.

Sur la personnalisation recommandation, on prend un échantillon témoin ; il y a la loi des grands nombres et statistiquement, on sait dire combien rapportent nos travaux. Bon, après, c’est embêtant, parce que l’on se prive de l’échantillon témoin sur notre base. Mais ça, c’est un deuxième choix que l’on a fait.

Sur d’autres use cases, cela va être des évitements d’amendes ou des CAPEX économisés. Donc après, dans la mesure réelle, c’est chaque cas d’usage.

Est-ce que vous demandez au métier qui utilise un service de prouver sa valeur ?

On a une organisation en agile à l’échelle avec le framework safe et donc, pour lancer un projet, un cas d’usage ou un projet Data IA Automatisation, il faut rentrer dans les chaînes de valeur.

Et quand vous rentrez dans le mécanisme et dans la structure chaîne de valeur, de toute façon, la question de la valeur est posée. Elle n’est pas forcément en euros, en chiffre d’affaires, etc. mais à minima en gestion de risques, diminution de risques, de risques à ne pas faire, etc. 

Donc il y a toujours une valeur qui est demandée dans tous les projets en France. C’est le framework agile qui nous l’impose au-delà même de la Data IA.

On s’appuie donc sur cette transformation.

Mettez-vous des citizens dans les métiers qui vont être des référents pour chaque branche métier ou chaque direction ?

Sur l’automatisation, on a déjà des citizen developer sur la data et IA. Sur les métiers nationaux, on a des relais du programme de transfo qui s’appelle des Data IA Managers qui vont animer l’ensemble du métier en direction nationale pour lui faire sortir de l’idéation des cas d’usage.

Et ensuite, les faire rentrer dans les chaînes de valeur.

Et en direction opérationnelle, nous aurons une organisation un peu différente, avec par exemple des « Citizen data analyst » ou même peut-être demain, des « System Data Scientist » et ça, ce n’est pas encore en place, mais tout comme.

C’est toujours un grand sujet, la démocratisation de la data. Mais quelles sont les recommandations que vous pourriez partager sur ce thème ?

Le plus important pour nous, c’est la gouvernance fédérée. C’est-à-dire  : « oui, on démocratise, oui, on donne des outils très puissants à un plus grand nombre.

Finalement, on sort du cercle un peu fermé des experts de la data pour éviter les bottleneck, etc. mais dans un cadre que nous avons défini. Et donc ce cadre parle des coûts, de finance, de sécurité, d’éthique. On est très investi dans les sujets d’IA éthique et responsable, de nos standards technologiques et fonctionnels.

Donc, on démocratise, mais il faut absolument avoir un cadre très clair avec des leviers forts pour faire appliquer ce cadre.

Et tout le monde ne pourra pas devenir citizen data analyst, c’est-à-dire qu’il y aura un processus de sélection pour que l’on puisse donner la main.

Pour la data democracy, il faut être mature et avoir un cadre fort au niveau de la gouvernance fédérée.

Quand on commence à rentrer dans le système et que les métiers utilisent de plus en plus la data, la crainte n’est-elle pas de perdre un petit peu sa gouvernance ? Comment arrive-t-on à la maintenir ?

Il n’y a pas de magie, c’est un équilibre. C’est toujours des trade-off. Je n’ai pas de recette magique à proposer. Nous, nous utilisons un outil pour forcer cette gouvernance. Nous savons qu’un outil, c’est plus fort que les slides dans lesquelles on dit à chaque projet : « merci de vérifier que vous êtes conforme à notre liste, etc. » 

Donc, on a un outil dans lequel on veut forcer toutes les initiatives agiles ou tout ce que l’on appelle les cas d’usage Data IA à rentrer dans cet outil. Et cet outil, il va responsabiliser les équipes en rappelant toutes les règles de gouvernance sur tous les sujets que je vous ai cités.

Et quelque part, il va nous permettre de nous rassurer.

Il va encore une fois amener les équipes vers les règles et va nous permettre d’auditer.

Il y a pas de recette magique mais un outil, ça aide.

Pour revenir sur l’IA, est-il toujours compliqué de prouver la valeur réelle ?

Je pense plutôt que c’est sur la BI que c’est plus dur d’aller chercher la valeur parce que sur l’IA, on n’a pas tant de use cases que ça. Et il se trouve que les use cases IA que l’on a monté, à chaque fois, on a su trouver de la valeur. Par exemple, si on fait de la maintenance prédictive sur le réseau mobile, on va être capable de montrer en faisant des abaques combien nous aurait coûté un incident.

On va être capable d’aller chercher de la valeur sur la reconnaissance visuelle des techniciens parce que, derrière les mécanismes d’amende entre intra-opérateurs, on sait les amendes que l’on évite.

Sur la personnalisation recommandation, on utilise un échantillon témoin.

Un autre cas d’usage ; pour la diffusion de courant, grâce à notre algorithme de scoring, on peut choisir du monophasé plutôt que du triphasé. Donc, on a économisé tant. 

Honnêtement, sur l’IA, c’est compliqué, ce sont beaucoup de réunions, mais finalement, je trouve que l’on arrive à trouver de la valeur. 

En revanche, c’est en BI où c’est très difficile parce que la BI c’est quoi ? C’est un dashboard qui est un enabler à d’autres actions. Donc on ne peut pas prendre la valeur des autres actions.

Quelles sont les prochaines étapes de développement de cette data democracy ?

L’outil est là, donc c’est d’abord convaincre l’ensemble de l’entreprise. Ce change management est vraiment un sujet sur 2023.

Ensuite, développer nos offres de services. Cela commence par définir le catalogue de produits, le rationaliser.

Le plus avancé, c’est l’automatisation, le second, c’est la BI, ensuite la data, la data mesh, data as the product, etc. Et le moins avancé, c’est l’IA.  

En data mesh, quel est le projet ?

On veut lancer 6 ou 7 data products en 2023, donc, on est en train de recruter nos data product owners.

Est-ce que vous avez eu peur à un moment donné que vous puissiez arriver à une data anarchy et que vous n’ayez plus finalement la gouvernance ?

Ce n’est pas une peur mais c’est un risque. Donc, c’est toujours la gouvernance fédérée pour l’équilibre des choses. Le sujet, c’est des règles, un cadre et on s’appuie sur un outil.

C’est peut-être cela la nouveauté. C’est qu’il y a un outil qui va nous permettre de contrôler, d’auditer, de vérifier, en pick and choose parce qu’en même temps, si c’est un chemin de croix, ça ne va pas marcher et en même temps, il faut que l’on contrôle.

Tout collaborateur est en mesure de pouvoir tirer de la valeur des données à quelque niveau que ce soit.

Interview réalisée par Julien Merali, General Manager du Pôle IT d’Agora Managers.

  • Data Anarchy : un régime où les opérationnels métier développent chacun dans leur coin des bases clandestines (“shadow IT”) qui servent leurs intérêts immédiats.
  • Data Monarchy : un régime qui se traduit par une très forte asymétrie de l’accès aux données selon la position dans la hiérarchie. 
  • Data Aristocracy : un régime qui se caractérise par un degré de liberté plus important que la Data Monarchy, mais uniquement réservé à un sous-ensemble de la population, très ciblé.
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