IMMOBILIER - ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

Evolution de la fonction et du profil des Directeurs de l’Immobilier

Arnaud MONTEIL, Directeur associé chez ROBERT WALTERS, revient sur la situation du marché des cadres, les rémunérations et les évolutions de carrière, notamment des Directeurs de l’immobilier. En tant que recruteur, il constate une évolution des attentes des candidats mais également des profils demandés par les entreprises. Entretien.

Robert Walters, en quelques mots ?

Robert Walters est un cabinet anglais fondé par Robert Walters qui en est toujours le président. On est présent dans 35 pays à travers 50 villes et en France depuis une vingtaine d’années, avec un positionnement de cabinet par approche directe avec une orientation cadre Middle et Top Management principalement et quasi exclusivement en CDI, même si nous avons aussi une activité dédiée au management de transition.

Nous avons une organisation avec une double spécialisation, soit sectorielle, soit métier. Sectorielle dans les grands secteurs que sont l’immobilier, l’assurance, la banque notamment et puis, tous les métiers que l’on va retrouver dans l’entreprise : les fonctions financières, commerciales, marketing, achats, RH, etc. 

Quelle est la situation du marché des cadres ?

On est sur un marché de plein emploi. C’est la composante principale avec un taux de chômage chez les cadres qui, à octobre 2022, était de 3,7 %.

Depuis six-sept ans, la croissance est soutenue, quasi-ininterrompue ces dernières années, avec un léger ralentissement au premier semestre 2020, suite au confinement général, mais qui a très vite redémarré.

On bat des records du recrutement avec cette année 280 et peut-être 300 000 – on le saura d’ici la fin de l’année – avec des secteurs qui portent la croissance comme l’immobilier mais surtout, tout ce qui va être lié autour de la tech, du digital, qui est un gros pourvoyeur de recrutement chez les cadres.

Mais on a aussi un redémarrage soutenu depuis deux ans dans l’industrie.

Il y a aussi une évolution des attentes et critères des candidats !

Il y a un basculement à partir de 2018 sur les attentes des cadres et cadres supérieurs.

Jusqu’en 2017, quand un candidat changeait de poste, l’attente numéro 1 était l’intérêt du projet de l’entreprise, l’intérêt du poste. Cela représentait près de 70% des demandes des candidats.

Et à partir de 2018, c’est la rémunération qui devient le premier critère, alors qu’en 2017, la rémunération n’était que le quatrième.

Aujourd’hui encore, c’est la rémunération qui vient en premier et en deuxième, c’est l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Ce qui est intéressant – on le constate depuis 2020 et la période du covid – c’est qu’au-delà de l’équilibre vie pro – vie perso, le cadre a complètement repensé sa vie au travail et sa relation au travail.

L’étude Robert Walters, au premier semestre 2022, révélait que 80% des cadres avaient complètement repensé leur vision du travail, leur rapport au travail, leur rapport à leur manager.

J’imagine qu’il y a aussi une évolution dans les techniques de recrutement !

Il y a un basculement à partir de 2019. En fait, les candidats ont, petit à petit, pris le pouvoir. Donc les entreprises ont des difficultés pour recruter dans les métiers en tension. Ce qui a engendré le développement de notre métier de l’intermédiation. Jusqu’aux années 2018-2019, 25% du volume des recrutements étaient externalisés auprès de prestataires. Fin 2021 – 1er semestre 2022, on était à près de 40%.

Deuxième évolution, c’est le besoin des entreprises d’être extrêmement réactives parce que quand vous êtes dans un marché en tension, les candidats ont plusieurs pistes.

Aujourd’hui, en moyenne, un candidat a minimum trois pistes en même temps. Donc il faut aller vite et si l’entreprise n’est pas capable d’aller vite, d’avoir un processus de recrutement, d’être réactive, elle perd le candidat. Et il y a une extrême volatilité des candidats.

On voit des choses aujourd’hui qu’on ne voyait pas auparavant. Je prends un exemple : un candidat qui signe un nouveau poste dans une entreprise reste intéressé à des opportunités. Donc, il y a un côté très opportuniste du candidat.

Ensuite, dans les moyens de recherche, je ne vais pas dire que c’est la mort des annonces d’emploi mais sur nos activités de cadre et cadre supérieur, c’est vraiment une extrême minorité (5 à 10%). Les retours sont très peu qualitatifs, les entreprises n’ont pas le temps de gérer cela. Et quand vous faites le retour sur investissement de l’annonce, ça ne rapporte pas grand chose.

Il y a la plateforme LinkedIn qui arrive à tirer son épingle du jeu sur les annonces d’emploi.

Qu’en est-il du marché de l’emploi sur la filière immobilier ?

Pour la filière de l’immobilier, c’est plus de 70 000 emplois créés sur les deux dernières années 2020 2021. Le marché immobilier est extrêmement bien orienté en matière de recrutement.

Et l’autre grand marché, en tout cas dans notre nouvelle activité, c’est le marché de la promotion immobilière qui, elle aussi, en termes de recrutement est en très grande tension. Depuis 2017, sur le métier du développement, du montage, de la technique ou sur toute cette chaîne de valeur, on a des grandes difficultés à recruter.

Si l’on parle de l’évolution du métier de directeur immobilier, nous constatons dans les demandes de recrutement, une évolution de la fonction immobilière et de globalisation de l’ensemble des sujets ; gestion de parc, de projets d’investissement ou de désinvestissement, de pilotage de projet de développement, de construction, mais aussi tous les sujets d’environnement de travail, de service généraux, de sécurité-sûreté…

Cette dynamique de globalisation est un vrai sujet, une vraie tendance.

Ce que l’on constate aussi, c’est le rapprochement du directeur immobilier du premier cercle décisionnel de l’entreprise. Aujourd’hui près de 80% des mandats qui nous sont confiés sur des fonctions de directeur immobilier sont rattachés à des Dg et DAF, mais DAF groupe.

Je n’ai quasiment plus de demandes de directeur immobilier rattaché à un directeur des achats et assez rarement auprès de la DRH. Mais c’est un travail quotidien avec les DRH quand même.

Quand on recrute des directeurs de l’immobilier, soit on recrute des gens qui sont déjà directeurs de l’immobilier et qui ont donc une expérience forte sur ces sujets-là. Et qui, s’ils n’ont pas une formation initiale de haut niveau, se sont formés avec des masters spécialisés notamment en immobilier dans les grandes écoles.

Et aussi, on va chercher des gens qui n’étaient pas directeur immobilier mais qui évoluent vers ce métier. Des gens qui sont dans des entreprises du secteur dont le cœur de métier est l’immobilier, des gens qui ont des formations initiales de haut niveau, ingénieur en particulier, mais aussi d’école de commerce ou juridique, responsable d’asset management, responsable transaction… et qui évoluent vers le poste de directeur immobilier. 

Et du côté des rémunérations ?

Si on découpe un peu le marché avec deux grandes familles d’acteurs, tout ce qui va être, fonds, foncières, institutionnels au sens large, bailleurs sur les métiers de la gestion d’actifs, on a une explosion des demandes depuis deux ans. Il n’est pas rare de voir un Asset Manager qui est sorti d’une école de commerce avec 5 ans d’expérience, être à un salaire de rémunération fixe à 65 – 70 000 euros, plus variable et donc avoir un package aux alentours de 80-90 000 euros. Et le garçon ou la fille a 30 ans.

Un directeur immobilier sur une ETI avec un périmètre national français va être sur des positions à 70 – 80 000 euros de rémunération fixe à laquelle on va ajouter une partie variable puis des avantages du véhicule, etc.

Sur un directeur immobilier grand utilisateur CAC 40, on peut aller assez aisément vers du 180 – 200 000 euros de fixe, plus une partie variable qui, pour le coup, peut être très importante…  

Autre constat, sur le secteur immobilier, on a une croissance annuelle entre 6 et 9%, alors que sur les rémunérations des directeurs de l’immobilier, on est un peu plus flat avec 3,5% d’augmentation annuelle. Donc on est un peu en dessous dans la courbe inflationniste en termes de rémunération.

Il y a deux facteurs principaux : le premier, c’est que la direction immobilière même si elle est beaucoup plus au coeur de l’entreprise, elle n’est pas le cœur business mais une fonction support.

Le deuxième point, c’est que le recrutement d’un directeur immobilier n’est pas une recherche forcément très difficile. C’est-à-dire que l’on a des candidats qui sont assez facilement visibles, qui sont assez disponibles pour échanger sur les opportunités. Donc on a un marché de candidats qui est moins en tension que sur d’autres métiers.

Il est aussi moins en tension parce que, quand vous êtes directeur immobilier d’une entreprise, votre évolution professionnelle à 3-5 ans est de bouger. Une fois que vos projets sont en cours, une fois que vous avez structuré votre direction immobilière, vous êtes sur du courant et c’est peut-être moins intéressant. Donc si vous voulez évoluer, et financièrement et en termes d’intérêt de poste, c’est forcément l’extérieur.

Y-a-t-il des évolutions sur les profils, compétences ou responsabilités que l’on n’aurait pas abordé ?

Il y a des points qui sont aujourd’hui essentiels.

Il y a un sujet sur l’internationalisation ; c’est-à-dire que d’une dimension nationale, on est quand même passé aujourd’hui à des postes dans une logique de stratégie immobilière au sens large. Donc, de globalisation.

Les groupes qui se développent à l’étranger ont besoin d’un pilote en central pour penser l’ensemble de la stratégie immobilière au niveau du groupe. Quand je vais monter une usine au Mexique, si j’ai un directeur immobilier, il va pouvoir porter le projet et gérer le projet.

Je pense aussi, par exemple, à deux licornes que l’on a accompagné dans la tech qui n’avaient pas forcément le sujet immobilier à l’esprit et avec qui, on a travaillé sur cette réflexion-là. 

L’autre grand enjeu, et qui est encore plus présent depuis plusieurs mois, ce sont tous les sujets d’énergie. On a une recherche récente au sein d’une direction immobilière sur un poste d’Energy manager ; c’est quelqu’un qui va vraiment prendre en charge l’ensemble des sujets énergie au sein de la Direction immobilière et qui va porter l’ensemble des sujets.

C’est vraiment une évolution que l’on est en train de constater et qui est, a priori, pas près de s’arrêter.

Il y a tout l’écosystème workplace. Il y a encore beaucoup de travail, de possibilités qui sont à exploiter. Il y a des demandes de directeur immobilier qui soit vraiment un business partner sur ces sujets-là mais également un véritable partenaire des ressources humaines.

Enfin, on a eu aussi pas mal de recherches cette année sur des responsables directeurs ESG et j’ai aujourd’hui à Robert Walters, deux personnes à temps plein sur la PROPTECH qui est plein boom. 

Propos recueillis par Lionel Cottin, Directeur de la rédaction d’ANews Workwell.

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