Directeur sécurité : comment se protéger juridiquement, en cas d’éventuels litiges, ou y faire face ?
Partie 2 : Retex de Caroline DIOT, Avocat Associée, Expert en Protection des Entreprises & Intelligence Economique chez FIDAL.
Après avoir bien établi son contrat de travail et sa fiche de poste, sa délégation de pouvoirs, son plan de prévention des risques et cartographié les risques pénaux encourus (Voir Partie 1), le directeur sécurité doit pouvoir se protéger juridiquement face aux fautes éventuelles qu’il pourrait commettre.
Tour d’horizon des protections juridiques du directeur sécurité-sûreté.
On sait que les entreprises utilisent le directeur sécurité ou sûreté de manière assez variable. Donc la fiche fonction est un bon moyen et un bon repère pour déterminer et cartographier d’abord son périmètre, explique Caroline DIOT.
Le contrat de travail
Le contrat de travail est le moment de discussion à avoir avec le futur employeur... On peut d’ailleurs se faire épauler par un avocat. Pour autant, ce sont généralement des contrats relativement classiques et bordés.
Alors, quand le périmètre du directeur évolue, ce qui arrive souvent chez les directeurs sécurité – on l’a vu avec la crise Covid et avec la période des attentats – il y a une règle, toujours le contrat de travail qui lie le salarié à l’employeur.
On a deux situations :
Soit il s’agit d’une modification du contrat de travail. On décide par exemple de vous envoyer plus loin, voire dans un autre pays et parfois dans un pays en guerre. Là, on est sur une modification assez importante qui va mériter un avenant ou en tout cas, un accord sur cette modification. L’employeur ne peut pas obliger le salarié et c’est l’objet de négociation. Il faut donc formaliser ce dialogue. Parce que si plus tard, cela prend une tournure contentieuse, on va s’appuyer sur ce changement des conditions de travail.
Soit, c’est un changement des conditions de travail et au gré de certaines crises ou si l’activité se modifie, l’employeur peut l’imposer en quelque sorte aux salariés. On a eu par exemple des salariés ou des agents de sécurité qui ne voulaient plus travailler lors d’un changement de lieu dans un même secteur géographique parce qu’ils craignaient un risque d’agression. Non, là on leur explique que l’on n’est pas obligé d’avoir l’accord du salarié…
Mais dans tous les tous cas, cela doit faire l’objet de discussion et l’on conseille toujours d’utiliser du management, de la communication, du dialogue pour véritablement apaiser les situations et clarifier là où il peut y avoir des litiges...
La délégation de pouvoirs
Dans le cas de figure où le chef d’entreprise ne respecte pas l’autorité de son directeur sécurité ou ne lui donne pas les moyens de mener à bien sa mission stipulée sur le contrat, il y a un risque pour l’entreprise. En fait, la justice regardera la délégation de pouvoirs et si le directeur n’a pas les moyens de mener sa mission, la responsabilité pénale sera encourue par l’entreprise mais aussi par le chef d’entreprise à titre personnel...
Le droit de retrait.
Parmi les autres droits, il y a dans le code du travail un outil qui s’appelle le droit de retrait. C’est-à-dire qu’à partir du moment où j’ai un motif raisonnable de penser qu’une situation présente un danger grave et imminent pour la santé, la sécurité ou qu’il y a une défectuosité dans un système de sécurité, d’une machine par exemple, le directeur sécurité ou les salariés ont la possibilité de faire un droit d’alerte et de faire un droit de retrait. Et il n’y a pas de formalisme particulier : parfois on a des registres ; on peut même le faire à l’oral.
Le salarié ne risque ni licenciement, ni sanction. Et l’employeur qui sanctionnerait le salarié qui a fait jouer son droit de retrait face à une situation dangereuse serait même en faute. Et si la situation n’était finalement pas dangereuse mais que j’avais un motif raisonnable de penser que c’était dangereux, je ne serai pas sanctionner non plus. Donc c’est un outil qu’il ne faut pas hésiter à utiliser dès que l’on a un doute sur la santé physique ou mentale de salariés.
Le droit d’alerte
On a également ce qu’on appelle les dispositifs d’alerte et de protection du lanceur d’alerte. Si on me demande par exemple, quelque chose qui est interdit. On me demande de commettre une infraction, de financer un parti politique ou une organisation particulière, de sélectionner tel ou tel sous traitant parce qu’on a un chef qui a un intérêt – ça s’appelle de la corruption – ou encore si on me demande d’espionner un salarié, etc.
En sommes, je peux alerter dès qu’il y a un crime possible, un délit, ou même, avec la loi du 21 mars 2022, une menace ou un préjudice à l’intérêt général ou un risque de violations ou une tentative de dissimulation de la violation d’une convention importante.
Je pense à des questions liées à l’environnement, à la santé publique. Par exemple, on me demande de stocker des produits chimiques ou de déverser des produits dangereux dans la nature… Le devoir du salarié est de le signaler et il est beaucoup plus protégé aujourd’hui. La seule condition est d’être de bonne foi et d’avoir constaté les choses avec un peu d’éléments. On ne peut pas être sanctionné et discriminé parce que l’on aurait alerté sur ces faits. Et d’ailleurs, on alerte aussi son employeur.
Et si on a peur de représailles, on peut aussi aller directement devant la justice ou devant le défenseur des droits. Et l’entreprise ne pourra vous licencier...
Alors si vous sentez que la situation peut dégénérer (licenciement- mise au placard), il faut consulter un avocat. Pas trop tard non plus. Parfois on a des gens qui viennent nous voir au dernier moment. C’est toujours une question de stratégie et plus on a anticipé les choses, meilleure est la stratégie.
Je ne prêche absolument pas pour ma paroisse et peut-être que cela va casser des idées sur les avocats mais nous préférons toujours une bonne négociation à un mauvais procès. Un gros contentieux prend de la charge mentale importante, du temps à tout le monde et n’est pas forcément satisfaisant pour les parties...
Les frais de procédure
Enfin, si le directeur sécurité se retrouve dans une procédure pénale par exemple, où il peut y avoir des amendes, des dommages et intérêts et des frais de procédure, la jurisprudence oblige aujourd’hui, au nom du contrat de travail sur la base de la relation de loyauté, de l’obligation de loyauté, l’employeur à prendre en charge les frais de procédure et les frais d’avocat du salarié, avec cette particularité, que le salarié garde le choix de son avocat et bien sûr, sa liberté de stratégie…
Propos recueillis par Alexandre Carré, Directeur de la rédaction ANews Sécurité