La construction financière d’une politique immobilière
La gestion du parc immobilier de Babilou n’a été rangée parmi les questions d’intendance. Elle a un véritable rôle stratégique au regard de la performance globale de l’entreprise. Du schéma directeur à l’optimisation immobilière permanente, retour d’expérience avec sa tour de contrôle, Agnès KESSLER, Directeur immobilier du GROUPE BABILOU.
Babilou est le premier groupe de crèches d’entreprises et de collectivités en France avec plus de 450 crèches dans toutes les grandes métropoles. Vous êtes également à l’international dans 13 pays. Comment votre modèle a-t-il évolué ?
Babilou a été fondée en 2003 par Edouard et Rodolphe Carle avec cette idée que l’on manquait cruellement de places de crèche et qu’il fallait proposer aux collaborateurs des solutions pour faire garder ses enfants autrement qu’une garde à domicile. Le modèle a évolué puisque les premiers modèles de crèches se trouvaient directement au sein des entreprises. Aujourd’hui on est toujours sur des clients B2B avec des entreprises réservataires, avec 2300 clients qui réservent des places pour leurs salariés, mais avec des crèches qui se trouvent aussi à proximité de leur domicile. Le modèle est maintenant d’avoir un maillage très fort pour pouvoir couvrir nationalement et répondre à la localisation et à la proximité attendues par les familles dans ce choix de mode de garde.
C’est encore plus d’actualité dans un moment où a été mis en place le télétravail. Donc Bablilou aujourd’hui, c’est 450 crèches, 12 000 berceaux et des partenariats avec plus de 2 300 partenaires qui lui permet de compléter son offre avec plus de 43 000 berceaux supplémentaires et ainsi garantir à ses entreprises clientes, des solutions de garde à proximité et un niveau national.
Comment êtes-vous organisés au sein de la direction immobilière ?
Le périmètre France est organisé autour de quatre grandes directions : une première direction qui est la direction des projets qui a la responsabilité de l’ouverture et de la création d’une cinquantaine de crèches par an. J’ai également la direction de l’exploitation maintenance qui a la responsabilité de l’exploitation du réseau existant de 450 crèches. Notre troisième direction est une direction intégration parce qu’on a aussi une partie de notre activité qui est liée par la croissance externe donc de l’intégration de crèches dans notre réseau Babilou. Et on a une direction de gestion locative pour gérer le poste des loyers qui est dans le top 3 des postes de dépenses dans l’entreprise. Nous sommes locataires sur l’intégralité du parc.
Quels sont les grands projets actuels de la direction immobilière de Babilou ?
Notre priorité est d’anticiper et de gérer l’obsolescence de notre parc, de s’assurer du maintien à niveau du parc et qu’il ne se démode pas. Nous sommes sur une activité réglementée et très sensible puisque nous accueillons des jeunes enfants, du public et nous avons des missions éducatives. Le cadre immobilier se doit de répondre à des attentes de nos clients et des familles qui évoluent et qui nous demandent aussi de voir évoluer notre charte d’aménagement.
Notre deuxième objectif est d’ouvrir des crèches, innover et rester leader sur notre marché mais aussi d’anticiper ce que sera la crèche de demain.
Nous sommes entourés de compétences de designers et d’un cabinet d’architecture pour réfléchir à ce nouveau concept de crèche avec quatre objectifs : le premier est de servir notre mission éducative. Le deuxième est de garantir à nos collaborateurs une qualité de vie au travail. Le troisième est de répondre aux attentes de nos parents de crèches durables, orientées vers la nature et qui répondent aussi aux enjeux climatiques de demain. Et le dernier objectif est d’avoir une charte sur la manière de construire nos crèches qui soit complètement en phase avec notre politique RSE avec des engagements très forts en termes d’orientation durable et de décarbonation.
Combien de personnes dans votre direction ?
Une vingtaine de personnes avec des profils en gestion locative, gestion d’exploitation, de maintenance et des profils d’architecte pour gérer nos projets. Avec une fibre très servicielle.
Quels sont les grands postes budgétaires ?
Notre premier poste budgétaire concerne les loyers. Nous avons également un Capex rénovation importants avec des grosses rénovations ou de refresh d’une quarantaine de crèches par an, soit 10% de notre parc. On a un Capex fonctionnement tout au long de l’année. Nos crèches sont extrêmement sollicitées.
Et un Capex réglementaire qui est lui très important puisque nous sommes ERP. Nous avons des obligations liées à l’accessibilité, à la sécurité incendie… et aux nouvelles couches de réglementation qui viennent driver la manière de piloter notre politique immobilière : la première, c’est la sortie en octobre dernier d’un référentiel bâtimentaire, un décret qui organise la manière dont on doit agencer et qui nous impose un certain nombre de règles spécifiques aux crèches. (Ce décret actualise l’essentiel des normes applicables aux établissements d’accueil du jeune enfant (Eaje) en termes d’accessibilité, de sécurité, d’espaces intérieurs, d’éclairage, de qualité de l’air, de chauffage…)
Nous avons également un organisme de tutelle, les PMI (Protection maternelle infantile), qui a un droit de regard sur l’organisation de nos crèches et qui est très exigeant sur toute la sécurité à la fois pour les enfants et pour les professionnels et sur la manière dont on maintient nos crèches.
Et dernier point, on a une démarche qualité avec notre Label ELSA© sous l’autorité de SGS, organisme certificateur international indépendant, qui observe nos crèches au travers de 500 points de contrôle.
Quel est votre budget global ?
La particularité dans le secteur des crèches, c’est que l’on ramène nos ratios au berceau et non au mètre carré. Si je fais la translation sur la partie rénovation, grand entretien et renouvellement, on est en moyenne à 2,5% du montant total de nos investissements, soit un ratio supérieur d’un point à ce que l’on peut retrouver traditionnellement dans le bureau.
Cela s’explique par un outil travail plus sollicité que la moyenne, très dispersé et par une obligation réglementaire très forte. Le chiffre d’affaires consolidé est de 650 millions d’euros et on est sur un poste immobilier qui représente 10% de notre chiffre d’affaires, tout poste de dépenses confondues. Un montant relativement important qui démontre bien notre volonté d’entretenir un parc et d’investir.
Comment se construit cette politique immobilière ?
Elle se construit déjà par une base de connaissance et de surveillance de son patrimoine de 135 000 m2. Donc, on a initié depuis deux ans une surveillance complète de notre patrimoine avec un outil de digitalisation de suivi d’état de conservation de notre patrimoine qui permet de rendre compte en direct à notre Comex. C’est un outil qui nous aide dans nos arbitrages.
Ensuite, il y a des arbitrages qui sont faits en concertation avec la direction financière qui est vraiment là en appui pour nous aider à construire les meilleurs budgets, de ne pas nous limiter à la fois dans nos investissements et dans nos plans de rénovation et de construire intelligemment aussi. A savoir comment sur une année, on peut tenir nos engagements à la fois de financement de l’ensemble de nos travaux, de tenir aussi nos engagements pour régler l’ensemble nos fournisseurs.
Quels sont justement les points d’arbitrage ?
Le robinet n’est pas ouvert. Sur les rénovations par exemple où l’on va devoir se poser la question de report ou de priorisation. Sur les investissements : chaque ouverture de crèche donne lieu à un comité d’investissement où l’on vient défendre ses budgets travaux, les mesures d’accompagnement que l’on peut obtenir de la part de nos bailleurs, sur l’agilité dans notre montage de programmes travaux pour tenir les objectifs et les ratios qui nous sont fixés sur les coûts d’investissement.
Quels sont aujourd’hui vos priorités ?
Du fait du contexte économique, on subit sur un certain nombre de postes, des augmentations de 8 à 15% voire 20%. Nous menons à l’heure actuelle un gros travail sur la maîtrise de nos coûts travaux et sur les postes. C’est un travail mené avec notre direction des achats, de négociation avec le contractant général avec comme leviers l’effet de masse et le volume puisque nous garantissions l’ouverture de 50 crèches par an.
Le deuxième point est la phase de renégociation de nos loyers et les mesures d’accompagnement que l’on peut obtenir de la part de nos bailleurs. On est sur des baux qui peuvent aller jusqu’à 10 ans, et on a la garantie de sécuriser les loyers et de maintenir un parc à niveau.
Ou encore développer notre politique RSE. Avec trois axes : autour du bien-être au travail ; autour de l’éducation durable ; autour d’acteur climat. On se doit de proposer un cadre qui permette de répondre à ces objectifs. Et dans notre charte d’aménagement paysager, on va intégrer des questionnements par rapport au circuit court, à l’analyse du cycle de vie des matériaux utilisés dans nos crèches. Et repenser tant nos appels d’offres sur la conception de notre mobilier qui va être un mobilier personnalisé Babilou que sur la conception de nos crèches. Des crèches plus vertueuses, par exemple préférer l’occultation à la climatisation, créer des îlots de fraicheur, de la végétalisation plutôt que du bitume…
Vous voulez en savoir plus ? Retrouvez l’intégralité de notre interview ci-dessus.
ou la vidéo : Un président à la une ! Edouard CARLE du Groupe BABILOU
Propos recueillis par Lionel Cottin, Directeur de la rédaction ANews Workwell – Agora Médias