La nouvelle police municipale de Paris : Caractéristiques, Missions et Enjeux
Michel Felkay
Après avoir été, successivement, Patron de la BAC de nuit de Paris, Commissaire central du XVe arrondissement, Chef du Service National de Police Ferroviaire au sein de la Direction Centrale de la Police Aux Frontières, Attaché de Sécurité Intérieure Croatie, et Attaché de Sécurité Intérieure régional pour la zone des Balkans occidentaux , Sous-directeur de la coopération de sécurité et de gouvernance (DCI), puis Attaché de Sécurité Intérieure en Allemagne, Michel Felkay est devenu Directeur de Police municipale et de la prévention de la ville de Paris, en 2019, poste qu’il a créé.
Ses priorités sont multiples avec, outre la sécurisation de l’espace public, la prévention et la répression des infractions, la gestion de la circulation et du stationnement, la lutte contre les incivilités et les nuisances, la protection des biens et des personnes ou encore l’assistance aux victimes…
Alexandre Carré : Les premières traces de la police municipale remonte au IXe siècle mais à Paris, c’est un peu plus tard…
Michel Felkay : Oui, c’est un peu plus tard. Le guet de Paris était formé de volontaires qui surveillaient Paris la nuit et petit à petit, avec le temps, on a pu avoir une professionnalisation de la sécurité sur Paris, non seulement la nuit, mais le jour également. Au Châtelet notamment, petit à petit des commissaires de police sont apparus.
À partir de Napoléon, la Préfecture de police est arrivée et l’État a pris les choses en main. Ensuite, du côté de la municipalité, à partir des années 60-70 des embryons de police municipale sont apparus.
Le 18 octobre 2021, on a eu la première promotion de policiers municipaux.
Alexandre Carré : Cette police municipale de la capitale est disponible et présente tout du long de l’année !
Michel Felkay : Exactement, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (et joignable au 3975).
Elle est devenue la première police municipale de France parce que Paris est dense. Paris a ses problèmes et donc on va être le mois prochain, à plus de 1 000 policiers municipaux formés.
Et je dis formés parce que nous avons pu, grâce à la loi sécurité globale de 2021, avoir notre propre école de formation. Alors que les policiers municipaux normalement se font former au CNFPT, le Centre national de fonction publique territoriale. Mais vu les volumes, il a fallu créer notre propre école, avec tout un staff de formateurs.
Des promotions sortent à peu près tous les quatre mois. La dernière a eu lieu vendredi dernier, avec une sortie de 286 policiers municipaux, sur le parvis de la place Baudoyer qui est notre centre de travail.
Alexandre Carré : Où se situe cette école ?
Michel Felkay : Elle va se situer dans un lieu emblématique où s’est passé le drame de Charlie Hebdo, rue Nicolas Appert, dans le 11e.
Nous voulons transformer ce lieu de terrorisme pour une école de tranquillité publique. Nous voulons modifier les choses et en faire vraiment notre lieu de travail pour former les futurs agents policiers municipaux.
Alexandre Carré : Une des particularités de la police municipale de Paris, c’est qu’elle est armée ?
Michel Felkay : Elle est armée mais attention, elle n’est pas armée d’armes létales. On est encore sur du tonfa, c’est-à-dire le bâton à poignée latérale. On est sur des bombes lacrymogènes de 300 ml et on a la protection du gilet par balle et les menottes. On n’a pas de Taser et ni d’arme à feu.
Alexandre Carré : Est-ce que c’est en réflexion ?
Michel Felkay : C’est un choix de la maire, comme dans toutes les municipalités de France et la maire de Paris a décidé de faire de nous cette police d’ultra proximité que nous voulons au contact du public. Donc, dans cette ville qui est protegée par la Préfecture de police, nous avons d’autres missions qui sont des missions de tranquillité publique, des missions d’apaisement de l’espace public.
Alexandre Carré : On est aux alentours de 1 000 policiers pour le moment. Quel est l’objectif pour la suite ?
Michel Felkay : C’est à peu près 3 000 policiers municipaux, avec en tout, en fin de mandature, un global de 5 000 puisque l’on a des agents qui ne seront pas policiers municipaux au sein de cette direction, qui sont des agents de parcs et jardins, des agents qui surveillent les mairies ou même des médiateurs.
Nous sommes la seule police municipale à avoir en son sein des médiateurs qui sont là pour apaiser aux abords des collèges et prévenir les rixes.
Alexandre Carré : Est-ce que l’on arrive à savoir d’où viennent ceux qui deviennent aujourd’hui policiers municipaux pour la ville de Paris ?
Michel Felkay : On a à la fois tout un stock de 2 200 agents qui exercent et qui étaient des inspecteurs de sécurité de voie publique ou des ASP, les agents de sécurité de la ville de Paris et qui faisaient du stationnement payant. On a récupéré tous ces agents qui sont ceux que nous sommes en train de former.
Mais à côté, nous recrutons des extérieurs et nous en sommes à notre deuxième concours de 400 postes. Ils ont 6 mois de formation au sein de cette école. Alors qu’avec les nôtres, la loi nous a permis de prendre en compte leur expérience, si bien qu’ils n’ont que trois mois et demi de formation.
Puis, on a des demandes de détachement, soit de policiers municipaux qui viennent d’autres polices municipales, intéressés par Paris. J’ai aussi des policiers nationaux qui veulent également venir qu’ils soient gardiens de la paix ou majors de police, voire même officiers de police ou des gendarmes, des pompiers ou des agents de l’administration pénitentiaire.
On attire et c’est tant mieux. On n’est pas comme les autres polices municipales, on n’est pas une police d’intervention. On est une police de présence, de visibilité, à pieds ou en vélo. Et le moins possible en voiture. On veut s’arrêter, discuter, prendre en compte les doléances et résoudre les problèmes.
Alexandre Carré : Peut-on détailler les trois principales missions ? Ça commence par la prévention ?
Michel Felkay : Nous avons même une unité d’assistance aux personnes vulnérables parce qu’à Paris, on a beaucoup de SDF ou de migrants qui s’installent. Notre problème actuellement, ce sont les crackers de Paris et les toxicomanes. J’ai même une maraude spécialisée dans ce domaine qui rentre en contact. Notre but est la sortie de rue donc on travaille beaucoup avec des associations. Ça, c’est la prévention.
Pour la dissuasion, on est présents et on fait cette visibilité. On tranquillise, on pacifie l’espace public, on prend en compte les doléances et puis on réprime. En 2022, on a établi plus d’un million-deux-cents mille procès-verbaux, que ça soit dans le domaine routier, qui est notre domaine de compétence, le respect des pistes cyclables, les feux rouges, les portables au volant mais également tout ce qui concerne les incivilités, c’est-à-dire les nuisances sonores, les jets de mégot, les terrasses qui débordent et que l’on fait respecter. Bref, tout ce qui se passe sur l’espace public.
On n’est pas du tout sur des missions régaliennes. Bien sûr, si pendant nos patrouilles, un flagrant délit se déroule sous nos yeux, on va intervenir, on va interpeller et remettre à un officier de police judiciaire mais ce n’est pas notre mission première. On ne va pas faire de surveillance, on ne va pas être appelé pour aller chercher tel ou tel individu qui commet des actes délictueux mais nous pouvons être primo-intervenants.
Alexandre Carré : La maire de Paris a signé avec le Préfet de police et le Procureur de la République, une convention de coordination qui précise les missions de chacun et les compétences. Comment se passe la coopération justement avec les forces de l’ordre et la préfecture de police ?
Michel Felkay : Cela se passe plutôt bien. Évidemment moi qui suis issu du corps des commissaires de police, je connais tous mes collègues qui sont en face. On fait plus d’une trentaine d’opérations conjointes par semaine dans les arrondissements, chacun dans son domaine de compétences.
Je peux citer par exemple, les vendeurs à la sauvette à la Tour Eiffel ou au Louvre ou les opérations anti-tuk-tuk parce que ce sont des engins qui ne sont pas toujours homologués. Les forces de police peuvent mettre des procès-verbaux et nous, on emmène les engins en fourrière. En ce qui concerne les vendeurs à la sauvette, on agit en masse avec les policiers nationaux, puis le matériel est récupéré par la police nationale qui peut saisir, alors que nous, nous ne pouvons pas.
Nous agissons vraiment de concert et ça se passe bien.
Alexandre Carré : Est-ce que cette coopération se fait également avec les organismes privés, avec des directeurs sécurité de la Tour Eiffel par exemple ?
Michel Felkay : Oui bien sûr, que cela soit la Tour Eiffel, la sécurité du Louvre ou des grands magasins par exemple. Nous-mêmes, nous employons de la sécurité privée lors des gros événements, comme le 14 juillet ou la Foire du Trône qui va se dérouler dans quelques semaines.
Alexandre Carré : Pouvez-vous préciser ?
Michel Felkay : Nous travaillons avec des sociétés de sécurité privée et nous passons des contrats. On peut employer, par exemple pour la Nuit Blanche, jusqu’à 3000 agents privés que l’on va répartir à différents points, sous l’autorité de policiers municipaux. Ils vont être utilisés à des tâches de filtrage, par exemple pour barrer une rue ou ce genre de choses. Et ça se passe bien.
Avec par exemple la Tour Eiffel ou le Louvre, on essaye de se coordonner et ils sont très contents.
Par exemple, on a beaucoup de caches qui sont découvertes parce que les vendeurs à la sauvette enfouissent ça dans des trappes ou dans des buissons et nous saisissons tout et on emmène ça au commissariat. La coopération est bonne. Il faut que l’on agisse tous ensemble et c’est ça le continuum de sécurité, chacun dans son domaine de compétences.
Alexandre Carré : L’état vient d’annoncer une armada hors norme pour les JO : 45 000 policiers et gendarmes, 35 000 ne serait-ce que pour la cérémonie d’ouverture. Quels sont les enjeux pour la police municipale de Paris pour les JO mais aussi pour la Coupe du monde de rugby ?
Michel Felkay : On en est à élaborer des plans sur tous les sites olympiques puisque il y aura des zones d’approche qui vont permettre au public d’arriver. Et puis la police municipale s’occupera aussi de tout un tas de de festivités dans les arrondissements. Chaque maire d’arrondissement veut organiser sa propre festivité donc on s’occupera de la sécurité sur Paris en dehors des Jeux Olympiques.
La cérémonie d’ouverture est quelque chose d’un peu particulier puisque c’est d’une ampleur gigantesque sur 6 km et 400 000 personnes. On va gérer tous les quais hauts sans doute et l’État sera sur les quais bas. Tout cela s’affine au fur et à mesure.
On en est à comptabiliser combien d’agents on a jour par jour, pour pouvoir dire ce que l’on peut faire, ce que l’on peut donner pour coopérer avec les forces étatiques. Bref c’est un énorme travail, y compris de circulation mais également d’enlèvements de voitures puisque il y aura tous les Road events, c’est-à-dire tous ces parcours de triathlons, marathons, courses cyclistes qui vont traverser Paris.
On va être archi-pris mais c’est une chance pour les policiers municipaux et pour ceux qui veulent candidater, que de venir à Paris parce que ça ne se vit qu’une fois dans une carrière.
Propos recueillis par Alexandre Carré, Agora Médias